Ce lundi se réunit le collège des grands électeurs qui doit formaliser le résultat de l’élection présidentielle. Le président sortant Donald Trump refuse toujours de reconnaitre le scrutin. Ce qui n’a pas empêché le président élu Joe Biden de constituer son cabinet. Katherine Tai, spécialiste du commerce avec la Chine, prend les rênes de la politique commerciale américaine. Un choix stratégique dans la guerre commerciale qui oppose les Etats-Unis et la Chine.
Joe Biden, le président élu, victime d’une fracture au pied, avance d’un pas sûr vers son investiture. Les grands électeurs doivent confirmer ce lundi 14 décembre la victoire du démocrate. L’occasion pour lui de présenter sa nouvelle équipe, alors que Donald Trump, président sortant, refuse toujours de s’avouer vaincu.
Parmi les nouveaux élus aux côté du prochain chef des Etats-Unis, Katherine Tai, spécialiste des questions de libre-échange, prendrait les rênes de la politique commerciale américaine. Elle remplacerait le Républicain Robert Lighthize qui l’occupe depuis 2017. Si sa nomination a été officialisée par le futur président, elle doit maintenant être confirmée par le Sénat. Joe Biden, qui entrera officiellement en fonction le 20 janvier, a commencé dès le 1er décembre à présenter son équipe économique.
Taiwanaise d’origine, cette démocrate de 46 ans connait bien les rouages des relations commerciales avec la Chine, mises à mal par l’administration Trump. En la nommant à cette fonction clé de son gouvernement, Joe Biden continue non seulement de placer les femmes issues de minorité à de hautes fonctions au sein de l’exécutif, il se dote d’une habile négociatrice.
Fine négociatrice
Katherine Tai n’en est pas à son premier coup d’essai en politique commerciale. Diplômée des prestigieuses universités de Yale et de Harvard, où elle a étudié l’histoire, puis le droit, elle a défendu les Etats-Unis devant l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce, face à la Chine pendant sept ans, sous la présidence de Barak Obama.
Première génération née aux Etats-Unis, la Taiwanaise a vécu en Chine où elle a enseigné deux ans l’anglais à l’université Sun-Yat-sen de Guangzhou (Canton), une ville portuaire au nord-est de Hong-Kong. Elle parle couramment le mandarin et sera un atout précieux dans la guerre commerciale qui divise Washington et Pékin depuis plus de deux ans.
Selon ses partisans, Katherine Tai « possède une expertise qui peut aider les Etats-Unis à affronter Pékin sur des questions telles que le travail forcé et les droits de propriété intellectuelle tout en préservant une relation commerciale efficace entre les deux plus grandes économies du monde », note le site Politico.
L’avocate commerciale a aussi roulé sa bosse à la Chambre des représentants. Elle a eu à défendre des lois dans un Congrès divisé, un défi qu’elle aura sans doute à relever sous Joe Biden.
Une femme plébiscitée
Katherine Tai, a aussi apporté sa pierre à l’édifice du nouvel accord de libre-échange entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, qui a remplacé l’ALENA. Les règles pour le travail et pour l’environnement qu’elle a négociées dans l’accord pourrait servir de base pour de futurs accords commerciaux.
Appréciée des élus des deux côtés de l’échiquier politique, du milieu des affaires, comme des syndicats, Katherine Tai, veut défendre le droit des travailleurs, en matière de salaire minimum par exemple. Pour elle « le commerce n’est pas une fin en soi, c’est le moyen de créer plus d’espoir et d’opportunités pour les gens. » Elle pourra s’atteler à la tâche, dans le cadre du programme de Joe Biden Build Back Better (traduire : mieux reconstruire).
Ce soutien unanime pourrait être toutefois fragilisé lorsqu’il faudra s’attaquer aux dossiers épineux, ceux des droits de douanes par exemple, imposés par Donald Trump, et sur lesquels Joe Biden ne compte pas revenir dans un premier temps, l’affrontement faisant consensus aux Etats-Unis. Les Démocrates avaient, comme les Républicains, appelé au Boycott des géants de télécom ZTE et Huawei, accusés d’avoir violé des embargos technologiques américains. La nouvelle équipe devrait rester ferme sur le commerce tout faisant front commun avec ses alliés européens.
Côté européen justement, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a plaidé pour à une « reconnexion » entre les Etats-Unis et les Etats membre de l’UE, avec l’adoption d’un « nouvel agenda transatlantique ». Katherine Tai, si elle confirmée dans ses nouvelles fonctions par le sénat américain, aura fort à faire.
♦ Une équipe diverse mais sans nouvelles têtes
Avec un père jamaïcain et une mère indienne, la vice-présidente Kamala Harris incarne à elle seule la diversité de la nouvelle équipe démocrate. Une équipe composée d’Afro-Américains comme le général Lloyd Austin, désigné pour diriger le Pentagone, et qui inclut aussi deux latinos.
Parmi eux, l’ancien procureur anti-Trump, Xavier Becerra, doit chapeauter le ministère de la Santé. Il s’agit d’un poste clé en pleine pandémie de Covid-19. Mais si le cabinet de Joe Biden est sans doute celui qui affiche la plus grande diversité de l’histoire des États-Unis, l’objectif du président élu est avant tout de rassurer les Américains.
Un choix pratique
En fait, presque tous les responsables ont déjà travaillé sous la présidence de Barack Obama, ils ont leurs réseaux d’influence à Washington et seront très vite opérationnels. C’est un choix pratique qui se fait au détriment de la nouvelle génération de démocrates, positionnés plus à gauche. Les proches de l’ancien candidat à l’investiture démocrate Bernie Sanders n’ont pas trouvé de place au sein du cabinet. Pour l’instant, leurs protestations restent discrètes. Mais pour combien de temps encore ?
En tout cas, Joe Biden n’a pas voulu prendre le risque de désigner des personnes qui représentent un chiffon rouge pour les républicains. Et qui seraient peut-être retoquées au Sénat qui doit confirmer la plupart des postes et dont la majorité se joue lors d’élections partielles en Géorgie début janvier.
♦ Pour Corentin Sellin, professeur agrégé d’histoire et spécialiste des États-Unis, la composition de l’administration Biden marque une véritable continuité avec celle d’Obama.
♦ Le vote des grands électeurs est une étape traditionnelle dans le processus électoral américain qui n’implique pas grand chose, mais qui est un symbole fort, selon Corentin Sellin. (rfi.fr)