Accueil FAITS DIVERS RÉCIT. Quand la Coupe de France se jouait en Algérie

RÉCIT. Quand la Coupe de France se jouait en Algérie

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Pendant sept ans, de 1954 à 1960, la Coupe de France a vu des matches se dérouler dans les départements français d’Algérie.

Parmi les traits d’union entre la France et l’Algérie, le football tient une bonne place. La même passion dévorante relie les hommes de chaque côté de la Méditerranée. Dans l’Algérie française du 20e siècle, on joue aussi bien au foot qu’en métropole et des joueurs qui y sont nés ont été régulièrement sélectionnés en équipe de France. Les premiers en 1908, Desrousseaux et Dastarac qui venaient de Constantine, étaient des « pieds noirs », mais de nombreux joueurs arabes sont venus ensuite, comme Benoua (international en 1936), Ben Bouali (1937), Ibrir (1948), Firoud (1951), Ben Tiffour (1952), Mihoubi (1953), Zitouni (1955), Mekhloufi (1956), Brahimi (1957), Rahis (1959), Mahi (1961), tous professionnels dans les plus grands clubs nationaux…

Mais la Coupe de France, première compétition nationale française lancée en 1917, ne s’ouvre qu’à partir de 1954 aux clubs des trois départements français d’Algérie (Alger, Oran, Constantine). Ces clubs peuvent alors après les tours préliminaires en Algérie, affronter des clubs de la métropole à partir des 64es de finale.

1957, l’exploit d’El Biar

Les clubs algériens peinent cependant à accéder à ce niveau. Mais le 2 février 1957, le Sporting club union d’El Biar, un quartier résidentiel de la banlieue algéroise, accède aux 16es de finale, après avoir éliminé deux clubs de D2, à Alger : Montpellier en 64es de finale (2-0), puis Aix-en-Provence en 32es de finale : 1-1, match à rejouer, et 1-0. El Biar, qui évolue en Algérie à un niveau équivalent à la Division d’honneur, monte alors à Toulouse pour y affronter le Stade de Reims, 2e du championnat de D1 derrière Saint-Etienne et au fait de sa gloire avec la première finale de Coupe d’Europe disputée quelques mois auparavant contre le Real Madrid au Parc des princes (3-4).

Face aux glorieux internationaux que sont Robert Jonquet, Jean Vincent, Armand Penverne, Michel Hidalgo, Léon Glovacki, René Bliard, on ne donne pas cher des chances des amateurs algériens qui ont à leur tête un entraîneur-joueur, Guy Buffard… qui ouvre le score à la 4e minute ! Puis Guy Almodovar porte la marque à 2-0 (20e) ! Et c’est le score final car le gardien d’El Biar, Paul Benoit, arrête ensuite toutes les tentatives rémoises. El Biar vient d’éliminer « le grand Reims ».

L’exploit est là, son retentissement est énorme en France comme en Algérie où les joueurs d’El Biar sont accueillis triomphalement à leur retour. Le maire de la ville ainsi que des milliers de personnes sont venues les attendre à l’aéroport. Benoît, monteur en radio, Chakhor, agent de police, Taberner, électricien, Florit, représentant en produits de beauté, Issaad et Almodovar, miliaires, tous sont des héros… Et qu’importe si en 8e de finale, ils sont moins heureux face à Lille qui s’impose 4-0, à Nice. Ces matches se jouent alors que se déroule la « bataille d’Alger » où les parachutistes français font la chasse aux membres du FLN et que de nombreux attentats secouent la ville. Une explosion a lieu près du stade d’El Biar, dix jours après le match contre Reims, une bombe qui fait une dizaine de morts et une vingtaine de blessés…

Rennes abonné à l’Algérie

L’année suivante, c’est un autre club d’Alger, le Gallia sport, qui inquiète une équipe de la métropole en 32es de finale : le Stade Rennais, alors en D2. Au stade municipal d’Alger, une foule se presse dans l’attente d’un nouvel exploit algérois face à des Bretons qui ont éliminé le CA Paris (autre pensionnaire de D2) en 64es de finale. Le 12 janvier 1958, le match débute à 12 h 30, horaire inhabituel pour les Rennais, et Albert Bagur ouvre le score pour le Gallia dans une ambiance de folie.

