Déjà accusés par le passé, les Boy Scouts of America (BSA) se retrouvent à nouveau visés par des milliers de plaintes similaires, mettant en cause des chefs scouts.
«C’est de loin le plus gros scandale d’abus sexuel aux Etats-Unis.» Les mots sont de Paul Mones, avocat de certaines des dizaines de milliers de personnes qui se sont déclarées victimes d’abus sexuels chez les Boy Scouts of America depuis février. Les victimes pouvaient se décaler jusqu’à ce lundi, date limite pour bénéficier d’un fonds d’indemnisation mis en place par la principale organisation de scoutisme des Etats-Unis.
«A ce jour, 95 000 plaintes ont été déposées» par des Américains âgés de 10 à plus de 90 ans, indique Paul Mones à l’issue de ce recensement. Ces chiffres, huit fois supérieurs à ceux relatifs aux plaintes déposées contre le clergé catholique, révèlent l’ampleur des abus présumés commis pendant des décennies par des chefs scouts. «A notre connaissance, il y a eu 11 000 plaintes globalement contre l’Eglise catholique», abonde Andrew Van Arsdale, membre d’une équipe d’avocats qui représente les victimes de ces abus. Pour eux, le scoutisme a longtemps offert un environnement «parfait» pour pédophiles : «les garçons prêtent un serment de loyauté, sont éloignés de leurs parents, et isolés en pleine nature», estime l’avocat.
Dépôt de bilan et négociations
Sans confirmer les chiffres, l’organisation Boy Scouts of America, qui compte environ 2,2 millions d’adhérents âgés de 5 à 21 ans et répartis en plus de 120 000 unités, a réagi ce lundi : «Nous sommes horrifiés par le nombre de vies ayant souffert des abus passés chez les Scouts et touchés par le courage de ceux qui sont sortis du silence», commente l’organisation dans un communiqué. «Nous avions volontairement ouvert un processus facile d’accès pour aider les victimes à demander des compensations. Leur réponse est déchirante, nous sommes sincèrement désolés».
Le 18 février dernier, les BSA avaient dû déposer le bilan, plombés par des accusations d’abus sexuels qui ont déjà donné lieu à de coûteux procès. Les dettes de l’organisation s’élevaient à plusieurs millions de dollars, rapportait à l’époque le Los Angeles Times.
La cessation de paiements avait notamment pour but de geler toutes les demandes de dédommagement déposées par d’anciens boy-scouts devant la justice et de les rediriger vers un fonds d’indemnisation. Confrontés à des accusations similaires, des diocèses de l’Eglise catholique, ainsi que la Fédération américaine de gymnastique ont également choisi ces dernières années une telle procédure, se plaçant sous la protection de la loi américaine des faillites. Les Scouts américains, dont les actifs sont évalués à plus d’un milliard de dollars, n’ont toutefois pas indiqué quel montant ils entendaient consacrer à ce fonds.
Place maintenant aux négociations entre les groupes de victimes, Boy Scouts of America et leurs assureurs pour déterminer les montants à allouer. «Les scouts vont probablement devoir vendre certaines de leurs propriétés», c’est un processus «compliqué» qui pourrait durer un ou deux ans, selon Me Mones qui, en 2010, avait obtenu près de 20 millions de dollars pour un ancien boy scout abusé par son chef.
«Dossiers de la perversion»
Le verdict de ce procès avait également entraîné la publication d’archives secrètes, en 2012, surnommés les «dossiers de la perversion». Le Los Angeles Times, toujours, avait alors publié des milliers de pages de documents montrant que l’organisation des scouts américains avait couvert pendant des décennies de nombreux abus sexuels commis par des milliers d’encadrants bénévoles.
Les cartons contenaient pas moins de 1 600 dossiers, où figuraient les noms de milliers de chefs scouts, soupçonnés d’avoir commis des agressions sexuelles sur les enfants dont ils avaient la charge. Un tiers de ces affaires (500 cas) n’ont jamais été signalées aux autorités, l’organisation se contentant d’écarter les coupables supposés.
Depuis, les actions en justice se sont multipliées contre Boy Scouts of America, renforcées par l’allongement par plusieurs Etats des délais de prescription pour les agressions pédophiles.
A l’occasion d’un procès dans le Minnesota fin janvier 2019, une experte avait été engagée par le BSA pour compiler ces «dossiers de la perversion». Cette dernière y avait alors identifié 7819 agresseurs présumés et 12 254 victimes entre 1944 et 2016, soit plus que les estimations antérieures. Mais bien loin du chiffre communiqué ce lundi. (Libération)