La liste des présidentiables pour le scrutin du 31 octobre est désormais connue. Quatre candidatures ont été validées par le Conseil constitutionnel. Plusieurs personnalités politiques ivoiriennes se sont vu refuser leur dossier, notamment l’ancien président Laurent Gbagbo et l’ex-président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro.
Le Conseil constitutionnel ivoirien a validé seulement quatre des 44 candidatures déposées pour la présidentielle d’octobre prochain. Outre celle du président sortant Alassane Ouattara, ont été acceptées celles de l’ancien président Henri Konan Bédié, de Pascal Affi N’Guessan, ancien Premier ministre sous la présidence de Laurent Gbagbo et du député Kouadio Konan Bertin, dissident du parti de M. Bédié. Guillaume Soro et Laurent Gbagbo ne figurent donc pas parmi les présidentiables.
Une décision qui a fait réagir le porte-parole de Laurent Gbagbo. Justin Koné Katinan ne cache pas sa colère. Il estime que cette décision prouve la peur de l’actuel président Alassane Ouattara vis-à-vis de son prédécesseur.
« Nous rejetons totalement cette décision du Conseil constitutionnel. Nous ne sommes pas surpris, parce que le Conseil constitutionnel aujourd’hui est dirigé par un ancien rebelle. Donc, quelqu’un qui s’est élevé contre l’ordre constitutionnel établi ne peut pas être président du Conseil constitutionnel dans un pays normal, estime le porte-parole de Laurent Gbagbo. Nous n’avions aucun doute et ne nous nous faisions aucune illusion. Nous n’accepterons pas cette décision du Conseil constitutionnel. Nous nous donnerons tous les moyens du droit pour nous faire entendre et pour dire que nous ne sommes pas d’accord pour le rejet de la candidature du président Laurent Gbagbo, qui relève tout simplement de la peur panique qui s’empare de M. Ouattara depuis que le président Laurent Gbagbo a été acquitté de façon évidente. Lorsque l’injustice est flagrante, lorsque le viol de la loi est établi de façon flagrante, alors à partir de ce moment, le peuple a tous les droits de se donner les moyens, je dis bien tous les moyens, pour rétablir l’ordre. »
Justin Koné Katinan a indiqué que l’ancien président Gbagbo devrait réagir officiellement dans les prochaines heures.
« Une décision qui va faire mal à la Côte d’Ivoire »
Comme Laurent Gbagbo, Guillaume Soro voit donc sa candidature refusée pour cause de condamnation devant la justice. Son avocate, Maître Affoussiata Bamba-Lamine, s’en prend directement au président du Conseil constitutionnel, Mamadou Koné.
« C’est une décision qui n’a aucun fondement sur le plan du droit. Nous avons été surpris d’ailleurs que le Conseil constitutionnel ne fasse aucunement allusion à l’ordonnance de la Cour africaine du 22 avril des droits de l’homme. [La Cour africaine] qui est revêtue du sceau de la primauté du droit international au regard des dispositions de la Constitution sur le droit interne. Cette décision, qu’est-ce qu’elle dit ? Elle dit clairement que toute affaire concernant monsieur Guillaume Kigbafori Soro sur le plan judiciaire doit être suspendue. Elle demande la suspension du mandat d’arrêt international et la libération immédiate de ses proches. Donc, cette décision n’a pas du tout été prise en compte par le Conseil constitutionnel. Parce qu’en réalité cette institution est totalement inféodée au RHDP et à son président, c’est un appendice du pouvoir exécutif. Koné Mamadou est un homme de M. Ouattara. Que pouvions-nous donc attendre de lui dans ces circonstances ? Monsieur Koné Mamadou avait indiqué que les décisions de justice ont fait plus de mal à la Côte d’Ivoire que les balles des armes. Alors aujourd’hui, il vient de rendre une décision qui va faire mal à la Côte d’Ivoire. Il vient de rendre une décision qui va brûler la Côte d’Ivoire. J’espère qu’il en est conscient et j’espère aussi qu’il va assumer sa responsabilité devant l’Histoire », met en garde maître Affoussiata Bamba-Lamine.
Pas de prise de parole encore pour Guillaume Soro qui a néanmoins réagi sur les réseaux sociaux. « Je conteste vigoureusement la décision injuste et infondée prise par le Conseil Constitutionnel. Je considère que c’est une décision inique, politiquement motivée, juridiquement boiteuse et qui s’inscrit dans une logique d’anéantissement de la démocratie et de l’État de droit », a-t-il déclaré sur Twitter et Facebook. « Le Conseil Constitutionnel vient de cautionner, et cela sans surprise, la forfaiture et le parjure de M. Ouattara. Dans ces circonstances, j’annonce que nous engagerons une étape nouvelle de notre combat pour la démocratie dans notre pays. Elle sera âpre mais nous la gagnerons sans aucun doute. »
Guillaume Soro a promis de dévoiler ses intentions le 17 septembre lors d’une conférence de presse en France.
Les exclus ne sont pas les seuls à avoir réagi à la décision du Conseil constitutionnel et plusieurs opposants sont assez critiques. Dès ce lundi soir Henri Konan Bédié réagissait sur les réseaux sociaux : « Je dénonce la validation de la candidature inconstitutionnelle de monsieur Ouattara et l’exclusion arbitraire et antidémocratique de leaders politiques majeurs, notamment Laurent Gbagbo, Guillaume Soro, Albert Toikeusse Mabri, Mamadou Koulibaly et Marcel Amon Tanoh. Nous devons demeurer en ordre de marche pour l’alternance. » Un appel du pied aux électeurs de ces candidats malheureux que l’ancien chef de l’État, qui se voit en figure de proue de l’opposition dans cette élection, espère pouvoir capter autour de sa candidature.
Pascal Affi N’Guessan qualifié lui aussi a condamné ce qu’il appelle « une spirale de l’exclusion » qui « apparaît comme la manifestation la plus aboutie du caractère tyrannique du régime » . Le président du FPI espère agréger autour de sa candidature les électeurs de Laurent Gbagbo qui boycottaient les scrutins jusqu’à maintenant. « J’ai en cet instant une pensée particulière pour le président Gbagbo, il aurait dû être en mesure de se présenter et j’aurais été à ses côtés », déclarait encore Pascal Affi N’Guessan dès hier soir. Simone Gbagbo elle a de nouveau appelé à un dialogue sur les modalités de l’élection.
Pour l’instant, le calme règne à Abidjan. Un rassemblement contre un troisième mandat pour le président Ouattara de quelques dizaines de personnes a été signalé à Bonoua à une cinquantaine de kilomètre à l’est de la ville. Mais tout s’est déroulé sans heurt. Dans le même temps, le gouvernement a publié un décret qui prolonge l’interdiction de manifester sur la voie publique jusqu’au 30 septembre. Les rassemblements politique sont autorisés dans les lieux dits « fixes » selon ce décret.
Albert Toikeusse Mabri conteste lui aussi son invalidation
Il fait, lui aussi, partie des 40 candidatures rejetées. Selon le Conseil constitutionnel, l’ancien ministre n’a pas recueilli un nombre suffisant de parrainages. « Je suis surpris de cette invalidation. Nous avons déposé les parrainages pour 18 régions. Je suis donc surpris de ce que je viens d’entendre. » (Rfi.fr)