Dix mois après le début des hostilités au Tigré, le conflit s’intensifie et se propage à deux autres régions. Après la défaite de l’armée fédérale dans la région, les rebelles Tigréens se déplacent vers le sud, en direction de la capitale Addis Abeba.
En novembre 2020, le Premier ministre Abiy Ahmed y a déployé l’armée, en accusant les autorités locales d’avoir attaqué une base militaire éthiopienne. Mais le problème de fond repose sur les conflits ethniques. L’Éthiopie est divisée en dix régions, fondées principalement sur les origines ethniques de leurs habitants et chacune jouit d’une très forte autonomie. Quand Abiy Ahmed est arrivé au pouvoir, en 2018, les relations entre le Tigré et le pouvoir central se sont dégradées. « Les Tigréens bénéficiaient d’une grande influence dans les institutions centrales, et ont reproché à Abiy Ahmed, de l’ethnie des Oromos, de ne pas leur donner leur part de pouvoir », explique Alain Gascon, professeur émérite à l’Institut français de géopolitique (IFG) de l’université Paris-VIII.
Où en est le rapport de force ?
Les Tigréens ont repris fin juin le contrôle de leur territoire, et l’armée fédérale a fui la région.Ils se dirigent vers Addis Abeba en passant par les hautes terres, en région Amhar et Afar. Et ils bénéficient aussi de la saison des pluies, pendant laquelle l’aviation éthiopienne ne peut pas intervenir, tout est couvert de nuages, analyse Alain Gascon. Le 10 août, Abiy Ahmed a appelé tous les jeunes à grossir les rangs de l’armée. Le 11 août, le Front populaire de libération du Tigré (TPLF) s’est allié à l’Armée de libération Oromo (OLA), ethnie dont est issu le Premier ministre et région de la capitale, Addis Abeba. Les deux mouvements insurrectionnels avaient été classés comme terroristes par le pouvoir central en mai. Et le conflit se propage aux régions Afar et Amhara.
Quel est le bilan ?
Le conflit a fait des milliers de morts. En outre, selon l’ONU, 400 000 personnes risquent la famine au Tigré, et 300 000 autres approchent des « niveaux d’urgence » alimentaires dans les régions voisines Afar et Amhara.
La population est prise à partie dans ce conflit, entre un Premier ministre qui tente d’enrôler les jeunes dans l’armée et des habitants obligés de fuir leur région en proie aux combats, estime Alain Gascon. Depuis le début de ce conflit, plus de 60 000 Éthiopiens sont réfugiés au Soudan. L’offensive militaire contre le Tigré semble catalyser les persécutions à l’encontre des minorités. Environ 3 000 Kemants, une minorité de la région Amhara, ont fui à leur tour fin juillet au Soudan, pour avoir refusé de prendre les armes contre les Tigréens. Dans la région de l’Oromia, où la branche armée s’est récemment alliée aux rebelles Tigréens, des attaques à caractère ethnique ont tué plus de 200 personnes, le 26 août.
Que fait la communauté internationale ?
La communauté internationale connaît très mal l’Éthiopie et personne ne prend la peine de comprendre ce qui s’y passe, se désole Alain Gascon. Les États-Unis ont accusé le pouvoir central et l’armée érythréenne de nettoyage ethnique à l’encontre des Tigréens. La France a suspendu sa coopération militaire avec l’Éthiopie, début juillet.
« Je ne vois aucune issue, à part une démarche commune de plusieurs chefs d’État. Mais la chute de Kaboul concentre toutes les attentions et l’Éthiopie est loin« , explique Alain Gascon. L’unité éthiopienne est en danger. (Ouest France)