Il y a plus de deux millions de déplacés internes au Nigeria qui ont en majorité fui les exactions de Boko Haram. Les autorités leur demandent de retourner vivre avec peu ou pas de moyens dans leurs villages d’origine.
Bakassi à Maiduguri n’existe plus. Cet immense camp de réfugiés aux tentes grises identiques, alignées au cordeau, a accueilli jusqu’à 33 000 déplacés de l’Etat du Borno. En une dizaine de jours, il a été vidé de ses occupants.
Retourner vivre dans leurs villages
Selon le HCR, il y a plus de deux millions de déplacés internes au Nigeria, mais aussi 300 000 réfugiés dans les pays voisins, qui ont fui l’est du pays, les régions du Borno, d’Adamawa et de Yobe. Beaucoup vivent dans des camps de réfugiés situés notamment dans la ville de Maiduguri, devenue une place forte contre Boko Haram au Borno.
Or, le gouvernement de l’Etat a déjà fermé deux camps de réfugiés, dont celui de Bakassi, abandonnant à leur sort près de 63 000 personnes, affirme le HCR. Les autorités entendent fermer tous les camps de déplacés que compte le pays d’ici à 2026, afin d’en finir, selon l’AFP, « à la dépendance à l’aide humanitaire ».
Les déplacés sont invités à retourner vivre dans leurs anciens villages, ou au plus près, quand ceux-ci ont été incendiés et rasés par Boko Haram. Ils peuvent aussi s’installer dans des zones considérées comme sûres par les autorités. Le postulat est simple : il y a des terres à travailler, et donc de quoi vivre.
Sauf que la situation sécuritaire n’est pas aussi rose que le prétend Abuja. Et les ONG refusent de se déployer dans la plupart de ces zones. Le HCR fait état de plusieurs attaques soit de Boko Haram soit de l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) sur des petites villes, et des civils en font les frais.
Mais l’insécurité ne se limite pas à l’Etat du Borno. Ainsi, douze habitants de Daraga, dans l’Etat de Zamfara, au nord-ouest du pays, ont été tués lors d’une attaque de « bandits » vendredi 4 février. Ces terroristes sont même revenus quatre jours plus tard, empêchant la population de récupérer et d’enterrer les corps.
Dans ce contexte, les populations sont très partagées quant à un éventuel retour sur leurs terres d’origines. L’aide offerte par les autorités – jusqu’à 100 000 nairas (210 euros) – est insuffisante pour une réinstallation quand on a tout perdu : sa maison, son matériel agricole. « Une aide censée leur permettre de tenir trois mois, le temps de reprendre la culture de leurs terres ou de trouver un autre lieu de vie », précise Le Monde. En fait, le prix d’une chambre peut atteindre 70 euros la nuit et certains réfugiés affirment avoir dépensé tout leur pécule rien que pour loger la famille.
Repartir de zéro
De plus, les ONG ont l’interdiction formelle de fournir la moindre aide humanitaire aux habitants de retour. Car il n’y a pas d’obligation à retourner vivre dans son village assurent les autorités. Mais du coup, avec la fermeture des camps, ces populations se retrouvent en ville, sans abris, à vivre de petits boulots et d’expédients, dans un complet état de dénuement. Certains ont tout de même vécu près de sept ans dans un de ces camps désormais fermés.
Les ONG s’opposent à ces réinstallations. « Il est inadmissible de déraciner des personnes qui ont déjà tout perdu dans le conflit sans alternatives dignes et durables », estime Anietie Ewang pour Human Rights Watch. Désormais, l’avenir est plus qu’incertain pour ces personnes sans ressources et livrées à elles-mêmes dans des zones peu sûres. (franceinfo)