mercredi, mai 8, 2024
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Le pape François en Irak. 5 minutes pour comprendre un voyage historique

Après s’être senti « en cage » pendant le confinement, le pape François a commencé ce vendredi son premier voyage depuis plus d’un an. Et pas n’importe lequel : le souverain pontife est arrivé, dans la matinée, à Bagdad en Irak, où il entend réconforter l’une des plus anciennes communautés chrétiennes au monde, fragilisée par des années de persécutions.

Une visite déjà qualifiée d’historique et qui « résulte d’une urgence », selon le Vatican, malgré l’instabilité politique et la menace persistante du Covid-19 dans l’Etat irakien. Au programme : trois jours aux quatre coins du pays, une rencontre avec le plus haut dignitaire chiite et des célébrations en comité restreint, pandémie oblige.

Pourquoi cette visite est-elle historique ?

Aussi courte soit-elle, cette visite s’apprête à entrer dans l’Histoire. C’est la première fois qu’un chef de l’Église catholique foule la terre irakienne, berceau d’Abraham, le patriarche dont se réclament les traditions juive, chrétienne et musulmane. Avant lui, le pape Jean-Paul II avait déjà tenté de s’y rendre en 2000, sans succès à cause des violences. « On ne peut pas décevoir un peuple deux fois », avait souligné le pape François, confirmant sa détermination à rencontrer « ses frères et sœurs irakiens ».

Au-delà de son caractère inédit, cette visite va permettre de mettre en lumière l’importance d’une communauté antique et profondément meurtrie, décrypte Françoise Briquel-Chatonnet, historienne, spécialiste du Levant dans l’Antiquité et chercheuse au CNRS. « Les chrétiens d’Irak ont une histoire exceptionnelle : ils se sont constitués depuis l’Antiquité comme une église autonome, se dissociant du monde romain. Cette communauté minoritaire qui n’a jamais vécu sous un pouvoir chrétien, a subi des années de persécutions et a dû fuir son pays. La visite du pape va permettre de lui rappeler qu’elle a toute sa place et son importance en Irak ».

Quel programme ?

Ces trois jours s’annoncent déjà chargés pour le souverain pontife. Il devrait aller à la rencontre des différentes communautés chrétiennes du pays (chaldéens, assyriens, syriaques catholiques, etc.). Surtout, son programme sera marqué par une rencontre hautement symbolique : celle du grand ayatollah chiite Ali Al-Sistani, l’une des principales autorités spirituelles du chiisme. Là encore, il s’agira d’une première : aucun contact entre cette branche minoritaire de l’islam (mais dont se réclament 60 % des Irakiens) et le Saint-Siège n’avait encore eu lieu.

« L’image de ces deux hommes de paix reste très attendue politiquement, car elle plaide pour une désescalade des tensions entre la chrétienté et le monde musulman dans la région. Il s’agit d’un symbole certes, mais les symboles ont parfois des effets…», relève l’historienne.

Dimanche enfin, le pape François se rendra à Mossoul, l’ex-capitale du groupe État islamique, où il présidera une prière à la mémoire des victimes de la guerre. Puis il visitera la ville chrétienne de Qaraqosh, tant abîmée en 2014, par les ravages des islamistes.

Pourquoi le voyage s’annonce sous haute tension ?

Le « voyage sera hors norme », avait prévenu le Vatican, quelques jours avant le départ du pape. Car le pays, toujours asphyxié par le Covid, reste en confinement. Tous les déplacements de François se feront en voiture couverte, afin de réduire le risque d’attroupements. De même, il n’y aura aucun bain de foule. Les lieux de rassemblements seront soumis à une jauge stricte. Dimanche, la messe qui aura lieu au stade d’Erbil d’une capacité de 28 000 personnes, accueillera seulement 10 000 fidèles scrupuleusement espacés.

Outre la pandémie, la visite doit également composer avec le climat de violences ambiant. À Bagdad, le dominicain irakien Amir Jajé, l’un des organisateurs de la visite, a même reconnu que l’événement a failli être reporté. Surtout après le double attentat suicide du 21 janvier dans la capitale, qui a fait 32 morts, et suite aux tirs de roquettes sur une base américaine, le 16 février à Erbil… une destination au programme de la visite papale.

Quelle place en Irak pour les chrétiens ?

Marqués par des années de persécutions, menées notamment par l’Etat islamique, des milliers de chrétiens d’Irak ont dû fuir leur pays. « Depuis l’invasion de l’armée américaine en 2003, le nombre de fidèles s’est littéralement effondré : ils sont aujourd’hui 400 000 contre 1,5 million il y a vingt ans », précise Jean-Pascal Gay, professeur d’histoire du christianisme.

Surtout, beaucoup ont souffert d’une image peu reluisante dans le pays, entachée par l’invasion des Etats-Unis. « Lors de la guerre en Irak, le président George W. Bush avait déclaré que l’armée américaine menait une croisade pour sauver les chrétiens. Ces derniers ont alors été assimilés pendant longtemps aux envahisseurs occidentaux, à des ennemis », glisse Françoise Briquel-Chatonnet. Un traumatisme parmi tant d’autres que tentera d’apaiser dès ce vendredi la visite papale. (Le Parisien)

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