La tension monte en Zambie, pays enclavé d’Afrique australe, à une semaine d’élections générales disputées, des explosions de violence politique ayant entraîné un déploiement militaire sans précédent.
Le scrutin risque de se jouer serré entre le président Edgar Lungu, 64 ans, et le chef de l’opposition Hakainde Hichilema, 59 ans, qui se présente pour la sixième fois.
Les réunions électorales sont interdites pour cause de Covid, ce qui n’empêche pas leurs partisans respectifs de s’affronter sporadiquement depuis juin, munis de haches, machettes et autres tournevis. Au moins trois morts selon la police. Les deux derniers, des militants du Front patriotique (PF) au pouvoir battus à mort, ont poussé le président dimanche à mobiliser l’armée pour maintenir l’ordre.
Mais l’opposition, comme de nombreux observateurs, redoute que les soldats dans la rue n’intimident les électeurs.
« C’est clairement une technique d’intimidation destinée à éliminer l’opposition », estime auprès de l’AFP Ringisai Chikohomero, chercheur à l’Institut d’études de sécurité de Pretoria. « Lungu cherche à faire pencher la balance en sa faveur et une forte présence militaire est susceptible de l’aider ».
Les violences se sont concentrées à Lusaka, traditionnellement un bastion de Lungu, mais aussi dans les provinces du Nord et du Nord-Ouest, respectivement fiefs du PF et du principal parti d’opposition, l’UPND.
« Il pourrait y avoir d’autres troubles, c’est exceptionnellement serré », redoute Nicole Beardsworth, de l’Université Witwatersrand à Johannesburg.
Le président sortant n’avait battu que de justesse son opposant de longue date, surnommé « HH » – lorsqu’il s’était présenté pour la première fois à la présidence en 2015, puis lors des législatives de l’année suivante.
– Stratégie de la pastèque –
L’inflation et la hausse du chômage alimentent la déception à l’égard de Lungu, accusé de s’être engouffré dans des projets d’infrastructure coûteux et d’avoir plongé le pays riche en cuivre dans le premier défaut de paiement de la dette en Afrique depuis la pandémie.
« Je ne peux pas soutenir des voleurs, on a trop souffert à cause d’eux », souffle Josephine Nakazwe, 23 ans, qui vend des crédits pour téléphone portable devant un centre commercial de Lusaka.
Un sondage Afrobarometer fin 2020 trouve moins d’électeurs se déclarant proches du PF que trois ans plus tôt. Et le nombre de sondés refusant d’indiquer pour qui ils vont voter, est passé de 12% à 38%, signe tangible d’une peur croissante.
Les défenseurs des droits de l’Homme dénoncent un pouvoir devenu de plus en plus intolérant face aux voix discordantes.
« C’est la première fois que le gouvernement déploie des soldats pour contrôler le processus électoral », relève O’Brien Kaaba, chercheur à l’Université de Zambie. « Si l’élection est contestée et qu’il y a des manifestations, le président pourrait ne pas hésiter à utliser l’armée », avertit-il.
La Zambie est familière des violences pré-électorales, comme en 2016 déjà.
Les militants de l’UPND rusent pour se protéger d’être pris pour cible par leurs rivaux: Ils portent des insignes du parti PF au pouvoir, à dominante verte, plutôt que leur propre couleur rouge. Cela s’appelle la tactique « de la pastèque ».
Un jeune homme croisé dans Lusaka porte un T-shirt blanc avec l’impression du visage du président. « Pour ne pas me faire casser la figure par les gars du PF », confie Amos Mwale, 18 ans, à l’AFP. Mais « le jour du vote, nous allons les chasser du pouvoir », assure-t-il.
Plusieurs événements de l’opposition ont été empêchés ou dispersés à l’aide de gaz lacrymogènes sous prétexte qu’ils enfreignaient les restrictions anti-Covid, les poussant en retour à accuser la police de saboter leur travail.
Seule la campagne de porte-à-porte est autorisée. Mais des foules se sont rassemblées pour des « distributions de masques » organisées par les deux camps, contournant ainsi l’interdiction des meetings. (Afp)