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Entrepreneuriat : les Africaines championnes du monde

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L’Afrique est en première place dans le nouveau rapport sur l’entrepreneuriat féminin publié par le cabinet Rolland Berger. C’est en effet sur le continent que le taux d’activité entrepreneuriale (TEA) des femmes est le plus élevé au monde.

L’entrepreneuriat féminin a de beaux jours devant lui en Afrique. D’après « Entrepreneurship Study », la dernière étude sur le sujet dévoilée par le cabinet Rolland Berger pour Women in Africa, c’est sur le continent que le taux d’activité entrepreneuriale (TEA) des femmes est le plus élevé. Près de 24 % des Africaines en âge d’exercer un emploi sont en effet activement impliquées dans la création d’entreprises que celles-ci viennent d’être lancées ou qu’elles comptent déjà plusieurs mois d’ancienneté. Un chiffre « impressionnant » d’après l’étude, puisque loin devant ceux annoncés pour d’autres régions du monde. En Asie du Sud-Est et dans le Pacifique par exemple, le TEA n’est que de 11 %. Le taux apparaît bien faible lorsque l’on sait que les pays de la région occupent pourtant les premières places du classement du Global Entrepreneurship Monitor, qui répertorie les entrepreneurs dans le monde.

Une clé du développement… surtout en Afrique subsaharienne

Si l’entrepreneuriat africain est « salutaire pour les femmes », d’après les auteurs du rapport, c’est également le continent tout entier qui profite des retombées économiques de cette dynamique féminine. Les dirigeantes, tout en réglant des problématiques du quotidien, créent de la richesse. Pour 2016, les auteurs de l’étude estiment la valeur totale de PIB créée par l’entrepreneuriat féminin en Afrique entre 250 et 300 milliards de dollars américains, soit environ 12-14 % du PIB du continent. Et si l’on considère uniquement la valeur ajoutée de l’entrepreneuriat féminin – c’est-à-dire la valeur générée au-dessus du seuil de référence de 10 % de TEA – le chiffre atteint 150 à 200 milliards de dollars, soit environ 7 à 9 % du PIB africain.closevolume_off

Ces estimations font néanmoins « apparaître des disparités importantes entre les régions africaines », soulignent les chercheurs. Les pays « émergents », dont fait partie la première économie du continent, le Nigeria, apportent en effet la contribution la plus élevée : environ 62 % de la valeur ajoutée totale. Au contraire, des pays du groupe dit des « traditionnels » dont l’apport du TEA au PIB est proche de zéro.

Une disparité que l’on retrouve si l’on sépare l’Afrique subsaharienne du Maghreb et le Machrek. En opérant cette distinction, les chercheurs estiment à 26 % le TEA subsaharien, contre 8 % pour la région regroupant entre autres le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et l’Égypte. « Le taux – proche de celui de la France – est faible, car les femmes ont davantage accès à l’éducation dans le nord du continent, explique Anne Bioulac, chercheuse pour l’étude. Elles ont donc plus facilement accès au marché du travail, et sont moins contraintes de créer leur propre entreprise pour avoir un emploi ». En revanche, pas de disparité forte entre Afrique francophone et Afrique anglophone. « La confrontation traditionnelle entre zones linguistiques est dépassée », peut-on lire dans l’étude. Le TEA des pays anglophones s’élève à 27 %, à 26 % pour les pays francophones (sans l’Afrique du Nord). La zone lusophone, elle, obtient un taux de 22 %.

Une « nécessité plus qu’un choix »

Le chiffre africain global est donc considérable et montre bien la dynamique entrepreneuriale dans laquelle s’est engouffré le continent. Mais il reflète également une autre réalité, celle des difficultés d’accès à l’emploi pour les femmes. « Nous avons constaté un fort taux de TEA dans des pays africains qui ne sont pas parmi les plus développés, explique Anne Bioulac, auteure du rapport. Dans ces régions, les femmes sont souvent dans des situations compliquées : elles n’ont pas eu accès à l’éducation et ont des enfants à charge. Le marché du travail classique leur étant très difficile d’accès, créer son entreprise devient alors une nécessité, plus qu’un véritable choix. » Une situation qui « s’accentue au sein des économies informelles », où le taux de chômage des femmes est important.

