mardi, mai 7, 2024
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Katalin Kariko, la chercheuse derrière le vaccin Pfizer : de sa fuite de Hongrie à un futur Nobel (Portrait)

En quelques semaines, Katalin Kariko est devenue le visage de l’ARN messager, cette technologie innovante qui a permis à Pfizer et BioNTech de développer un premier vaccin contre le Covid-19. Après avoir fui la Hongrie dans les années 1980, cette biochimiste installée en Pennsylvanie a dû se battre pour faire reconnaître l’importance de ses recherches. Portrait.

« Rédemption ! Je me suis mise à respirer très fort. J’étais tellement excitée que j’ai eu peur de mourir. » C’est par ces mots que Katalin Kariko a raconté au journal The Telegraph comment elle a réagi à l’annonce des résultats d’efficacité du vaccin développé par Pfizer et BioNTech. Après quasiment quarante ans d’efforts, ses recherches sur l’ARN messager, utilisé pour mettre au point ce vaccin, étaient enfin validées et allaient permettre de lutter contre la pandémie de Covid-19. « Je n’avais pas imaginé qu’il y aurait un tel coup de projecteur sur cette technologie. Je n’étais pas préparée à être sous les feux de la rampe » a-t-elle ajouté.

En quelques semaines, cette chercheuse hongroise inconnue du grand public, aujourd’hui installée en Pennsylvanie, est devenue la nouvelle étoile du monde scientifique. Katalin Kariko revient pourtant de très loin. Née il y a 65 ans à Szolnok, dans le centre de la Hongrie, en plein régime communiste, elle grandit à Kisújszállás, où son père est boucher. Passionnée de sciences, elle débute sa carrière à 23 ans au Centre de recherches biologiques de l’université de Szeged, où elle obtient son doctorat. C’est là qu’elle commence à s’intéresser à l’acide ribonucléique (ARN) messager, des molécules qui donnent aux cellules un mode d’emploi, sous forme de code génétique, afin qu’elles produisent des protéines bienfaisantes pour notre corps. Mais dans les laboratoires hongrois, les moyens manquent. À l’âge de 30 ans, la scientifique se fait par ailleurs renvoyer du centre de recherches, comme le rappelle le site Hungarian Spectrum.

Elle fait alors le choix de regarder de l’autre côté de l’Atlantique et obtient en 1985 un poste à Temple University, à Philadelphie. À l’époque, en Union soviétique, il n’est pas permis de sortir des devises du pays. Malgré cet interdit, Katalin Kariko vend la voiture familiale et cache l’argent dans l’ours en peluche de sa fille Susan Francia âgée de 2 ans. « C’était un aller simple. Nous ne connaissions personne », a-t-elle raconté à Business Insider.

De refus en refus

Le rêve américain peut commencer. Mais là encore, tout ne se déroule pas comme prévu. À la fin des années 1980, la communauté scientifique n’a d’yeux que pour l’ADN, qu’on pensait capable de transformer les cellules et, de là, soigner des pathologies comme le cancer ou la mucoviscidose. La chercheuse hongroise continue, elle, de s’intéresser à l’ARN messager, l’imaginant fournir aux cellules les instructions pour qu’elles fabriquent elles-mêmes les protéines thérapeutiques. Une solution permettant d’éviter de modifier le génome des cellules. Mais cette technologie suscite des critiques car elle entraîne de vives réactions inflammatoires, l’ARN messager étant considéré comme un intrus par le système immunitaire.

En 1990, sa première demande de bourse de recherche est rejetée. Au cours des années suivantes, les refus se multiplient. En 1995, l’université de Pennsylvanie, où elle est en voie d’accéder au professorat, met même un coup de frein à ses ambitions et la rétrograde au rang de simple chercheuse. « Normalement, à ce stade, les gens disent au revoir et s’en vont, car c’est trop horrible », a-t-elle témoigné au site médical Stat. « Je pensais aller ailleurs ou faire quelque chose d’autre. Je me disais aussi que je n’étais pas assez bonne ou pas assez intelligente. » La scientifique doit également faire face au sexisme. On lui demande le nom de son superviseur, alors même qu’elle dirige son propre labo, ou on l’appelle « madame » là où ses collègues masculins se voient identifiés comme « professeur ».

Malgré les difficultés, Katalin Kariko s’accroche et se consacre à corps perdu à sa passion. « Vu de l’extérieur, cela peut paraître dingue, éprouvant, mais j’étais heureuse au labo », a-t-elle confié à Business Insider. « Mon mari a toujours dit que c’était de l’amusement pour moi. Je ne dis pas que je vais au travail. C’est comme un jeu. » Dans le même temps, elle se bat pour financer les études de sa fille. Elle lui transmet sa détermination à toute épreuve. L’enfant à l’ours en peluche finira diplômée de l’université de Pennsylvanie et remportera surtout la médaille d’or au sein de l’équipe d’aviron des États-Unis lors des Jeux olympiques de 2008 et 2012.

Une rencontre à la photocopieuse

En 1997, une simple rencontre devant la photocopieuse va finalement changer le destin de Katalin Kariko. Elle fait la connaissance de l’immunologiste Drew Weissman, qui travaille alors sur un vaccin contre le VIH. Ils décident de collaborer et mettent au point une parade qui permet à l’ARN synthétique de ne pas être reconnu par le système immunitaire. Leur découverte est publiée en 2005 et leur attire des louanges. Le duo continue ses recherches et réussit à placer son précieux ARN dans des « nanoparticules lipidiques », un enrobage qui leur évite de se dégrader trop vite et facilite leur entrée dans les cellules.

C’est à partir de ces techniques que les laboratoires Moderna et BioNTech/Pfizer ont pu mettre au point leurs réponses au Covid-19. Les deux vaccins sont basés sur cette même stratégie consistant à introduire des instructions génétiques dans l’organisme pour déclencher la production d’une protéine identique à celle du coronavirus et provoquer une réponse immunitaire.

Grâce à leur travaux et à leur application, Drew Weissman et Katalin Kariko sont désormais pressentis pour le prix Nobel. Après tant d’années à la marge, la chercheuse hongroise occupe désormais un poste élevé au sein du laboratoire allemand BioNTech.

Après avoir appris l’approbation du vaccin développé par Pfizer et BioNTech, Katalin Kariko s’est permis un petit écart en dévorant un paquet de ses bonbons préférés. Même si la chercheuse savoure son succès, l’heure n’est pas encore aux cotillons et au champagne, comme elle l’a résumé à CNN : « Nous fêterons tout cela quand les souffrances humaines seront derrière nous, quand les épreuves et cette période terrible seront terminées. Cela arrivera, je l’espère, cet été, quand nous aurons oublié le virus et le vaccin. Je le célébrerai alors vraiment ». (france24)

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