À Paoua, dans le nord-ouest de la Centrafrique, les morsures de serpent sont une cause majeure de mortalité. L’insécurité des routes empêche les victimes de bénéficier de l’injection du précieux anti-venin.
L’œdème sur le tibia de la jeune Léonie, âgée de 7 ans, ne cesse d’enfler. Le matin même, elle a été victime du serpent aux teintes grisâtres qui sévit au nord-ouest de la Centrafrique : le mbakara. « C’est en train de s’infecter », s’inquiète Gilbert Djimara, médecin à l’hôpital de Paoua, tout en regardant le visage de la petite fille, épuisée par la douleur. « Nous devons attendre encore douze heures avant de lui faire une seconde injection. »
En dépit des circonstances, Léonie a de la chance. Les victimes présentant des signes d’envenimation doivent rejoindre un hôpital. Sinon, « les chances de survie n’atteignent pas 50 % », affirme le Dr Fabrice Clavaire Assana.
La Centrafrique est toujours frappée par la guerre civile qui a éclaté en 2013. Aujourd’hui, la région du nord-ouest est particulièrement touchée. Les engins explosifs enterrés sur les axes et les combats opposant les forces loyalistes aux rebelles compliquent les trajets.
« Un serpent extrêmement venimeux »
« Nous avons eu la chance de trouver un chauffeur de moto qui a bien voulu nous emmener jusqu’à Paoua », raconte la mère de Léonie, avec qui elle a traversé 80 km de pistes aussi poussiéreuses et cabossées que dangereuses. « Il nous a fallu trois heures pour atteindre l’hôpital. »
Chaque jour, pendant la saison sèche, les urgences de Paoua reçoivent une moyenne de dix patients. « La plupart des accidents concernent les garçons avant la vingtaine et ont lieu au champ ou lors du désherbage devant les habitations, poursuit le Dr Assana. Le mbakara, un serpent extrêmement venimeux mesurant entre 10 à 15 cm, se cache souvent près des habitations. »
C’est ce qui s’est passé pour Tobie. En plein sarclage, ce garçon âgé de 11 ans a senti les crochets du mbakara se planter dans sa main. Il est arrivé en état de choc aux urgences. Le médecin lui a aussitôt fait un prélèvement. « Il faut quinze à trente minutes pour obtenir les résultats. Si le sang coagule, c’est bon signe, mais dans la plupart des cas, les morsures causent des œdèmes importants », commente le Dr Djimara.
Pour se soigner, certaines personnes ont recours à des moyens traditionnels, comme la scarification et la décoction. « Certains mangent même de l’écorce. Ces méthodes ne fonctionnent pas […] et les gens finissent par mourir », explique le Dr Djimara.
« Les partenaires sont partis »
Géré par Médecins sans frontières (MSF) pendant plus d’une dizaine d’années, ce service traitait, jusqu’au mois dernier, environ 750 morsures de serpent par an. « Les partenaires sont partis et les financements avec », regrette le Dr Assana, en posant un regard inquiet sur le stock d’anti-venin. « Il reste 250 doses, de quoi tenir cinq à six mois. » MSF prenait aussi en charge le transport des patients ainsi que les soins.
Si Léonie n’était pas arrivée à temps à l’hôpital de Paoua, « en moins de quarante-huit heures, l’œdème serait monté jusqu’au genou avant de causer une hémorragie, déplore le Dr Assana. Cette petite fille de 7 ans aurait perdu la vie. » (OuestFrance)