Si Human Rights Watch affiche son inquiétude au sujet des agissements du M23, l’organisation en profite également pour préciser que la situation humanitaire mais aussi celle des droits humains, avec la répression des voix critiques, restent désastreuses en RDC. C’est ce qu’explique Thomas Fessy, chercheur principal pour la RDC chez HRW dans cet entretien qu’il nous a accordé.
DW : HRW fait savoir que le M23 a délibérément tué au moins 30 civils dans les zones placées sous contrôle depuis la mi-juin. Est ce à dire selon vous que l’état de siège a failli à sa mission?
Thomas Fessy : Si l’on regarde les chiffres du baromètre sécuritaire, nous sommes à un total de près de 2600 civils tués depuis que l’état de siège est en place. Les atrocités commises par les ADF, les miliciens Codeco, n’ont pas été stoppés. Les attaques contre des camps de déplacés se sont multipliées, les déplacements continuent. Et pour ce qui est du M23, et bien l’état de siège n’a pas permis d’empêcher sa résurgence, ouvrant désormais un nouveau front d’insécurité au Nord-Kivu.
DW : Votre structure précise également que la situation humanitaire est celle des droits humains à travers le pays et en particulier dans l’Est reste désastreuse, et ce, malgré une passation de pouvoir pacifique en 2019. Alors, est ce à craindre une détérioration dans les prochains mois, et ce, à une année des prochaines échéances électorales?
Thomas Fessy : Il est certain que la situation est très inquiétante. Il n’y a jamais eu autant de déplacés qu’aujourd’hui. Avec plus de 5 millions et demi, il y a une grande faillite au niveau de la protection des civils et les inquiétudes se portent également sur l’espace démocratique. Les journalistes continuent d’être ciblés, intimidés, arrêtés. Les activistes des Mouvements Citoyens sont également réprimés. La loi électorale est finalement passée sans consensus et donc l’intolérance à la critique est là. Il est vrai qu’à une année des élections, ces tendances ne sont pas de bon augure. Quant aux provinces de l’Est, encore sous état de siège, il ne faudrait pas que les populations soient exclues des échéances électorales.
DW : Human Rights Watch note que le fait de ne pas avoir traduit en justice les commandants du M23 pour des crimes de guerre passés leur a permis de se livrer à de nombreux abus aujourd’hui. Ceci étant dit, que pensez-vous des tentatives de pourparlers avec ces groupes armés à Nairobi par exemple?
Thomas Fessy : Il est clair que l’impunité d’hier alimente la violence et les abus d’aujourd’hui. La question des responsables du M23 a été évitée pendant presque dix ans. Le leadership du M23 est par ailleurs sous sanctions. Que ce soit l’initiative de Nairobi ou celle de Luanda, elles devraient inclure une stratégie claire de démobilisation de ce groupe et un mécanisme visant à s’assurer que les responsables de crimes graves rendent des comptes et qu’ils répondent de leurs crimes. (dw.com)