Une dizaine de cartons de documents classés « top secret », « secret » et « confidentiel » ont été retrouvés au domicile de Donald Trump en Floride, selon l’inventaire de la liste des pièces saisies par le FBI publié vendredi par la justice américaine. L’ancien président est soupçonné d’avoir violé trois lois sur la sécurité nationale et risque théoriquement plusieurs décennies de prison.
Espionnage, destruction, obstruction : voici en trois mots ce que la justice américaine pourrait reprocher à Donald Trump. En emportant à son domicile de Floride des documents classifiés, l’ancien président des États-Unis pourrait avoir fait preuve d’une légèreté coupable en violant trois lois américaines qui encadrent très strictement la détention de documents confidentiels liés à la sécurité nationale.
Selon l’inventaire des pièces saisies par le FBI publié vendredi par la justice américaine, les enquêteurs auraient retrouvé 11 cartons de documents classifiés : un “top secret/SCI”, quatre “top secret”, trois “secret” et enfin trois “confidentiel”.
Parmi ces appellations, le top secret/SCI (pour Top Secret/Sensitive Compartmented Information) représente le plus haut niveau d’habilitation et concerne uniquement des informations ultra-sensibles. Les documents siglés SCI ne peuvent être consultés que dans des bureaux sécurisés appartenant au gouvernement fédéral et nécessitent un accès spécial même pour les personnes ayant l’accréditation “top secret”.
“Il pourrait s’agir de documents codés permettant un niveau supérieur de confidentialité et franchement, il s’agit d’informations auxquelles un nombre très réduit de personnes peuvent avoir accès”, précise Joshua Skule, un ancien cadre du FBI, interrogé par CNN.
Peu d’informations ont filtré sur le contenu des documents saisis à Mar-a-Lago. Selon le Washington Post qui cite des sources anonymes proches de l’enquête, certains documents seraient en lien avec des armes nucléaires sans que l’on sache si ces informations concernent l’arsenal américain ou celui d’une puissance étrangère. Une révélation démentie par Donald Trump qui a dénoncé “un canular“ sur Truth social, le réseau social qu’il a créé.
Dans la liste des documents saisis est mentionné un ensemble concernant le “président de la France“. Aucune autre précision n’est donnée sur la nature de ces informations, ni si cela concerne l’actuel président français Emmanuel Macron. Sollicité par plusieurs médias, l’Élysée n’a pas souhaité faire de commentaires.
Menaces sur la sécurité nationale ?
Selon le mandat de perquisition rendu public vendredi, la justice américaine a de sérieuses raisons de soupçonner l’ancien président des États-Unis d’avoir violé trois lois (sections 793, 2071 et 1519 du titre 18 du Code des États-Unis ), en lien avec la sécurité nationale.
D’abord, l’article 793 de la loi sur l’espionnage de 1917 qui interdit la “collecte, la transmission ou la perte d’informations” concernant la défense nationale. S’il est reconnu coupable, Donald Trump risque théoriquement une peine maximale de 10 ans de prison pour chaque violation.
Le deuxième texte invoqué pour justifier la perquisition menée lundi par le FBI concerne la soustraction ou la destruction d’archives officielles pouvant conduire à trois ans d’emprisonnement et à l’interdiction d’occuper une fonction publique.
Enfin, l’article 1519 interdit l’obstruction à une enquête fédérale par la destruction ou la dissimulation de documents. La peine maximale encourue est de 20 ans de prison.
Ces lois ne font aucune différence entre les documents classifiés et ceux qui ne le sont pas. Tous les documents pouvant mettre potentiellement la sécurité nationale en péril sont concernés.
Selon les médias américains, il est cependant difficile de savoir si cette enquête pourrait mener à une inculpation de Donald Trump. D’après des experts, le fait d’invoquer la loi sur l’espionnage ne signifie pas que l’ancien président risque d’être accusé de ce crime. « La loi sur l’espionnage comprend un tas de crimes qui n’ont rien à voir avec l’espionnage », a déclaré l’avocat spécialiste de ces questions Bradley Moss, sur Twitter.
“À moins de prouver que des informations classifiées on été vendues à un tiers, cela serait très exagéré de poursuivre un ancien président des États-Unis pour ces motifs”, affirme également le juriste Charles Elson auprès de CNBC.
De son côté, Donald Trump assure qu’il avait lui-même déclassifié tous les documents retrouvés par les enquêteurs dans sa propriété de Floride avant son départ de la Maison Blanche. Cependant, rien n’indique à l’heure actuelle que l’ancien président a suivi les procédures officielles pour obtenir la déclassification de ces documents sensibles. Par ailleurs, selon plusieurs analystes, des documents relatifs à l’arsenal nucléaire américain ne sauraient être déclassifiés.
Quel avenir politique pour Trump ?
La perquisition menée dans la propriété de Donald Trump à Mar-a-Lago, s’inscrit dans le cadre d’une enquête sur des documents que l’ancien président aurait illégalement emportés avec lui hors de la Maison Blanche au moment de la fin de son mandat, en janvier 2021.
La loi oblige les présidents américains à transmettre l’ensemble de leurs e-mails, lettres et autres documents de travail aux Archives nationales américaines. Or, Donald Trump avait emporté quinze cartons de documents, que des agents des archives avaient dû récupérer en janvier, déjà à Mar-a-Lago.
Fait rarissime, la publication du mandat de perquisition a été faite à la demande du procureur général des États-Unis, Merrick Garland. Une manière de répondre aux accusations de “chasse aux sorcières” repris en chœur par les partisans de Donald Trump.
Déjà remontée par les poursuites engagées contre les participants à l’assaut du Capitole à Washington, l’extrême droite américaine se déchaîne à nouveau contre un supposé complot démocrate destiné à empêcher leur champion de se représenter en 2024.
Selon certains juristes, la violation de l’article 18 section 2071 du Code des États-Unis sur la soustraction ou la destruction d’archives officielles, est susceptible de conduire à une peine d’inéligibilité. D’autres experts font valoir que cette sanction s’applique à tous les postes de l’administration sauf celui de président des États-Unis.
Au-delà de cette querelle juridique, une inculpation de Donald Trump pourrait grandement compliquer son retour sur le devant de la scène, estime Marc Elias, avocat spécialisé dans les élections qui a travaillé pour plusieurs candidats démocrates.
« J’admets que l’application de cette loi à un président est un défi juridique mais imaginez qu’un candidat doive répondre de ces accusations devant un tribunal pendant une campagne, ce serait à mon avis un ‘blockbuster’ de la vie politique américaine », a-t-il ironisé.
Donald Trump fait déjà face à une multitude de procédures dans plusieurs États américains : des allégations d’ingérence électorale en Géorgie, de fraude fiscale à New York, sans compter d’éventuelles poursuites pour avoir incité ses partisans à mener un violent assaut contre le bâtiment du Capitole le 6 janvier 2021. Enfin, un procès en diffamation opposant Donald Trump à une femme l’accusant de viol est prévu en février 2023. (France 24)