Un projet de loi légalisant l’avortement jusqu’à 14 semaines de grossesse en Argentine va être débattu après le 30 novembre au Parlement. Le texte prévoit une « objection de conscience » pour des professionnels de santé refusant de pratiquer l’IVG, mais les oblige à « orienter le patient vers des soins » appropriés.
Deux ans après avoir rejeté la légalisation de l’avortement, le Parlement de l’Argentine va à nouveau débattre du droit à l’IVG (interruption volontaire de grossesse).
Dans ce pays de 45 millions d’habitants majoritairement catholiques et terre natale du pape François, la Chambre des députés avait approuvé la légalisation de l’IVG jusqu’à la 14e semaine lors d’un vote historique en 2018, mais le Sénat l’avait finalement rejetée d’une courte majorité quelques semaines plus tard.
L’avortement n’est légal en Argentine qu’en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère, selon une loi en vigueur depuis les années 1920.
Pionnière pour la promulgation de lois sur le mariage homosexuel et l’identité de genre en Amérique latine, l’Argentine pourrait, si le texte est adopté, rejoindre Cuba, l’Uruguay, le Guyana et la province de Mexico, les seuls à autoriser l’IVG sans conditions dans la région.
« Jusqu’à la 14e semaine de grossesse »
Dans une vidéo diffusée sur son compte Twitter, le président de centre gauche Alberto Fernandez a déclaré que l’objectif de ce projet de loi est de garantir « à toutes les femmes un accès complet aux soins ».
Le texte autorise l’avortement « jusqu’à la 14e semaine de grossesse ». Il prévoit une « objection de conscience » pour des professionnels de santé refusant de le pratiquer, mais les oblige à « orienter le patient vers des soins » appropriés.
« La criminalisation de l’avortement n’a servi à rien. Des chiffres inquiétants montrent que chaque année quelque 38 000 femmes sont hospitalisées pour complications lors d’avortements clandestins, et depuis le retour de la démocratie (en 1983), plus de 3 000 en sont mortes », a rappelé Alberto Fernandez. Selon le gouvernement, entre 370 000 et 520 000 avortements clandestins sont pratiqués chaque année dans le pays.
Promesse de campagne
Alberto Fernandez a également soumis aux députés un « Plan des mille jours » qui entend « renforcer l’accès aux soins pendant la grossesse et lors des premières années de vie d’un enfant » pour les familles en situation de vulnérabilité financière.
« Nous ne voulons pas qu’une femme pense à avorter à cause de son incapacité à payer pour le bébé qu’elle veut avoir », avait récemment déclaré Vilma Ibarra, la Secrétaire d’État en charge des relations avec le Parlement, qui réclamait aux parlementaires « un débat sérieux et responsable sur ce sujet de santé publique ».
Les deux textes, distincts, devraient être débattus après le 30 novembre lors de sessions extraordinaires.
Le président argentin, élu en octobre 2019, a rappelé qu’en soumettant ce projet de loi il remplissait « une promesse » de campagne électorale. Après son élection, il s’était engagé à présenter un projet de loi sur l’IVG au début de la session parlementaire le 1er mars, mais la pandémie du nouveau coronavirus avait bouleversé le calendrier législatif.
Les religieux s’y opposent
L’annonce d’Alberto Fernandez a provoqué des scènes de joie parmi le millier des partisans du gouvernement qui s’étaient réunis aux abords du Parlement pour notamment faire pression sur les débats concernant le financement du système de santé.
Sous le slogan « C’est urgent. Avortement légal 2020 », la Campagne nationale pour le droit à un avortement légal, sûr et gratuit a appelé mardi à « saturer les réseaux sociaux » et « intervenir dans les rues » pour peser dans le débat.
« La situation générale du système de santé publique » alors que le Covid-19 a fait 35 000 morts dans ce pays de 44 millions d’habitants, « rend insoutenable et inopportune toute tentative de présenter et de discuter d’une telle loi », avait récemment indiqué la Conférence des évêques catholiques. Les églises évangéliques ont également dit leur opposition à un tel projet. (France24/Afp)