mercredi, novembre 27, 2024
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GHANA. « L’exception » ouest-africaine à l’épreuve des urnes

Depuis 1992, le pays a déjà connu sept élections transparentes et trois alternances pacifiques. La présidentielle s’annonce déjà très serrée.

Que ce soient les candidats, les observateurs, la presse ghanéenne, chacun exprime son souhait de voir le scrutin de lundi se dérouler aussi bien que les sept précédents qui ont fait du Ghana un phare de la démocratie sur le continent. Dans le plus grand journal du pays, le Daily Graphic, l’éditorial de samedi rappelle dans ce contexte combien le Pacte de paix pour les élections présidentielles, signé par les deux candidats des deux principaux partis politiques du pays, le Nouveau Parti patriotique au pouvoir et le Congrès national démocratique, est très « significatif ».

Le président ghanéen, en lice pour un second mandat, et son principal opposant ont signé vendredi un « pacte de paix » et se sont engagés à ne promouvoir aucune violence lors du vote et à la proclamation des résultats. « J’ai confiance dans le processus électoral, et je suis heureux de dire que nous accepterons le souhait du peuple ghanéen », a déclaré le président Nana Akufo-Addo, lors de cette cérémonie symbolique qui a eu lieu à Accra. « La paix, l’unité et la sécurité doivent être notre première préoccupation », a-t-il ajouté alors que la région connaît une effervescence électorale avec des scrutins plus ou moins controversés et émaillés de violences de la Guinée à la Côte d’Ivoire, et dernièrement le Burkina Faso.

Une compétition qui s’annonce très serrée…

Près de 17 millions d’électeurs ghanéens, dont plus de la moitié a moins de 35 ans, sont appelés à participer, ce lundi 7 décembre, aux élections générales. Douze candidats, dont trois femmes, briguent la présidence de ce pays de 31 millions d’habitants. Les électeurs vont également désigner leurs 275 députés. Il s’agit de la huitième consultation depuis l’instauration du multipartisme en 1992.

La bataille s’annonce serrée entre l’actuel occupant du « State House », le palais présidentiel, Nana Akufo-Addo, 76 ans, candidat pour le NPP, au pouvoir depuis quatre ans, et John Mahama, 62 ans, leader du NDC. Les résultats devront être connus trois jours après les scrutins qui sont généralement présentés comme des tests de maturité démocratique. Des « pactes de paix » ont déjà été signés en amont des élections présidentielle et législatives de 2012 et 2016, mais cette fois, les deux candidats se sont engagés à éradiquer la présence de ceux qu’on nomme les « vigilantes », des jeunes payés par des politiciens locaux pour intimider ou décourager par la violence les électeurs les jours de vote. La police a annoncé le déploiement de 62 000 agents sur tout le territoire pour assurer le bon déroulement du scrutin.

« Nous souhaitons que tous les agents de sécurité se comportent avec professionnalisme », a souligné John Mahama, ancien président qui se présente cette année sous la bannière de l’opposition. Le candidat du Congrès national démocratique s’était toutefois plaint de l’enregistrement des électeurs par la commission électorale pendant la campagne. « Maintenant et plus que jamais, nous avons besoin que les institutions sur lesquelles repose notre démocratie soient impartiales pour assurer un vote équitable, transparent et dans l’intérêt de la nation », a-t-il déclaré lors de la cérémonie.

… dans un contexte inédit

Le lendemain, dernier jour de campagne, l’engouement préélectoral gagnait peu à peu les rues d’Accra, la capitale ghanéenne. Les sons des vuvuzelas, ces trompettes bourdonnantes, et les chants de ralliement des partis politiques ont envahi Accra, où les deux principaux candidats ont pu tenir leur dernier meeting en toute fin d’après-midi.

Le président Nana Akufo-Addo a rassemblé des centaines de partisans, habillés de tee-shirts et portant des masques anti-Covid à son effigie, lors d’une tournée dans les principaux quartiers de la capitale et de ses environs. « C’est gagné d’avance. C’est clair. Regardez cette foule, ça dit tout, il y en aura pour quatre ans de plus pour Nana », s’exclamait au micro de l’Agence France-Presse Dauda Faisal, qui soutient le parti du président, le NPP.

La foule était plutôt enthousiaste après une campagne morne, ternie par la pandémie de Covid-19. L’ancien président et désormais candidat de l’opposition John Mahama a rencontré samedi matin les responsables des principaux syndicats du pays, promettant plus d’emplois dans le contexte de faible croissance économique, puis a rencontré plusieurs chefs traditionnels.

Un pays avec des travers et des faiblesses

C’est la troisième fois que les deux adversaires vont d’ailleurs s’affronter, et à chaque fois, les résultats avaient été très serrés. En 2012, Mahama avait remporté le scrutin avec 50,7 % des voix, puis en 2016, ce fut Akufo-Addo avec 53,8 %.

« Cette élection est celle des bilans », affirme Bernard Twum-Ampofo, un fonctionnaire interrogé par l’AFP dans la capitale. « Il faut comparer les bilans des deux principaux candidats (…) et choisir le meilleur. » L’actuel président « a instauré la gratuité des lycées » et M. Mahama « nous a donné les infrastructures », dit-il, précisant n’avoir pas encore fait son choix. Le chômage, les infrastructures, l’éducation et la santé sont les principaux enjeux.

Depuis les années 2000, ce pays riche en or, cacao et plus récemment pétrole a connu une forte croissance. C’est la deuxième plus grande économie de la sous-région ouest-africaine, derrière le Nigeria, mais devant la Côte d’Ivoire. Et le taux d’extrême pauvreté a été divisé par deux en moins de 25 ans. Mais certaines régions, notamment dans le Nord, continuent de vivre dans le plus grand dénuement, sans eau potable ou électricité. Surtout, la crise provoquée par le coronavirus a durement touché le pays, dont la croissance cette année devrait tomber à 0,9 %, selon le FMI, soit le taux le plus bas depuis plus de 30 ans.

Le président sortant a été salué pour sa gestion de cette crise, et il a tenu certaines de ses promesses, notamment sur l’éducation et l’accès à l’électricité, mais il a déçu sur son principal engagement : lutter activement contre la corruption. En novembre, le procureur spécial anticorruption a démissionné, accusant le président Akufo-Addo d’obstruction dans son travail.

De son côté, John Mahama devra faire oublier les accusations de mauvaise gestion économique qui avaient empêché sa réélection. Cette année, il peut toutefois compter sur sa colistière, Jane Naana Opoku-Agyemang, une ancienne ministre de l’Éducation, réputée intègre et originaire du Centre, une région clé pour remporter le scrutin.

Pour Kojo Asante, du Centre ghanéen pour le développement démocratique, les élections devraient se dérouler dans le calme. Il souligne également le nombre important d’observateurs internationaux et locaux prévus : « Tout le monde désire que cette élection se déroule bien. Car il y a déjà beaucoup trop de points chauds à gérer dans cette région. » (lepoint.fr)

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