Heureusement pour Rennes, Nicolas Imbernon égalise en seconde mi-temps, sur coup franc (1-1, 63e) et arrache ainsi une prolongation qui ne change rien. On rejoue donc au même endroit trois jours plus tard. Cette fois Rennes fini par s’imposer, 1-0. Un but de Guy Meano de la tête sur un centre de Stanislas Dombeck (77e) sort Rennes d’affaire bien que tremblant jusqu’au bout avec des occasions de Roca Mora et Ferrari.

Les Rennais n’étaient pas à leur première venue en Algérie. En effet, le 3 janvier 1955, en 64e de finale, ils étaient venus à Oran battre l’Idéal de Mostaganem 3-0 (buts de Léon Rossi, Pär Bengtsson, et José Caeiro). Et le 15 décembre 1957, toujours en 64e de finale, ils avaient fait valser le Racing universitaire d’Alger 8-0 (Valoryzek 1re, Mahi 26e, 58e, 74e, Maiseau 60e, Imbernon 81e, 82e, Dombeck 84e). Rennes, décidément abonné à l’Algérie, y retourne une quatrième fois, le 11 janvier 1959, pour un 32e de finale face à Sidi Bel Abbes, à Oran.

Les Rennais, bien que de nouveau pensionnaires de Première division, sont à la peine et ne s’en sortent qu’au cours de la prolongation, sur un but de Khennane Mahi servi par Dombeck à la 106e minute, battant enfin l’excellent gardien Stéphane Dakowski (ancien joueur de Sète, Nîmes et Nantes, deux fois international en 1951) qui avait détourné peu avant un penalty de Théo en corner. Un match particulier pour deux Rennais, Mahi et André Ascensio, qui ont tout deux débuté leur carrière à Oran avant de passer professionnel à Rennes.

Le Stade Rennais revient ensuite une cinquième fois en Algérie pour jouer la Coupe de France. Pas pour affronter à nouveau une équipe locale, mais pour jouer… une demi-finale.

Rennes – Sochaux à Oran !

En effet, alors que les rencontres de Coupe se jouent sur un match, sur terrain neutre et sont à rejouer en cas de match nul après prolongation, la Fédération française délocalise à partir de 1954 chaque année un « grand match » en Algérie. Il y a eu ainsi Sedan-Red Star (16es de finale) à Oran en 1954, Besançon – Metz (32es) à Alger en 1955, Nice – Le Havre (8es) à Oran en 1956, Sète – Marseille (32es) et Reims – Limoges (16es) à Oran en 1958, Racing Paris – Forbach (16es) et donc un Sochaux-Rennes (demi-finale) en 1959 à Oran, avant Sète – Limoges (8es) à Oran en 1960.

Le Stade Rennais après avoir éliminé Sidi Bel Abbes en 32es de finale, puis Saint-Brieuc à Brest en 16es (2-0), Troyes au Mans en 8es (2-0) et Lyon en quart de finale au Parc des princes (3-2), affronte le FC Sochaux pour une place en finale, le 12 avril 1959 à Oran. Au stade Henri-Fouques-Duparc (c’est le plus grand d’Algérie alors), parmi le public oranais venu voir avec curiosité ce match de haut niveau (17 133 spectateurs), Rennes trouve des supporters car sont proches les bases militaires de la marine, Mers-El Kebir, et de l’aviation, La Sénia, où servent de nombreux Bretons. Les Rennais s’inclinent néanmoins, 2-1 (Brodd 17e, Julien Stopyra 21e / Meano 70e), sur un terrain sans herbe, et laissent la place en finale aux Sochaliens qui seront battus par Le Havre (2-2, 3-0).

La tension grandissante ne permettra pas de faire d’autres matches après 1960. Mis à part, El Biar en 1957, les clubs algériens n’ont jamais pu dépasser les 32es de finale entre 1954 et 1962, date des Accords d’Évian, première étape vers l’indépendance de l’Algérie, qui mettra fin à leur participation à la Coupe de France. Outre Sidi Bel Abbes éliminé en 32e par Rennes, il y a eu Olympique Hussein Déen stoppé à ce niveau par Besançon, à Alger (1-2) et l’AGS Mascaréenne éliminé par Cannes, à Oran (0-1), en 1960. (Ouest France)

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