Accueil ALERTE MALI. Pourquoi l’opération Barkhane n’a pas réussi à étouffer l’insécurité au SAHEL

MALI. Pourquoi l’opération Barkhane n’a pas réussi à étouffer l’insécurité au SAHEL

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Expulsion de l’ambassadeur, manifestations contre la présence française… Au Mali, un sentiment anti-français se répand à travers la population et son aide militaire dans le pays n’est plus du tout acclamée comme c’était le cas en 2013, quand François Hollande a lancé l’opération Serval, transformée en opération Barkhane l’année suivante, afin de lutter contre l’expansion de groupes djihadistes dans le pays. Plus les mois passent, plus le retrait complet des forces françaises au Mali semble inéluctable.

Face à une junte hostile qui vient d’expulser son ambassadeur et a exigé le départ d’un contingent danois fraîchement déployé au Mali, Paris s’est donné deux semaines pour décider avec ses partenaires européens de l’avenir de leur présence militaire dans ce pays.

La menace sécuritaire s’est multipliée

Car après neuf années d’engagement sur le terrain, force est de constater que l’objectif de lutter et éliminer les différents groupes terroristes de la région n’est pas tenu. L’idée de départ était de pouvoir contenir les groupes rebelles et djihadistes le temps que l’armée malienne puisse prendre le relais. Mais la menace djihadiste au Sahel n’a pas diminué, au contraire, elle s’est multipliée avec aujourd’hui la présence de groupes djihadistes affiliés à Al-Qaida (JNIM ou GSIM, groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) ainsi que les branches de l’Etat islamique en Afrique : l’Etat islamique au grand Sahara (EIGS) et Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap).

Depuis le début du lancement de l’opération française, des divergences existent entre Paris et Bamako. « La France avait comme priorité la lutte antidjihadiste alors que le pouvoir central malien souhaitait avant tout mettre fin au vieux conflit avec les rebelles touareg, explique à France 24 Thierry Vircoulon, chercheur associé au Centre Afrique subsaharienne de l’Institut français des relations internationales (IFRI). Depuis, ces divergences stratégiques n’ont cessé de croître. Le paysage conflictuel s’est déplacé du nord au centre et est devenu beaucoup plus complexe. Au problème touareg et à la menace djihadiste se sont ajoutées des guerres de territoires mais aussi liées au trafic. La France ne combat que sur un front, le djihadisme, et à ce titre a forcément un impact limité sur le contexte sécuritaire global. »

De plus, avec l’arrivée au pouvoir de la junte militaire en 2021, les relations se sont étiolées entre Paris et Bamako. « Le pouvoir a ouvert la voie aux négociations avec les groupes rebelles, dont le JNIM, expliquait à L’Express Elie Tenenbaum, cet été. Donc la France ne peut plus lutter contre le djihadisme de manière aussi ouverte ».

Un manque de moyens mis en place

Par ailleurs, la France n’a pas réussi à mettre en place les moyens suffisants pour contenir la menace. « Nous n’avons pas mis les moyens initialement pour exercer cette fameuse pression. Par ailleurs, imaginer que l’armée malienne allait se restructurer et devenir une force puissante capable de reprendre le combat à son compte était complètement illusoire », tranche alors Michel Goya, ancien colonel de l’armée de terre et historien, interrogé par France 24.

Car si l’opération Barkhane a pu être efficace sur le plan tactique, et « capable d’affaiblir, éliminer, et réduire la présence djihadiste », notait Elie Tenenbaum, l’action militaire n’est pas suffisante. Le « gros point noir » est de n’avoir pas réussi « à traduire les succès militaires en effets stratégiques et politiques sur le terrain, à combler le vide » né de l’élimination des forces ennemies, et à réfléchir à l’inclusion des populations minoritaires comme les Touaregs, les Peuls, les Arabo-berbères. En ce qui concerne les armées locales, « on n’a pas su régler les problèmes de gestion des ressources humaines, de corruption, de détournement d’équipement… », ajoute-t-il.

Du côté de l’Elysée, cette responsabilité était plutôt malienne. « Il faut que l’État revienne avec sa justice, son éducation, sa police, partout, et en particulier au Mali et au Burkina, il faut que les projets se développent, sinon dès qu’on libère un territoire, les terroristes le reprennent puisqu’il n’y a pas de perspective. L’armée française n’a pas à se substituer au non-travail de l’État malien », estimait Emmanuel Macron le 5 octobre dernier.

La lutte au Sahel n’est pas terminée

Le retrait français du Mali semble alors s’imposer comme unique solution. D’autant que les coûts humain et économique de ce conflit sont importants : 53 soldats français ont perdu la vie sur place, et l’opération a un coût de presque un milliard d’euros chaque année, affirme à France 24 Michel Goya.

Mais la France ne va toutefois pas quitter la région. En partenariat avec le G5 Saleh (Tchad, Mali, Burkina Faso, Niger et Mauritanie), elle continue à se battre alors que les violences se sont propagées au Burkina Faso et au Niger voisins, ainsi que dans le nord de la Côte d’Ivoire, du Bénin et du Ghana.

Un impératif d’autant plus criant que le départ des troupes européennes risque de laisser au Mali un vide sécuritaire favorable aux groupes affiliés à al-Qaïda et Etat islamique (EI), ainsi qu’aux mercenaires russes de Wagner qui, selon les Occidentaux et malgré les dénégations de Bamako, se déploient dans le pays depuis quelques semaines. « Le combat contre le terrorisme se poursuivra au Sahel, avec l’accord des autres pays de la région et en soutien des pays du golfe de Guinée », a assuré mardi le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian.

Depuis plus de six mois, Paris a ainsi entamé une réarticulation de son dispositif militaire au Mali, en quittant ses trois bases les plus au nord. Ses effectifs, de plus de 5000 militaires au Sahel l’été dernier, ont commencé à décroître avec l’objectif affiché de n’en garder que 2500 à 3000 d’ici 2023.

Cette transformation va désormais s’accélérer. Objectif : continuer à soutenir les armées locales dans la lutte antidjihadiste mais avec une empreinte plus discrète, à l’heure où le sentiment antifrançais tend à croître dans la sous-région. (l’express)

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