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ALGERIE. « Chère, très chère rentrée sociale ! »

Après un été éprouvant, entre semi-confinement et incendies ravageurs qui ont embrasé plusieurs régions du nord du pays, la rentrée sociale ne donne pas de répit aux Algériens. Depuis début septembre, les marchés de fruits et légumes connaissent une flambée soudaine des prix. Selon le quotidien Liberté, « le taux d’inflation en juin 2021 a presque doublé par rapport à 2019, alertant sur les risques d’une tension qui pourrait s’inscrire dans la durée si des mesures n’étaient pas prises ». Cette tension inflationniste semble se confirmer en ce mois de septembre 2021 dès qu’on fait une tournée dans les marchés algérois où même des denrées jusque-là non concernées par les hausses de prix occasionnelles, à l’approche des fêtes religieuses par exemple, connaissent une véritable envolée des prix.

« Saignés à blanc »

Les lentilles, denrée populaire surtout en automne et en hiver, sont cédées à environ 250 dinars (1,50 euro au change officiel) le kilogramme contre 160 dinars (0,99 euro) il y a à peine quelques semaines. Les pois chiches, qui se vendaient il y a quelques mois 230 dinars, s’échangent aujourd’hui à 290 dinars. Autre exemple, le prix du kilo de poulet grimpe à 500 dinars, poussant les consommateurs à organiser des campagnes de boycott de la viande blanche, alors que du côté de la filière avicole, les producteurs justifient cette hausse par plusieurs facteurs tels que le manque de poussins d’un an suite à la grippe h1n5, la destruction de poulaillers lors des derniers incendies, la cherté de l’alimentation des volailles, etc. Mais ces arguments ne nuancent nullement la colère des consommateurs qui accusent les commerçants de vouloir « les saigner à blanc » pour reprendre les propos d’un retraité rencontré dans un marché à El Biar sur les hauteurs d’Alger.

L’inflation grève progressivement le pouvoir d’achat des ménages algériens.

De son côté, l’Association algérienne de protection et d’orientation du consommateur (Apoce) a, dans une récente étude, confirmé la flambée inédite de la mercuriale : « Les prix des pâtes alimentaires ont doublé en passant de 40 dinars algériens le paquet de 500 grammes à 75. Le kilo de couscous a plus que doublé, passant de 80 DA à 170 DA, le quintal de semoule, aujourd’hui cédé à 4 500 DA, valait 2 500 DA il y a une dizaine d’années. Idem pour les prix d’une boîte de lait en poudre passé de 220 DA en 2010 à 350 DA en 2021, de la tomate industrielle de 500 grammes qui atteint les 250 DA, alors qu’elle coûtait 160 DA? ».

Dans cette même étude, l’Apoce fait un autre constat tout aussi alarmant : « Aujourd’hui, l’Algérien ne peut s’offrir que la moitié de ce qu’il pouvait se payer avec son salaire d’il y a dix ans ».

La chute du dinar

« L’étude comparative établie par l’Apoce révèle que les prix moyens pratiqués pour les biens de consommation et des services incontournables ont doublé au cours des dix dernières années, alors que le revenu a stagné, rien que dans la Fonction publique », reprend Le Soir d’Algérie. « Les prix à la consommation n’ont pas cessé de progresser depuis une dizaine d’années en raison d’une inflation sournoisement présente adossée à l’hallucinante dégringolade du dinar et ce, au même moment où les salaires des trois millions de fonctionnaires, tout autant que les salariés du secteur économique n’ont pas vu leurs revenus évoluer », poursuit le journal.

« La monnaie algérienne est devenue la plus faible sur le plan maghrébin et même arabe », souligne une analyse du quotidien El Khabar. La chute de la valeur du dinar reste importante, autant au marché officiel que sur celui parallèle du change. © DR

« La monnaie algérienne est devenue la plus faible sur le plan maghrébin et même arabe », souligne une analyse du quotidien El Khabar. La chute de la valeur du dinar reste importante, autant au marché officiel que sur celui parallèle du change. Au marché parallèle, le plus usité par les Algériens, le dinar qui coûtait 110 euros en 2010, coûte en 2021 210 euros en moyenne. « De nouvelles dépréciations [de la valeur du dinar] pourraient s’avérer à risque étant donné que la planche à billets continue de tourner en Europe, entraînant une hausse de l’inflation, alors que la Banque centrale américaine pourrait revoir sous peu la politique actuelle de soutien à l’économie US en recommençant à augmenter ses taux », prévient le quotidien Liberté. Pour un pays dépendant en grande partie des importations pour les produits alimentaires, le décalage de plus en plus important entre le dinar et les devises fortes (perte de valeur de 5,9 % contre le dollar et de 7,7 % par rapport à l’euro) impacte directement les prix des denrées.

Hausse mondiale

D’autant plus que le marché mondial des produits alimentaires connaît, pour sa part, des hausses de prix conséquentes, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) qui pointe une forte augmentation des cours internationaux du sucre, du blé et des huiles végétales depuis le mois d’août dernier.

Face à cette situation, le gouvernement d’Aïmene Benabderrahmane tente de faire face. D’abord par la possibilité de plafonner, via un décret exécutif, les prix du sucre et du lait. Déjà, en août dernier, 13 milliards de dinars (80 750 000 euros) ont été mobilisés pour la stabilisation des prix du sucre blanc et de l’huile alimentaire ordinaire raffinée.

Les autorités tentent aussi de freiner la spéculation sur le marché des fruits et légumes en instaurant, début septembre, la vente directe des produits agricoles par les agriculteurs aux consommateurs. Mais cette mesure présente plusieurs embûches : elle menacerait l’existence même des marchés de gros et des mandataires, et semble s’attaquer à un mécanisme moins structurant dans la hausse des prix. « La sécheresse et les hausses des prix à l’international (autant des produits que du fret mondial) sont autant de causes provoquant la crise actuelle », explique un expert.

La question délicate des subventions

L’autre chantier sur lequel planche le gouvernement est beaucoup plus politique que commercial : comment instituer une nouvelle politique des subventions. En Algérie, les produits de large consommation sont couverts par les subventions publiques qui font partie de la panoplie des transferts sociaux et qui pèse 10 % du PIB algérien. Dans le plan d’action du gouvernement, présenté la semaine écoulée devant les parlementaires par le Premier ministre Aïmene Benabderrahmane, on peut lire que l’Exécutif souhaite le « passage à un nouveau dispositif de subventions avec un meilleur ciblage, qui permettra de maîtriser et de rationaliser les crédits mobilisés annuellement, au titre des différentes formes de subventions et de compensation ».

Pour le gouvernement, l’idée est de « passer d’un système de subventions universelles vers un système de subventions ciblées, en faveur des ménages nécessiteux et, ce faisant, garantir l’équité sociale ». « Si on attend que notre administration soit en mesure d’identifier les plus démunis et de s’organiser pour leur transférer des allocations, nous allons encore retarder la réforme de subventions », prévient l’expert en finances Liès Kerrar. « Et retarder davantage la réforme des subventions, poursuit l’expert, c’est prendre le risque de se retrouver demain en situation d’être contraints d’arrêter les subventions sans avoir les moyens de compenser les plus démunis ». (Le Point)

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