vendredi, mai 3, 2024
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Rongé par le jihad, le Burkina Faso se tourne vers les urnes

Près de 1 500 villages seront privés du double scrutin de dimanche, présidentiel et législatif, à cause de l’insécurité. Le président sortant, Roch Marc Christian Kaboré, est néanmoins largement favori.

Coup d’Etat au Mali, passage en force pour un troisième mandat présidentiel en Côte-d’Ivoire et en Guinée… Les batailles pour le pouvoir ont été particulièrement violentes cet automne en Afrique de l’Ouest. Après l’introduction du multipartisme dans les années 90, puis la vague des alternances, plus ou moins apaisées, survenues dans les années 2010, 2020 serait-elle une année de recul démocratique ? Le Burkina Faso entend bien faire figure d’exception. Six ans après l’insurrection populaire qui avait conduit au renversement du régime de Blaise Compaoré, 6,5 millions d’électeurs sont appelés aux urnes, ce dimanche, pour désigner leur président et leurs députés.

Malgré l’effondrement sécuritaire des régions du Nord, où les groupes islamistes armés règnent désormais presque partout en maîtres, la campagne s’est déroulée à peu près normalement dans le reste du pays. Le président sortant, Roch Marc Christian Kaboré, 63 ans, est le grand favori du scrutin. Mais le retour dans la course électorale d’un candidat du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, l’ancien parti du président Compaoré), banni en 2015, pourrait chambouler le paysage. Décryptage d’un triple contexte – sécuritaire, démocratique et politique –, essentiel pour comprendre les enjeux du vote.

Le contexte sécuritaire : alarmant

Depuis l’implantation des premiers groupes jihadistes venus du Mali voisin, en 2015, 1 million de Burkinabés ont fui leurs villages. Craignant les attaques des insurgés, les opérations de l’armée nationale ou les représailles communautaires exercées par les groupes d’autodéfense, ils ont la plupart du temps rejoint à la hâte un bourg encore épargné, une ville un peu mieux défendue, voire la capitale. Au-delà même des violences, qui ont fait 1 200 morts en cinq ans, le pillage des récoltes, le vol du bétail et l’impossibilité de se rendre aux champs – l’agriculture emploie 80% de la population active – a également poussé sur la route des centaines de milliers de ces déplacés internes, privés de leur moyen de subsistance.

Au total, près de 1 500 villages, sur plus de 8 000, ne voteront pas dimanche, a affirmé le Conseil constitutionnel. Soit 17,7% du territoire national. Les déplacés qui ont avec eux leur carte nationale d’identité ont théoriquement pu s’inscrire sur les listes électorales de leur lieu d’accueil. Mais dans la région du Sahel (nord), par exemple, seul un déplacé sur deux est en possession d’une pièce d’identité, selon le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR).

Dans un camp de déplacés de la banlieue de Ouagadougou, jeudi.

La sécurité a évidemment été le thème central de la campagne. Le président Kaboré, qui a misé sur une réponse militaire à la crise, a échoué à contenir l’avancée des groupes jihadistes, qui n’ont cessé de gagner du terrain pendant son mandat. Son recours à des milices villageoises depuis un an, les Volontaires pour la défense de la patrie, pour seconder des forces de sécurité débordées, est controversé. En revanche, leur appui est «essentiel d’un point de vue électoral», estimait le chercheur Mathieu Pellerin au printemps dans une interview à Libération : «La majorité des koglweogos [des groupes d’autodéfense locaux qui se sont constitués pour lutter contre la criminalité ces dernières années, ndlr] sont une émanation de la population. Leur légitimité est très forte. Ils sont devenus des courtiers électoraux pour les autorités en place. » (Reuters)

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