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CIV. L’entrepreneur qui veut transformer les déchets agricoles en richesse

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FILE PHOTO: Farmers break cocoa pods at a cocoa farm in Soubre, Ivory Coast January 6, 2021. REUTERS/Luc Gnago/File Photo

Les cultures de cacao, bananes, anacarde, hévéa et coton, notamment, produisent 15 à 17 millions de tonnes de déchets organiques par an qui ne sont pas valorisés.

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Pour Noël N’Guessan, les déchets sont de l’or. En particulier ceux que génèrent les cultures de cacao, d’anacarde, d’hévéa, de palmier, de coton, de café ou encore de mangues et de bananes. Et il y a de quoi faire : en Côte d’Ivoire, ces plantations, prédominantes dans l’agriculture locale, produisent 15 à 17 millions de tonnes de déchets organiques selon les autorités, voire près de 20 millions selon des experts du secteur, tel Noël N’Guessan.

Ce jeune ingénieur chimiste de 32 ans estime qu’entre un quart et la moitié de ces résidus pourraient être transformés en bio-engrais. Une véritable manne, « disponible à bas coût et ignorée jusqu’à présent », aime-t-il à répéter. Pour exploiter cette biomasse, il a créé avec sa femme, en 2016, l’entreprise d’innovation agricole Lono. Son produit phare ? Le Kubeko, un équipement de compostage qui produit des biofertilisants en trente jours au lieu de six à douze mois.

Pour l’instant, de l’aveu même de son concepteur, la machine est « trop chère » – entre 500 000 francs CFA et 600 000 francs CFA (entre 750 et 915 euros) − pour le planteur lambda et n’est vendue qu’à des coopératives sur financement des agences de développement occidentales ou à des programmes de certification. Mais la « technique de traitement des déchets est la bonne et participe à un cercle vertueux », veut-il croire.

Améliorer la vie des agriculteurs

La pratique est encore balbutiante. Selon des responsables de coopératives des principales cultures de rente ivoiriennes, réunis fin septembre dans la ville côtière de Dabou pour évoquer le sujet, la plupart des planteurs se contentent aujourd’hui d’incinérer leurs déchets. Quand ils ne les abandonnent pas tout simplement sur la plantation, ce qui contribue à propager des maladies dans les cultures. Pourtant, la transformation de ces résidus pourrait contribuer à améliorer la vie des agriculteurs, une « communauté » qui représente près de la moitié de la population active en Côte d’Ivoire, et au sein de laquelle le taux de pauvreté avoisine les 60 %.

La recherche agronomique a déjà démontré que l’usage de biofertilisants permet d’augmenter les rendements. Une nécessité en Côte d’Ivoire où « les rendements agricoles sont faibles. Comparés à la moyenne mondiale, ils sont moitié moins importants », indique Noël N’Guessan. Ainsi, quand un cacaoculteur ivoirien produit 400 kg par hectare, son homologue brésilien, lui, en produit 800 à 900, sur la même surface. En rendement optimal, la production pourrait atteindre jusqu’à 2 000 kg. Et pour diversifier ses revenus, le planteur qui transformerait ses déchets pourrait vendre le surplus de compost.

En outre, ces déchets organiques transformés profitent aux sols, en améliorant leur structure et en les rendant plus résilients, particulièrement lors des longues périodes de sécheresse. D’ailleurs, « la gestion durable et la valorisation des déchets » sont l’un des trois axes que s’est fixés la Côte d’Ivoire pour « contribuer à la diminution des effets de serre au niveau global » dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat. Au contraire de l’engrais chimique qui appauvrit la terre, l’engrais organique « ne nécessite qu’une seule application, et ce, pour plusieurs années » ajoute Noël N’Guessan.

Aujourd’hui, environ 15 % des producteurs ivoiriens utiliseraient de l’engrais, essentiellement chimique, selon ses estimations. Les autres, soit plusieurs millions de personnes, représentent autant de clients potentiels pour la jeune filière de fabrication d’engrais organiques. Mais jusqu’ici, à peine trois entreprises se partagent le marché. A côté d’elles, quelques gros acteurs du secteur agro-industriel disposent de leur propre unité de compostage à des fins internes. Une « anomalie » pour le jeune ingénieur chimiste de Lono qui s’impatiente de voir cette ressource exploitée à sa juste mesure en Côte d’Ivoire. Même si, concède-t-il, l’herbe n’est pas forcément plus verte ailleurs dans la sous-région, où aucun pays ne se démarque clairement.

Première usine à engrais organique

Les procédés et le savoir-faire de la production d’un compostage organique et performant ne se sont pas encore massivement diffusés au sein des communautés de planteurs. Mais cela est en train de changer veut croire Noël N’Guessan qui a fait le constat, sur le terrain, « de l’adoption croissante des techniques de transformation des déchets, notamment pour des raisons de certification bio ».

Lui veut aller vite. D’ici à fin 2022, Lono ouvrira sa première usine de fabrication d’engrais organique à Yamoussoukro, la capitale ivoirienne. D’une capacité de production de 5 000 tonnes d’engrais solide et 5 000 tonnes d’engrais liquide, elle fabriquera également sa propre énergie à partir de la biomasse. Prévoit-il d’en revendre un jour à l’Etat ? « Pas dans l’immédiat », confie Noël N’Guessan, qui garde néanmoins un œil sur le segment de production d’énergie renouvelable, lui aussi largement inexploité, mais très prometteur.

D’ici à 2024, la première centrale électrique à biomasse du pays devrait voir le jour à Aboisso, à 100 km à l’ouest d’Abidjan. Celle-ci sera raccordée au réseau électrique national, alimentera 1,7 million de personnes et consommera près de 450 000 tonnes de déchets de palmiers chaque année. Les initiatives de biomasse prises dans la première puissance agro-industrielle d’Afrique de l’Ouest sont encore « timides », mais « certains projets se concrétisent, d’autres sont lancés et, surtout, les planteurs réalisent de plus en plus que les déchets sont une richesse ». (lemonde.fr)

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