Six personnes ont été tuées et des dizaines blessées lors de violences dans le centre de la Côte d’Ivoire lundi, jour de la validation par le Conseil constitutionnel de la réélection du président Alassane Ouattara à un troisième mandat controversé.
Alors que l’opposition, qui avait boycotté le scrutin du 31 octobre et créé un « Conseil national de transition », avait appelé à une nouvelle journée d’action, trois personnes ont été tuées et 41 blessées dans des affrontements intercommunautaires à Daoukro (centre-est), fief de l’ancien président et principal opposant Henri Konan Bédié.
Parmi ces trois morts « une (personne) à été décapitée et une autre » est morte brûlée, a indiqué à l’AFP la préfète de région Solange Aka, précisant que le blocage des routes par des militants rendait difficile l’évacuation des blessés.
A Elibou (centre), trois personnes ont été tuées dans des affrontements entre des gendarmes et des habitants de plusieurs localités de la zone qui manifestaient en bloquant l’autoroute, selon les témoignages de plusieurs habitants.
Au moins vingt personnes sont mortes lors de violences pendant le scrutin ou dans son sillage. Avant l’élection, une trentaine de personnes étaient déjà mortes dans des troubles et des violences intercommunautaires depuis le mois d’août, pour un total d’une cinquantaine de morts.
Lundi midi, le président du Conseil constitutionnel Mamadou Koné a proclamé la réélection au premier tour d’Alassane Ouattara avec 94,27% des voix, affirmant que le scrutin avait été « régulier », « aucune irrégularité grave » n’ayant été relevée dans les bureaux de vote pris en compte. M. Koné a également souligné qu’il n’y avait eu « aucune réclamation » des candidats.
Près de 5.000 bureaux de vote n’avaient pu ouvrir, selon la commission électorale, privant de la possibilité de voter 1,5 million d’électeurs inscrits sur 7,5 millions.
Plusieurs leaders de l’opposition, dont l’ancien Premier ministre Pascal Affi N’Guessan, son porte-parole, ont été arrêtés, alors que d’autres comme Henri Konan Bédié sont bloqués à leur domicile par les forces de l’ordre.
Le procureur d’Abidjan Richard Adou a annoncé le 6 novembre que plusieurs d’entre eux faisaient l’objet d’une enquête pour « complot contre l’autorité de l’Etat », « mouvement insurrectionnel », « assassinat » et « actes de terrorisme ».
– Appels au dialogue –
Il s’agit de Maurice Kakou Guikahué, numéro deux Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, principal parti d’opposition), interpellé le 3 novembre, de Pascal Affi N’Guessan et de l’ancien ministre Abdallah Mabri Toikeusse.
Ce dernier est « en fuite et activement recherché », selon le procureur, bien qu’il ait dit à l’AFP être à son domicile d’Abidjan, bloqué par la police.
L’ancien ministre des Affaires étrangères devenu opposant, Marcel Amon Tanoh, dont la candidature à la présidentielle avait été invalidée, a appelé lundi au « dialogue », tout en déplorant la tentative de l’opposition de créer un régime de transition sans « aucun fondement légal ».
La Haute Commissaire de l »ONU aux droits de l’Homme, Michelle Bachelet, a églement exhorté lundi les parties en Côte d’Ivoire à « s’abstenir de toute incitation à la violence et à engager un dialogue constructif ».
Elu en 2010, réélu en 2015, Alassane Ouattara, 78 ans, avait annoncé en mars qu’il renonçait à une nouvelle candidature, avant de changer d’avis en août, à la suite du décès de son dauphin désigné, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly.
La loi fondamentale ivoirienne prévoit un maximum de deux mandats, mais le Conseil constitutionnel a estimé qu’avec la nouvelle Constitution adoptée en 2016, le compteur des mandats présidentiels a été remis à zéro. Ce que l’opposition conteste.
D’autres incidents ont éclaté lundi dans le centre du pays, à Yamoussoukro, à Bouadikro et Bongouanou, fiefs de M. Affi N’Guessan, selon des habitants, ainsi qu’à Abidjan, sans faire de victimes.
La crainte d’une escalade des violences reste présente dans ce pays d’Afrique de l’ouest, dix ans après la crise post-électorale de 2010-2011 qui avait fait 3.000 morts.
Selon le Haut commissariat de l’Onu pour les réfugiés (HCR), « 3.600 personnes » ont fui la Côte d’Ivoire vers le Liberia. Le HCR s’était déjà alarmé la semaine passée de la fuite de milliers d’Ivoiriens vers le Liberia, le Ghana et le Togo. (Afp)