Bloqués à l’entrée de la capitale, les manifestants protestent contre la libéralisation du secteur agricole en Inde. Des négociations auront lieu ce lundi 4 janvier.
Sont-ils des dizaines, des centaines de milliers ? Difficile de compter les participants, répartis le long de plusieurs autoroutes de New Delhi. Voilà un mois que des fermiers indiens affluent vers la capitale pour crier leur colère.
Ils s’estiment menacés par une réforme qui ouvre la possibilité aux acheteurs privés de court-circuiter les marchés publics, aux prix régulés. Pour le gouvernement, il s’agit d’offrir de nouveaux débouchés économiques aux fermiers.
Mais ceux-ci ne croient pas à cette promesse. Je suis arrivé il y a cinq jours de l’État de l’Haryana, raconte Arandir Singh, depuis son tracteur. Les prix minimums sont nécessaires à notre survie ! Nous ne voulons pas être livrés aux mains du marché.
Après de premiers affrontements, le front s’est stabilisé aux frontières de la Cité-État. Plutôt que d’envahir la ville, les agriculteurs se sont installés à ses portes. Le décor tient désormais plus de la ZAD sauce indienne que d’une manifestation.
Les fermiers se sont organisés pour tenir un siège. Partout, on distribue gratuitement de la nourriture. Chacun arrive avec des réserves de plusieurs mois , explique un cuistot volontaire. On tombe sur des scènes de meeting, des dortoirs, des laveries et même des librairies.
Certains habitants de Delhi ont rejoint le mouvement, comme Surender Kumar, un pharmacien. Si le monde agricole est livré au privé, les prix vont augmenter. Ces gens se battent donc pour tous les Indiens. Nous sommes venus distribuer du paracétamol ou de l’amoxicilline gratuitement.
En ce mois de décembre, les nuits sont glaciales autour de Delhi et au moins trente fermiers sont morts de froid. Dans un centre commercial abandonné, une équipe a installé des tentes à perte de vue. Nous hébergeons en priorité les femmes et les personnes âgées , explique un responsable.
Reconnaissables à leur longue barbe et leurs turbans, ce sont les paysans Sikhs des États de l’Haryana et du Pendjab qui mènent la révolte. Grands producteurs de riz et de blé, ils sont les premiers concernés en cas de disparition des marchés publics.
Mais la colère des fermiers s’étend. Récemment, un cortège a marché 1 500 kilomètres pour rejoindre Delhi depuis le Maharashtra. Dans le Bihar, de violents affrontements ont eu lieu avec la police après une marche , raconte Abhishek Singh.
Malgré des discussions avec le gouvernement et un nouveau round de négociations à partir de ce lundi 4 janvier, aucune issue n’a été trouvée à la crise. Narendra Modi fait face à un des plus importants mouvements sociaux depuis son élection, mais il affirme que les fermiers sont instrumentalisés par l’opposition. Les frontières de Delhi pourraient rester occupées longtemps par les paysans qui menacent d’entrer dans la ville le 26 janvier, le jour de la Fête de la République… (ouestfrance)