Le chef de l’Etat, décédé officiellement des suites de problèmes cardiaques, n’avait cessé de minimiser l’épidémie, sur laquelle le pays n’a publié aucune donnée depuis mai 2020.
« C’est le flou total. Le Covid, Magufuli avait interdit d’en parler », commente Djuma*, commerçant à Dar es-Salaam, la capitale économique de la Tanzanie, quelques heures après l’annonce à la télévision nationale, mercredi 17 mars, du décès du président John Pombe Magufuli. Officiellement, le chef de l’Etat est mort des suites de problèmes cardiaques. Mais Djuma, comme la plupart des Tanzaniens, doute de la version gouvernementale. La disparition du président depuis fin février a alimenté toutes les rumeurs sur une hospitalisation due au Covid-19, cette épidémie qu’il n’avait cessé de minimiser depuis son apparition début 2020. Rejetant tout confinement, John Magufuli était allé jusqu’à affirmer que son pays s’était « libéré » du virus par la prière.Tanzanie : John Magufuli, le président « bulldozer », disparaît à l’âge de 61 ans
Les yeux sont désormais braqués sur Samia Suluhu Hassan, sa vice-présidente, qui vient de lui succéder après avoir prêté serment, vendredi 19 mars. Les Tanzaniens se demandent quelle sera son approche de la pandémie. « Nous espérons qu’elle va changer de cap quant à la gestion du Covid-19, reconnaître son existence, prendre des mesures nécessaires pour protéger la population, mais surtout laisser la presse travailler librement sur la question », souhaite un journaliste local contacté par Le Monde Afrique. L’analyste politique Jenerali Ulimwengu se montre optimiste : « Elle a un caractère différent. Je crois qu’elle écoutera beaucoup plus les avis scientifiques, plutôt que de considérer ses propres opinions. »
Depuis un an, l’omerta régnait sur l’ampleur de l’épidémie en Tanzanie. Plusieurs journaux ont été sanctionnés et des journalistes suspendus pour avoir enquêté sur le Covid-19. En accusant ces médias de « propager des rumeurs », le gouvernement a plongé le pays dans un black-out informationnel. Ce pays de 56 millions d’habitants n’a publié aucune donnée sur le coronavirus depuis mai 2020. A l’époque, il faisait état de 500 cas et d’une vingtaine de décès. (LeMonde.fr)