Au Sénégal, le jugement a été rendu ce mardi matin dans l’affaire des trois pères de famille poursuivis pour avoir fait embarquer leurs enfants sur des pirogues à destination de l’Espagne. L’un des jeunes, Doudou, mineur, était mort en mer fin octobre. Son père avait l’espoir qu’il devienne footballeur professionnel en Europe.
L’audience se tenait au tribunal d’instance de Mbour, à une centaine de kilomètres au sud de Dakar. Les trois hommes, debout, écoutent le délibéré énoncé rapidement, dans une salle comble. Au cours de cette audience, les pères de famille ont été finalement condamnés à deux ans de prison, dont un mois ferme. Les pères de famille sont déjà en détention depuis près de 2 semaines, explique l’avocat. Il leur reste donc à purger une peine d’une quinzaine de jours.
Cette peine plus légère que les deux ans de prison ferme requis par le procureur. Les trois hommes ont été relaxés du chef de « complicité de trafic de migrants », mais reconnus coupables de « mise en danger de la vie d’autrui ». La lecture du délibéré a été très rapide dans ce tribunal où d’autres jugements liés à l’émigration clandestine ont été rendus.
La défense « à moitié satisfaite »
Après l’audience, l’avocat des pères de famille, Me Abdoulaye Tall, se dit « à moitié satisfait » : « Nous avons prouvé que les pères de famille n’étaient pas des complices des passeurs ou des organisateurs de ces voyages. Ils n’étaient pas bénéficiaires des sommes d’argent qui ont été versées. Ils n’étaient pas propriétaires des pirogues ni des moteurs. Donc on ne pouvait pas les considérer comme complice, insiste l’avocat. D’autant plus qu’ils n’ont pas causé d’acte de complicité. Au contraire, au même titre que l’enfant décédé, tous les pères sont des victimes. »
Pour le tribunal, ces pères ont exposé leurs enfants au danger, en organisant leur périlleux voyage, durant lequel le jeune Doudou a perdu la vie. Mais la défense n’exclut pas de faire appel : « Je me dois de respecter cette décision, mais si on prend en compte l’intention. Je pense qu’il n’avait pas le sentiment de sacrifier leur enfant ou de mettre en péril la vie de leur enfant, veut nuancer Me Abdoulaye Tall. Ils étaient animés par un sentiment de bien faire, pour des lendemains meilleurs et pour leur réussite. Et ils ont pensé à tort ou à raison que peut-être l’Europe serait un bon endroit pour réussir. Ce sont des personnes de bonne foi. »
Augmentation des départs vers les Canaries
Les départs ont repris de plus belle, depuis le mois d’octobre, des côtes sénégalaises vers les Canaries et c’est dans ce contexte que s’est tenu ce procès qui divise. Car ce ne sont pas des candidats au voyage qui étaient jugés ni des intermédiaires.
Pour l’accusation, ces pères de famille ont fait preuve de grave négligence en payant des passeurs, en organisant ces départs, dont celui du jeune Doudou qui a viré au drame. Pour la défense, en revanche, ces pères ne sont pas des coupables, mais eux-mêmes des victimes. Pour des observateurs de cette question migratoire, ce procès entrait dans une nouvelle stratégie de « dissuasion » de la part de l’État pour faire passer un message aux familles.
« Je crois que ça aura un impact de dissuasion sur la population et notamment sur les familles qui ont tendance à faire en sorte que leurs enfants effectuent ce type de voyage ». (rfi.fr)