mercredi, janvier 22, 2025
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Scandale des maisons pour mères célibataires. Le Premier ministre irlandais demande « pardon »

Le Premier ministre irlandais Micheál Martin a présenté ce mercredi devant le Parlement des excuses officielles après la publication d’un rapport d’enquête sur les traitements infligés pendant près de huit décennies dans les « maisons pour mères célibataires », tenues par des congrégations religieuses et financées par l’Etat.

L’histoire de « Résidente A » a tout du récit d’épouvante. Elle a pour décor la maison pour mères célibataires de Sean Ross, dans l’ouest de l’Irlande. Nous sommes dans les années 1950. Tombée enceinte après avoir été violée par deux hommes, la jeune fille de 15 ans est envoyée dans cette institution tenue par l’Eglise catholique et y accouche. « Ils m’ont attachée, parce que j’avais mal, je croyais que j’allais mourir. […] C’était horrible. Quand cela a été fini, ils m’ont dit : « Ça t’apprendra, c’est pour expier les péchés que tu as commis« . » 

Cet accouchement n’a pas marqué la fin des douleurs de l’adolescente. Outre la faim et le travail forcé à la blanchisserie, « Résidente A » a dû faire adopter son bébé. « Il avait quatre mois. Je l’allaitais encore. Je lui donnais le sein et ils l’ont habillé et… Ils ont pris le bébé, une sœur a pris le bébé », raconte-t-elle. Les parents avaient donné leur accord pour cette adoption. 

Le rapport de la commission d’enquête sur les Maisons pour mères célibataires, publié ce mardi, compile sur 3 000 pages des témoignages similaires à celui-ci. Au cours de leurs cinq années d’enquête, les trois membres de la commission (une juge, un juriste et une historienne) ont accumulé les preuves du « traitement cruel » par l’Etat, l’Eglise et la société des femmes enceintes sans être mariées. Dix-huit institutions ayant hébergé 56 000 femmes ont été étudiées. La dernière a fermé en 1998. 

9 000 bébés morts dans les institutions

La plus édifiante conclusion du rapport concerne la mortalité infantile : 9 000 bébés sont morts dans les Maisons pour mères célibataires. A certaines périodes, le taux de mortalité dans ces institutions était deux fois supérieur à celui de la population générale. Le rapport pointe la négligence, la malnutrition et la prévalence de certaines maladies comme la diphtérie. Beaucoup de ces maisons n’ont pas conservé de registres des décès et les enfants n’ont pas toujours été enterrés dans des tombes clairement identifiées. Le gouvernement irlandais a annoncé vouloir autoriser les exhumations sur les sites des Maisons pour identifier les corps et offrir une sépulture digne aux bébés défunts. 

Le rapport indique n’avoir trouvé aucune preuve que les femmes étaient internées contre leur gré, ou qu’elles étaient forcées à faire adopter leur enfant. Cependant, notent les auteurs, « beaucoup n’avaient pas le choix : elles étaient rejetées par leur famille et avaient besoin d’un endroit où dormir. La plupart n’avaient pas les moyens de subvenir aux besoins de leur enfant. » Outre l’absence d’empathie et la stigmatisation imposée par l’Eglise, très puissante jusqu’au XXIe siècle, le rapport accuse également les géniteurs des enfants, soit pour avoir violé soit pour avoir refusé d’épouser la mère et de lui éviter ainsi l’internement. L’Etat, enfin, est responsable d’avoir fermé les yeux sur les pratiques d’établissements qu’il finançait pourtant. 

Excuses officielles, déception des survivants 

« L’Etat vous a faillis, les mères et enfants de ces maisons, a reconnu ce mercredi 13 janvier devant le Parlement le Premier ministre Micheál Martin. Au nom du gouvernement, de l’Etat et de ses citoyens, je présente mes excuses pour les torts profonds infligés aux mères irlandaises qui ont fini dans une Maison et à leurs enfants. Chacun d’entre vous méritait bien mieux. »

M. Martin a également détaillé les mesures prises par le gouvernement : les survivantes pourront bénéficier de soutien psychologique et d’une sécurité sociale, une loi sera présentée pour permettre aux enfants de connaître l’identité de leur mère biologique et les Maisons feront l’objet d’un devoir de mémoire national. 

Catherine Corless, l’historienne à l’origine des révélations sur les conditions au sein des Maisons pour mères célibataires, a exprimé sa déception : « Il n’y a pas grand-chose [de nouveau] dans ce rapport. Ils étaient toute une équipe, et qu’est-ce qu’on en tire ? ».

Plusieurs survivants ou proches de survivantes, bien que satisfaits par les excuses officielles, demandent au gouvernement d’agir vite pour permettre un accès rapide aux registres des institutions et aux indemnités. « La moitié d’entre nous seront morts avant de pouvoir toucher quoi que ce soit », s’inquiète par exemple Carmel Larkin, qui a passé les cinq premières années de sa vie dans la Maison de Sainte-Marie, près de Galway. 

Quant à l’Eglise, le primat d’Irlande Eamon Martin a présenté ses excuses « sans réserve » aux survivants et à tous ceux « personnellement affectés »… Sans toutefois proposer de participer aux dispositifs de réparation annoncés par le gouvernement. (rfi)

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