Un constat qui contraste avec les situations européenne et américaine où les femmes chefs d’entreprise sont souvent diplômées des universités et exercent leurs activités dans un environnement confortable. Citée par l’étude, l’expérience de Fatouma-Niang Niox, directrice générale de Jokkolabs Sénégal, illustre bien ce phénomène. Elle raconte qu’au moment de se lancer dans le monde du travail, elle s’est sentie « piégée par la situation socioculturelle et économique » de son pays, et a fini par se tourner « vers l’entrepreneuriat pour tenter de gagner [sa] vie ». Ainsi, en Zambie, le TEA s’élève à un peu plus de 40 %, pour un PIB de 1 178,39 milliards de dollars ‎(2016), alors qu’en Tunisie, où le PIB atteint 3 688 milliards de dollars, le TEA plafonne à 5 %.

En réaction à un environnement économique qui ne leur est pas vraiment favorable, les entrepreneuses africaines couvrent, pour la plupart d’entre elles, des secteurs qui permettent de répondre à des problématiques du quotidien. L’agriculture, l’énergie, l’accès à l’eau, mais aussi l’éducation et la santé sont donc des domaines privilégiés par les businesswomen du continent.

Un développement à long terme compliqué

Si l’entrepreneuriat féminin est donc très dynamique en Afrique, les entrepreneuses sont pourtant très vite confrontées à de nombreuses difficultés. Et en premier lieu, celle du financement. « Le manque d’infrastructures bancaires nuit beaucoup à la pérennité des toutes jeunes entreprises, affirme Anne Bioulac. « Nous avons d’ailleurs constaté un TEA élevé dans des pays pauvres en services bancaires. Pour remédier à la situation, c’est donc la famille qui, dans la majorité des cas, fournit les ressources financières nécessaires. Et puis, obtenir des financements est également plus difficile pour une femme, c’est un fait », assure-t-elle. Hervé Lado, économiste sollicité par les auteurs du rapport, souligne qu’il est demandé aux entrepreneuses de fournir des garanties supplémentaires pour tenter de collecter des fonds, lors d’une demande de prêt par exemple. L’entrepreneuse nigériane et lauréate du WIA Gold Award 2017, Vivian Nwakah, fait également état « d’une différence de traitement de la part des investisseurs, qui sont, le plus souvent, des hommes ».

Ces difficultés n’entravent pas le lancement même de l’entreprise, mais empêchent par contre son développement. Un manque de croissance qui empêche les entrepreneuses de gagner leur vie. L’étude rapporte ainsi que 39 % des chefs d’entreprises qui ont cessé leur activité l’avaient fait par manque de profit, et 15 % d’entre elles à cause des difficultés à obtenir un financement.

L’obstacle des compétences

Autre obstacle sur la route des entrepreneuses africaines : le manque de compétences. Pour Anne Bioulac, « le déficit de formation adaptée à la création d’entreprise empêche les femmes de poursuivre leur activité. Monter un business plan, tenir une comptabilité… ce sont des choses qu’elles n’ont pas pu apprendre dans leur scolarité, et qui sont pourtant indispensables au développement d’une entreprise ». Un constat que partage Fatoumata Guirassy, directrice générale de Saboutech, un incubateur guinéen de petites et moyennes entreprises et de jeunes entreprises. Citée dans l’étude, la jeune femme avoue qu’au bout de quelque temps, « le manque de compétences influe forcément sur les sociétés ». Ainsi, malgré une activité entrepreneuriale initiale extrêmement élevée, « le développement des affaires atteint rapidement un seuil, puis commence à diminuer ».

Quoi qu’il en soit, malgré les difficultés, l’entrepreneuriat féminin a de l’avenir. De plus en plus d’entrepreneuses se réunissent en groupes dédiés, comme Alexandria Business Women Association en Égypte, et portent des projets pour affronter des obstacles qui leur sont propres. D’après le rapport, près d’une Africaine sur deux prévoit de se lancer dans l’entrepreneuriat d’ici trois ans. Une tendance qui devrait conduire à renforcer le leadership africain en matière d’entrepreneuriat féminin. (LePoint)

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