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À 12 ans, je suis tombé amoureux de la bagarre

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Dans Training Camp – MMA, dans les secrets du combat des titans, publié le 10 mars 2022 aux éditions Amphora, Fernand Lopez dévoile pour la première fois son histoire, qui commence par des combats de rue au Cameroun. Dans ce livre coécrit avec Geoffrey Le Guilcher, celui qui est devenu coach international de MMA –il a notamment formé l’actuel numéro 1 mondial, Francis Ngannou– dévoile aussi ses méthodes. Et propose une immersion dans la préparation physique et mentale du champion français et numéro 2 mondiale Ciryl Gane, alias «Bon Gamin», qu’il a également formé.

Nous en publions ici un chapitre du livre, intitulé «L’amour de la bagarre».

Le justicier de rue

Pourquoi suis-je coach de MMA aujourd’hui? J’ai honte de ce que je vais vous raconter mais, à un moment de ma vie, je suis tombé amoureux de la bagarre. Terriblement et passionnément amoureux.

Je suis né le 12 novembre 1978 au Cameroun, dans une petite ville du nom de Tala. Mon papa était professeur d’université et ma maman institutrice au lycée. Il y avait donc beaucoup de pédagogie dans ma famille. Et beaucoup d’amour aussi. J’ai grandi dans une famille de huit enfants, une famille de classe moyenne où je n’ai manqué de rien, avec une bonne éducation.

Dans une première phase de ma vie, je suis timide, renfermé sur moi-même. À l’école primaire de Yaoundé, capitale du Cameroun, je suis traumatisé par le racket et par la violence. À l’époque, j’avais un ami du nom d’Abdoulaye, le fils d’un ministre. Vers 10-11 ans, il commence le karaté. Mon papa ne veut pas que je m’y mette, alors je vais simplement l’accompagner au Temple Noir. Je suis très impressionné. Le karaté, c’est quelque chose de monstrueux, et ça me tape déjà dans l’œil.

En classe de cinquième, vers mes 12 ans, je me fais brutaliser au lycée. Henri, un mec ceinture marron de judo, m’humilie. Il est plus âgé que moi et il veut se battre. Moi, je suis timide, je ne veux pas me bagarrer. Ce type me pousse dans tous les sens, je me défends et perds la bataille. À la suite de cet épisode traumatisant, sans le dire à mes parents, je m’inscris au judo.Adolescent, je suis habité par des sentiments de justice et d’injustice.

Toujours dans l’optique d’apprendre à me défendre, je m’inscris aussi à la lutte à l’INJS (l’Institut national de la jeunesse et des sports), un peu l’équivalent de l’INSEP français au Cameroun. Enfin, à la même période, je me mets au rugby.

À 13 et 14 ans, je suis à l’âge d’or de la force. Niveau gabarit, je passe du simple au double, tout le monde est impressionné par ma croissance. Comme Francis, je suis de nature endomorphe, mon corps gonfle énormément et brutalement. Dès cet âge-là, je me retrouve avec mon gabarit actuel, je vais alors me sentir ultra-puissant. Et me retrouver dans un engrenage de violence.

Adolescent, je suis habité par des sentiments de justice et d’injustice. Au début, de mon point de vue, je me bats pour faire le justicier. Quand je vois deux jeunes qui ont un souci, j’aide le plus fragile en m’imposant physiquement, comme si j’étais une force régalienne, un gendarme. Mon papa me sermonnait: «Tu n’es pas le gendarme du monde. À chaque fois, tu justifies tes bagarres, mais arrête ça maintenant!»

Mon père était directeur d’une école supérieure, c’était quelqu’un de bien connu dans le milieu de l’éducation nationale au Cameroun. Et voilà qu’il commence à être convoqué quand je me retrouve mêlé à des rixes. Et ça se produit de plus en plus souvent. Mon père se retrouve confronté à un problème qui ne lui ressemble pas. Il prend toujours ma défense: «Mais mon fils est très posé, c’est quelqu’un de très calme.»

En réalité, je menais une double vie. J’avais une gentille petite copine, une famille super, une bonne éducation. Mes oncles et mes tantes disaient toujours: «Quel enfant correct!» Et dès que j’étais dehors, un nombre croissant de personnes voulaient me régler mon compte. Il y avait même parfois des adultes qui venaient m’attendre à la sortie de l’école

Mais j’étais vraiment fort, j’avais de la stratégie dans mes bagarres. C’est-à-dire que non seulement j’avais un physique d’athlète, un entraînement de sportif de haut niveau mais, en plus, je planifiais dans tous les sens ce que je considérais alors comme des «victoires».Je deviens donc vraiment quelqu’un de violent, avec une stratégie de violence. Je donne maintenant rendez-vous à des gars dans des stades et de plus en plus de monde se déplace pour assister à ces bagarres.

