Confronté depuis 2015 à des attaques jihadistes devenues presque quotidiennes, le Burkina Faso est devenu en quelques années l’épicentre de la crise sécuritaire au Sahel.
Devant cette spirale de violences qui ne cesse de s’aggraver, le pays est plongé dans une crise multiforme: sécuritaire, humanitaire, économique et politique.
– Inexorable expansion jihadiste –
Longtemps, le Burkina a été épargné par les groupes armés actifs au Sahel. L’ancien président Blaise Compaoré avait été soupçonné d’avoir conclu avec eux un pacte de non-agression pour préserver son pays des attaques.
Mais depuis sa chute, le pays a sombré dans une spirale de violences jihadistes menées par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (affilié à Al-Qaïda) et le groupe Etat islamique au Grand Sahara.
Pas une semaine ne s’écoule sans que des civils ou des militaires ne soient tués, parfois par dizaines, dans le nord et l’est du pays, près du Mali et du Niger.
« Quand on observe la cartographie des attaques terroristes au Burkina, on se rend compte qu’elles sont concentrées dans les zones où il n’y avait pratiquement pas d’infrastructures scolaires et sanitaires, notamment dans le nord et l’est », décrypte l’analyste politique Drissa Traoré.
« Aujourd’hui l’usage de la violence par les groupes terroristes cible l’opinion publique avec comme message: l’Etat central vous a abandonné et ne peut pas vous protéger. Le message semble être passé: un volume important de nationaux ont été recrutés », abonde l’enseignant en relation internationales à l’université de Koudougou, Thomas Ouedraogo.
Le président Roch Marc Christian Kaboré, qui a succédé en 2015 à Blaise Compaoré et qui a été réélu en 2020, assure que la lutte « antiterroriste » est sa priorité.
Mais l’armée burkinabè, faible et mal équipée, n’arrive pas à faire face et doit même s’appuyer sur des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), des supplétifs civils formés en deux semaines qui paient un lourd tribut à la lutte antijihadiste.
– Crise humanitaire et conflits ethniques –
Les multiples attaques laissent derrière elles de nombreux villages fantômes aux maisons incendiées, écoles et magasins fermés.
Plus de 2.000 écoles sont fermées dans l’ensemble du pays du fait de l’insécurité, soit plus de 300.000 élèves privés d’enseignement.
Autre conséquence directe de l’expansion jihadiste au Burkina: le nombre de déplacés internes qui atteint 1,4 million aujourd’hui, soit plus de 7% de la population.
Enfin s’ajoutent des tensions intercommunautaires de plus en plus exacerbées, notamment entre les mossis et les peuls, ces derniers étant régulièrement amalgamés avec les jihadistes.
– Economie au ralenti –
Outre l’insécurité qui mine son économie, le Burkina Faso a souffert comme de nombreux pays en développement de la pandémie de Covid-19.
Avec 40% de la population sous le seuil de pauvreté selon la Banque mondiale, le Burkina Faso fait partie des pays les plus pauvres au monde. Il est classé 182e sur 189 par le Pnud pour son indice de développement humain et deux millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire, selon l’ONU.
Et si ce pays enclavé a été relativement épargné par la maladie – 290 morts officiellement depuis mars 2020 -, son économie reste très dépendante du commerce international.
Le ralentissement de l’activité au port d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, où arrivent de nombreuses marchandises destinées au Burkina, la hausse du coût du trafic maritime et la fermeture des frontières terrestres, seulement levée la semaine dernière, étranglent les populations les plus pauvres.
« On a assisté à une hausse (des prix) de certains produits due au manque d’approvisionnement. Nous avons une population qui ne peut plus cultiver dans les villages justement à cause de l’insécurité, et qui est privée des produits d’importation », note Drissa Traoré.
– Le ras-le-bol populaire –
Face à ce cocktail explosif, l’union nationale se fragilise de plus en plus au Burkina Faso.
L’opposition qui réclamait la démission du Premier ministre depuis plusieurs mois a eu gain de cause mercredi, mais elle menace depuis des semaines d’appeler à des manifestations pour exiger le départ du chef de l’Etat.
Des centaines de Burkinabè n’ont toutefois pas attendu cet appel pour descendre dans la rue dénoncer fin novembre « l’incapacité » du pouvoir à endiguer la violence jihadiste.
Confrontés au quotidien à la pauvreté et à la violence, de nombreux Burkinabè ont perdu confiance dans l’action de l’Etat qui n’arrive pas à redresser la barre.
« Il faut prendre en compte les aspirations de la population, susciter le sentiment d’appartenance à la nation. La stratégie ne doit pas être exclusivement militaire, l’action politique est déterminante », estime Thomas Ouedraogo.
La nomination d’un nouveau gouvernement de combat est attendue après le limogeage de la précédente équipe mercredi. (Afp)