Kyaw Moe Tun a réclamé, vendredi lors d’un discours très remarqué à l’ONU, la fin immédiate du coup d’État militaire en Birmanie. Des trémolos dans la voix, l’ambassadeur rebelle a achevé son discours en birman avec trois doigts levés, symbole de la protestation dans son pays.
L’ambassadeur de Birmanie à l’ONU, Kyaw Moe Tun, a rompu spectaculairement vendredi 26 février à l’Assemblée générale de l’ONU avec la junte militaire. « Nous avons besoin de l’action la plus forte de la communauté internationale pour mettre fin immédiatement au coup d’État militaire, à l’oppression du peuple innocent et pour rendre le pouvoir de l’État au peuple », a affirmé ce diplomate.
Son discours d’une douzaine de minutes a été empreint d’une émotion difficilement dissimulée, avec des trémolos dans la voix, et ponctué de quelques phrases en birman et du geste de ralliement des manifestants réclamant le retour de la démocratie en Birmanie, trois doigts levés.
Son intervention s’est achevée par une salve d’applaudissements dans le grand amphithéâtre de l’Assemblée générale et des félicitations adressées par d’autres intervenants, comme par le représentant de l’Union européenne, Olof Skoog. L’ambassadrice britannique à l’ONU, Barbara Woodward, a rendu « hommage au courage » de son homologue birman.
Washington le salue
« Je salue la déclaration courageuse » du représentant birman, a aussi affirmé la nouvelle ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, entrée en fonctions jeudi et dont c’était la première participation à une réunion à l’ONU. Sur Twitter, le secrétaire d’État Antony Blinken a également relevé « la déclaration courageuse et claire » de l’ambassadeur birman et celles de « ceux en Birmanie qui font entendre leur voix ».
Les cas d’ambassadeurs s’élevant en séance contre leurs autorités sont très rares à l’ONU, le dernier cas remontant à dix ans, en 2011, lorsque le représentant libyen s’était opposé au dictateur Mouammar Kadhafi en pleine révolte libyenne.
Kyaw Moe Tun a réclamé que les membres de l’ONU ne reconnaissent pas le régime militaire qui s’est approprié le pouvoir le 1er février, et ne coopèrent pas avec lui. « Nous continuerons à nous battre pour un gouvernement qui soit du peuple, par le peuple, pour le peuple », a-t-il promis.
« Cruel et inhumain »
Juste avant sa prise de parole, lors d’une session spéciale des 193 membres de l’Organisation consacrée à la Birmanie à l’initiative notamment de l’Union européenne et des États-Unis, l’émissaire de l’ONU pour ce pays, Christine Schraner Burgener, avait condamné « fermement » la répression exercée par la junte.
Il faut « envoyer collectivement un signal clair en faveur de la démocratie en Birmanie ». « Les actions de l’armée ne sont pas justifiées et nous devons continuer d’appeler au renversement de cette situation inadmissible, en épuisant toutes les voies collectives et bilatérales pour rétablir la Birmanie sur la voie de la réforme démocratique », avait-elle ajouté, en déplorant le refus de la junte de l’autoriser à se rendre dans le pays.
L’ONU a conditionné une telle visite à la possibilité de rencontrer Aung San Suu Kyi, mise au secret depuis le coup d’État du 1er février, ce que la junte refuse catégoriquement jusqu’à présent, selon des diplomates.
Se démarquant du ton offensif de la plupart des intervenants, l’ambassadeur chinois à l’ONU, Zhang Jun, a réaffirmé la position chinoise selon laquelle « ce qui se passe en Birmanie est par essence une affaire interne ». Il a toutefois indiqué que la Chine, qui favorise un règlement via l’Asean, « discutait avec les parties concernées en Birmanie pour faciliter une désescalade et un retour à la normale à une date rapprochée ». « Toutes les parties doivent s’abstenir d’intensifier les tensions, d’aggraver la situation et de recourir à la violence, afin d’éviter un bain de sang », a-t-il aussi demandé. (France24)