Actrice de développement depuis des années, Khady Diop ne considère pas son handicap comme une fatalité, au contraire, elle a décidé de faire de l’autonomisation des femmes de Koungheul (Kaffrine, centre) en situation de handicap son cheval de bataille.
Née en 1973 à Dakar, ayant grandi à Koungheul, précisément au quartier Ville 1, Khady Diop, appelée familièrement Ndèye Khady est une militante de la cause féminine, toujours engagée pour défendre ses sœurs.
Trouvée confortablement assise dans son salon, un poste téléviseur à côté, elle est habillée en ‘’meulfeu’’, une tenue traditionnelle portée par les maures, de couleur rose et blanche, un foulard noir sur sa tête. A ses côtés, ses deux béquilles.
‘’C’est la première fois que j’accueille un journaliste chez moi’’, lance fièrement celle qui dit refuser d’être entravée physiquement et psychologiquement par son handicap.
Le teint clair, la taille courte et une voix forte, la dame affirme avoir toujours voulu être une actrice de développement pour défendre et porter le message des personnes vivant avec un handicap.
Elle rappelle avoir attrapé, à l’âge de 7 ans, la maladie à l’origine de son handicap. A la suite d’un long traitement, elle perdra l’usage de ses jambes. Elle part en Suisse pour se soigner grâce à des partenaires, les Sœurs franciscaines. ‘’Au début de la maladie, je rampais presque’’, se souvient-elle. Mais, après de nombreux rendez-vous médicaux en Suisse, elle a pu marcher avec des béquilles.
Au début, elle était moins engagée. Mais, encouragée par son entourage et surtout sa mère, Khady a compris que la réussite est au bout de l’effort quel que soit la situation sociale. Le handicap ne doit pas être un obstacle.
‘’Le handicap n’est pas fatalité’’
« Je ne vois pas mon handicap comme une fatalité », soutient-elle, ajoutant que vivre avec le handicap ne signifie pas forcément, aller mendier comme c’est le cas souvent.
Ndèye Khady s’engage dans le bénévolat et le développement où elle acquiert une expérience de plus de 40 ans. Elle a compris qu’il fallait avoir plusieurs cordes à son arc pour servir sa communauté. Présidente départementale de l’association Jappo liguey comptant 515 membres, elle est aussi responsable des femmes handicapées de Koungheul, conseillère municipale et présidente de la commission santé et action sociale.
En plus, elle est membre du comité de développement sanitaire du district sanitaire de Koungheul, assurant la fonction d’adjointe à la trésorière.
Elle estime que les personnes vivant avec un handicap peuvent jouer un rôle important dans la société. ‘’C’est toujours possible d’exceller dans un domaine, quelle que soit votre situation sociale’’, affirme la responsable des femmes handicapées de Koungheul et gérante de la caisse des femmes commerçantes.
Ndèye Khady affirme avoir bénéficié de la confiance de ses sœurs pour gérer les caisses et la trésorerie malgré son handicap. Grâce à ses interventions, elle accompagne et vient en appui à de nombreuses femmes. Mieux, elle dit avoir pu enrôler 500 personnes vivant avec un handicap dans la mutuelle de santé de Koungheul.
L’actrice de développement a travaillé à la radio multimédia communautaire de Koungheul pendant 6 ans, en tant que productrice extérieur.
Autonomisation des femmes
Elle déclare avoir reçu sa première formation en teinture, coiffure, broderie, pâtisserie, etc. avec les Sœurs franciscaines. Par la suite, elle sera recrutée par le projet ‘’10000 filles’’, pour participer à la lutte contre les violences faites aux femmes handicapées, mais également assurer des formations.
Aujourd’hui, malgré son engagement à faire bouger les lignes, elle n’arrive toujours pas à trouver un local permettant de favoriser l’épanouissement des femmes en situation de handicap.
‘’Actuellement, nos activités se déroulent à la direction de l’action sociale, car on a quitté notre ancien bâtiment, qui nous servait de local’’, fait-elle savoir. La responsable des femmes vivant avec un handicap exhorte les autorités locales à doter leur association d’un local bien équipé pour pouvoir mener leurs activités.
Malgré ces difficultés, elle reste plus que jamais engagée pour leur autonomisation. ‘’J’ai accompagné les femmes dans les formations en teinture, coiffure, broderie, pâtisserie, broderie et en leadership, mais toujours, pas de suivi », dit Ndèye Khady.
Elle rappelle avoir arrêté très tôt les études, en classe de CM1, car sa maman, n’avait pas de soutien et en plus, elle était maladive. ‘’Donc, je faisais tous les travaux domestiques, malgré mon handicap, pour l’aider. Entre temps, j’ai arrêté l’école », explique-t-elle.
Ndèye Khady s’est par la suite lancée dans l’entrepreneuriat en ouvrant sa boutique de cosmétique grâce à l’appui d’un ami français. Aujourd’hui, l’autre combat de Khady, reste la lutte contre la stigmatisation des femmes handicapées, les violences et la discrimination.
‘’Nous voulons que les femmes handicapées soient davantage considérées. Plus de stigmatisation, de discrimination et de violences », plaide-t-elle, reconnaissant toutefois que l’Etat est en train de faire des efforts considérables pour accompagner les personnes vivant avec un handicap.
‘’Nous bénéficions des bourses de sécurité familiale, des cartes d’égalité de chance et les autres politiques sociales, mais nous voulons plus à Koungheul, en termes de formation, de financement, d’un local propre’’, plaide-t-elle encore. (Agence de Presse Senegalaise)