mercredi, novembre 27, 2024
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Marcus Rashford, le footballeur devenu un héros de la lutte contre la pauvreté

Il brille sur les pelouses de la Ligue des champions, mais c’est surtout en dehors des terrains que l’attaquant de Manchester United fait parler de lui ces derniers mois. Grâce à une campagne ultra-populaire pour mettre fin à la pauvreté alimentaire chez les enfants, le jeune homme de 23 ans est devenu une véritable icône de la lutte contre les inégalités au Royaume-Uni.

Il n’en finit plus de collectionner les honneurs. Après avoir été fait membre de l’Ordre de l’Empire britannique par la reine Elizabeth II, le 9 octobre, Marcus Rashford recevra un prix spécial de la BBC le 20 décembre, à l’occasion de la cérémonie qui récompense le sportif de l’année. Par ailleurs, le jeune attaquant de Manchester United figure sur la « Liste noire » qui célèbre les influenceurs positifs de la communauté noire dans le football au Royaume-Uni.

Il faut dire que ces derniers mois, la popularité de la vedette des Red Devils a largement dépassé le cadre sportif. Avec un aplomb et une maturité surprenante pour ses 23 ans, Marcus Rashford a suscité l’admiration à travers le pays pour sa campagne contre la pauvreté alimentaire chez les enfants.

Au Royaume-Uni, les enfants les plus pauvres bénéficient de repas gratuits en période scolaire mais pas pendant les vacances. Or, avec la crise du Covid-19, la situation des familles précaires, déjà dramatique, s’est aggravée.

Des « free meals » à la Ligue des champions

Marcus Rashford lui-même est un enfant des « free meals ». Celui qui a grandi dans le quartier populaire de Wythenshawe, dans le nord de Manchester, expliquait lors d’une interview avoir été élevé par une mère seule grâce à ces repas gratuits.

Ces derniers mois, grâce à cette campagne massivement relayée sur les réseaux sociaux, l’attaquant de Manchester et de l’équipe nationale est parvenu à entraîner dans son sillage municipalités, anonymes et personnalités du monde du football comme Mesut Özil, le milieu de terrain d’Arsenal ou encore l’ex-coach Sir Alex Ferguson, qui ne tarit pas d’éloges sur le numéro 10.

« Il devrait me donner quelques conseils car ce qu’il fait à 23 ans est fantastique pour un jeune homme. Je n’ai pas besoin de donner des conseils à Marcus car je pense qu’il y a de l’humilité dans la façon dont il vit sa vie », s’enthousiasme l’ancien entraîneur mythique des Reds dans les colonnes du Times. « Marcus a ouvert les yeux à tout le monde en Grande-Bretagne. Le travail qu’il fait est fantastique et nous sommes tous tellement fiers de lui pour ça ».

Marcus Rashford 2 – Boris Johnson 0

Le jeune homme peut en effet se targuer d’être l’un des rares sportifs au monde capables d’influencer directement les décideurs publics.

L’histoire commence en juin 2020. Le joueur réclame dans une lettre ouverte aux députés la prolongation des « free meals » durant les vacances d’été. Au Royaume-Uni, 1,3 million d’enfants sont éligibles à ces repas gratuits soit 15 % des écoliers. Boris Johnson, refuse dans un premier temps mais face à la réprobation d’une partie de la population, le Premier ministre est contraint de faire volte-face en moins de 48 heures.

Fin du match ? Non, car quelques mois plus tard, une nouvelle confrontation oppose Marcus Rashford au gouvernement conservateur. 

Le 15 octobre, l’attaquant de Manchester dépose au Parlement britannique une pétition à l’attention du 10 Downing Street pour « en finir avec la pauvreté infantile : aucun enfant ne devrait avoir faim ». 

Cependant, le gouvernement ignore à nouveau cet appel à la solidarité. Le 21 octobre, une proposition travailliste visant à prolonger les « free meals » jusqu’à Pâques 2021 est balayée par les conservateurs à la Chambre des communes.

Marcus Rashford repart à l’attaque. Relayée sur son compte Twitter, la pétition du footballeur recueille 1 million de signatures. Régulièrement accusé d’insensibilité dans la presse, conspué par une partie de l’opinion publique, Boris Johnson doit à nouveau céder. Marcus 2, Boris 0.

Le Premier ministre conservateur « himself » a appelé le footballeur pour lui annoncer la bonne nouvelle, soit le déblocage de 400 millions de livres consacrés pour l’essentiel à l’aide alimentaire.

De son côté, Marcus Rashford a la victoire modeste. Dans une interview accordée à la BBC, le jeune homme explique simplement « avoir remercié le Premier ministre de la part des familles ».

Le fléau de la pauvreté alimentaire

Avec cette campagne, Marcus Rashford a remis sur le devant de la scène la réalité cruelle des banques alimentaires, qui suscitent parfois les critiques d’une partie de la droite britannique, opposée à ce qu’elle qualifie d’assistanat.

« La campagne menée par Marcus Rashford a eu un formidable impact médiatique et, en parlant de sa propre expérience, il fait évoluer doucement les mentalités », explique à France 24 Sabine Goodwin, de l’Independant Food Aid Network (Ifan), un réseau de plusieurs centaines de banques alimentaires au Royaume-Uni. Cependant, il n’en ressort que des solutions de court terme ».

Selon l’Ifan, pour mettre fin à la pauvreté alimentaire des enfants, il faut mettre fin à la pauvreté tout court. Depuis une dizaine d’années, les associations font le même constat : de plus en plus de Britanniques doivent se résoudre à demander une aide alimentaire. Et avec la crise du Covid-19, des membres de la petite classe moyenne — artisans, propriétaires de magasin, travailleurs indépendants… — viennent grossir les rangs des bénéficiaires. 

Le contrat « zéro heure », source de précarité

« Si l’on veut voir disparaître la pauvreté alimentaire au Royaume-Uni et particulièrement celle des enfants, il faut revoir notre système d’assurance chômage. Par exemple, les nouveaux bénéficiaires doivent attendre cinq semaines pour un premier paiement. Beaucoup de gens ne peuvent pas attendre aussi longtemps », assure Sabine Goodwin. 

Selon un rapport du « Child poverty action group », au Royaume-Uni, 4,2 millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté, soit 30 % des petits Britanniques. 72 % des enfants qui grandissent dans un foyer pauvre ont au moins un des deux parents qui travaille.

C’est pour cette raison que l’Ifan et d’autres organisations de lutte contre la pauvreté réclament une réforme de la protection sociale et l’interdiction des contrats « zéro heure », des contrats où l’entreprise n’est pas tenue de mentionner les horaires et la durée du travail. Symbole d’une flexibilité extrême, ces contrats ont connu une croissance considérable dans la dernière décennie. 

En attendant, Marcus Rashford continue à s’engager pour les enfants avec le prochain lancement d’un club de lecture et d’une collection de livres pour promouvoir l’alphabétisation. Sa nouvelle initiative a cette fois reçu le plein soutien de l’exécutif. (France24)

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