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ÉTHIOPIE. Les dessous de la médiation pour mettre un terme à la grève de la faim des leaders oromos

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En Ethiopie, c’est une médiation de membres de leurs familles, de personnalités communautaires et religieuses, et d’une célébrité de l’athlétisme, qui a convaincu dimanche 7 mars le leader oromo Jawar Mohammed et les dirigeants de son parti de cesser leur grève de la faim. C’est désormais chose faite depuis lundi soir. Quel rôle a joué cette délégation exactement et comment était-elle composée ? Eléments de réponse.

Les athlètes sont en Éthiopie des superstars adulées par tous les peuples de la Fédération. Aussi leur arrive-t-il de jouer un rôle politique, à l’image de la légende de l’athlétisme Haile Gebreselassie, devenu un homme d’affaires multimillionnaire ayant même aspiré à se faire élire député, en jouant de son influence et de son argent « pour éradiquer la pauvreté », explique-t-il.

Et ainsi parmi les vétérans de la politique et de la guérilla, les chefs traditionnels et les figures religieuses ayant rendu visite à Jawar Mohammed et ses camarades le week-end dernier à la clinique où ils sont détenus et soignés, figurait la célèbre athlète oromo Derartu Tulu, cousine de la très respectée coureuse de fond Tirunesh Dibaba et, comme cette dernière et ses sœurs, née dans le même village que le champion Kenenisa Bekele.

Pour les bons connaisseurs de l’Éthiopie, cela n’a rien d’étonnant. Dans la culture oromo, la résolution de conflit est codifiée et obéit à des règles précises, avec ses rites et son vocabulaire. Et le rôle des anciens et des femmes est déterminant. L’universitaire Hamdesa Tuso explique que, dans les médiations traditionnelles, les anciens ont la prééminence en tout – pour prendre la parole, présider des réunions, émettre des jugements – et que les femmes sont protégées par la loi coutumière des agressions physiques, faisant d’elles « des messagers sûrs auprès des parties en conflit » et « des voix morales pour des temps troublés ».

« De la politique spectacle »

Ce type de médiation coutumière a été souvent initiée hors du champ politico-militaire au cours de l’histoire récente de l’Oromiya, rappelle-t-il dans une recherche intitulée Processus indigènes de résolution de conflit dans la société oromo, et notamment après la chute du dictateur Mengistu Haïlé Mariam en 1991 pour empêcher que les guerres intestines entre mouvements rebelles ayant participé à la lutte armée ne mettent en péril la participation des Oromos à la nouvelle vie démocratique.

Mais pour le chercheur Gérard Prunier, la médiation du week-end dernier « n’était que de la politique spectacle », comme sait la mettre en scène le Premier ministre Abiy Ahmed. Il s’agit d’« un coup de communication, de la cuisine entre Oromos » pour tenter de reprendre le contrôle de la situation. « C’est vieux comme Staline qui vidait les goulags pour renforcer l’armée », ajoute-t-il avec ironie, une vraie-fausse médiation voulue ou simplement acceptée par un chef de gouvernement « qui n’a plus les faveurs du peuple oromo, alors que Jawar Mohammed conserve, lui, une popularité importante ».

Derrière cette opération et le plaidoyer des médiateurs pour l’arrêt de la grève de la faim des leaders oromos, selon lui, ce serait une erreur de voir un geste humaniste. Le but, dit-il, était de rallier tout le monde « par le chantage autour de l’unité nationale, grâce à des figures adorées du peuple ». Mais il conclut : « Chacun sait que l’arrêt de cette grève de la faim, pour un homme ambitieux et intelligent comme Jawar Mohammed, était inéluctable, médiation ou non. Cet homme est un excellent joueur d’échecs et il a toujours plusieurs coups d’avance sur Abiy Ahmed. » (Rfi)

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