Par exemple, au cinéma à Yaoundé, il y avait des gens spécialisés dans le préachat des places. Des grands qui réservent les rangs de devant et qui revendent cet emplacement aux plus petits. Évidemment, c’est immoral, mais ça fonctionnait comme ça. Eh bien moi, j’arrivais le premier dans la salle, je me tassais dans un siège de devant pour avoir l’air d’être le plus petit possible. Immanquablement, un grand arrivait et me disait: «Petit, bouge de là!» Alors, je sortais et je lui réglais son compte. Par-dessus tout, j’adorais créer la surprise.

Sauf que c’est là où ça devenait tordu, vicieux même. En fait, je provoquais l’injustice. J’étais parti pour être justicier et j’étais devenu quelqu’un de violent. Aujourd’hui, j’en ai honte. Mais à l’époque, je me rappelle rentrer chez moi, me doucher et kiffer sous la douche la sensation des écorchures sur ma peau. L’ivresse d’arriver le lendemain au lycée et d’entendre mes amis me dire: «Quoi?! Tu as défié ce monstre?»

Je n’ai jamais fumé, je n’ai jamais goûté une goutte d’alcool, je n’ai jamais ressenti cette envie. Mais quand j’allais me battre, me venait une forme d’ivresse. J’aimais ce truc de défier des personnes «indéfiables». Je n’ai jamais perdu un combat de rue.

Je deviens donc vraiment quelqu’un de violent, avec une stratégie de violence. Je donne maintenant rendez-vous à des gars dans des stades et de plus en plus de monde se déplace pour assister à ces bagarres. En face de moi, il y a des mecs de plus en plus balèzes. Je croise ainsi un type, Charly, qui pèse 125 kilos. Ce Charly, je le soulève et le mets sur le dos, hop c’est fini.

En combat, je suis un spécialiste du «double leg» (c’est une amenée au sol: tu attaques les deux jambes en les attrapant, puis tu soulèves et mets violemment la personne à terre; c’est une sorte de plaquage de rugby, on appelle ça aussi «un arraché»). Je peux faire du ground and pound, même si à l’époque je ne connaissais pas ce mot.

Il y avait aussi un mec qui s’appelait Paul Bongo. Paul avait une dizaine d’années de plus que moi, il faisait de la boxe à un très bon niveau. Un jour, il arrive pour brimer un de mes amis et lui demander de s’excuser. L’humilier, quoi. Je sens instantanément ce que mes amis doivent se dire: «Laisse tomber Fernand, avec lui c’est échec et mat.» Moi, j’ai mon cœur qui bat à 100.000 à l’heure, l’excitation qui monte. J’interviens et dis calmement: «Non, il ne va pas s’excuser.» Paul Bongo me regarde et me lance: «T’as dit quoi?»

Les deux petits pas que je fais vers lui, je me dis que c’est le plus beau jour de ma vie. Et j’ajoute: «Il ne va pas s’excuser, et toi tu vas faire quoi?» Je sens que Paul Bongo se dit: «Putain, le petit est devenu balèze.» À 15 ans, j’avais des trapèzes énormes et un dos monstrueux. Alors, Paul Bongo se met à esquiver, prétendre qu’on règlera ça la prochaine fois. Toujours sur un ton calme, j’insiste: «Pourquoi tu veux faire ça la prochaine fois? Réglons ça maintenant.» Mais Paul se dérobe. Par la suite, on deviendra amis.Un mec arrive en courant et nous crie: «Les gars, prenez vite un taxi, une foule vient vers vous, Jo a réuni tout son gang, ils arrivent avec des couteaux et des machettes.»

Mes amis me surnommaient alors «Jean-sans-peur». Je passais mon temps à m’entraîner, j’enchaînais les séances de rugby, de natation, de lutte, j’allais faire de la boxe. Tout ce qui était possible, je le faisais au maximum. Les études ne m’intéressaient pas. J’étais un élève assez moyen sans trop bosser. J’apportais des bulletins de notes qui me semblaient bons mais mon papa me traitait de «cancre». Je ne savais même pas ce que ça voulait dire. (Slate.fr)

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