Lors d’une audience tenue à huis clos, mardi, la Cour suprême a décrété l’arrestation de l’ex-président colombien, Alvaro Uribe, jugé pour avoir tenté de soudoyer des témoins contre un rival politique. Le président Ivan Duque a défendu l' »innocence » de son mentor.
C’est une décision inattendue pour les partisans d’Alvaro Uribe. La Cour suprême colombienne a ordonné, mardi 4 août, l’arrestation de l’ancien président qui est soupçonné d’avoir tenté de soudoyer des témoins contre un opposant politique. Cette décision a été prise durant une audience tenue à huis clos.
« La privation de ma liberté me cause une profonde tristesse pour mon épouse, pour ma famille et pour les Colombiens qui croient encore que j’ai fait quelque chose de bien pour la patrie », a écrit l’ancien chef de l’État (2002-2010) et leader de la droite dure, sur son compte Twitter.
Bien que la Cour ne se soit pas publiquement prononcée sur son inédite décision contre un ex-président colombien, les médias locaux indiquaient qu’il ne serait pas transféré en prison, mais assigné à résidence.
Alvaro Uribe, 68 ans, sénateur et chef du Centre démocratique (CD, au pouvoir), vit à Rio Negro, près de Medellin, dans le nord-ouest du pays.
Une décision saluée par HRW, dénoncée par ses partisans
Les partisans du gouvernement ont farouchement critiqué cette décision, qualifiant d’injuste le fait que l’ancien président soit arrêté alors que les ex-chefs des Forces armées révolutionnaires colombiennes (Farc), comparaissent libres devant la juridiction de paix issue de l’accord de 2016.
Lors d’une allocution publique, l’actuel président, Ivan Duque, a pris la défense de son mentor : « Je crois et croirai toujours en l’innocence et en l’honorabilité de celui qui par son exemple a gagné une place dans l’histoire de la Colombie », a-t-il déclaré, en soulignant son « amitié avec Alvaro Uribe ». Avant même la décision de la Cour, il l’avait déjà défendu.
Mais d’autres, comme José Miguel Vivanco, directeur exécutif de la division Amériques de l’organisation Human Rights Watch (HRW), l’ont saluée.
« Je félicite la Cour suprême d’agir de manière responsable en ordonnant l’assignation à résidence d’Uribe. La Cour démontre que tous — jusqu’aux plus puissants — sont égaux devant la loi. Il faut respecter l’indépendance judiciaire », a-t-il tweeté.
Soupçonné de manipulation de témoins contre un opposant
La Cour suprême, seule instance habilitée à juger les parlementaires, décidera de la tenue ou non d’un procès.
Alvaro Uribe, entendu le 9 octobre 2019 par les magistrats, fait l’objet d’une enquête pour manipulation de témoins en sa qualité de sénateur, affaire qui pourrait lui valoir jusqu’à huit ans de prison pour subornation et fraude procédurale.
L’ex-président, qui bénéficie encore d’un certain soutien populaire pour sa politique de main de fer contre les guérillas de gauche, avait porté plainte en 2012 contre le sénateur Ivan Cepeda pour un complot présumé en s’appuyant sur de faux témoins.
Il affirme que son principal opposant politique, lui-même témoin dans l’affaire, a demandé à d’anciens paramilitaires de l’accuser d’être impliqué dans des activités criminelles de milices d’extrême droite armés contre les rebelles.
Toutefois, la Cour n’a pas engagé de poursuites contre Ivan Cepeda, mais a décidé en 2018 d’ouvrir une enquête contre Alvaro Uribe pour la même raison : manipulation de témoins contre un opposant.
Une intense campagne pour défendre son honneur
Outre cette affaire, il est visé par d’autres enquêtes pour des crimes présumés liés au long et complexe conflit armé, qui mine la Colombie depuis près de six décennies.
En juin, la Cour suprême a ainsi annoncé l’ouverture d’une enquête pour une affaire d’écoutes illégales menées par des militaires en 2019, visant quelque 130 journalistes, hommes politiques, militaires en retraite et syndicalistes.
Malgré tout, Alvaro Uribe a toujours clamé son innocence et son parti mène une intense campagne médiatique pour défendre l' »honneur » de son chef. (France24 & Afp)