Jour férié au Cameroun ce vendredi 20 mai pour la Fête de l’Unité nationale. À Yaoundé, un défilé militaire et civile va marquer les 50 ans du référendum de 1972, qui mit fin à la forme fédérale de l’État – un Cameroun oriental, un Cameroun occidental – pour donner naissance à la République unie du Cameroun. Dans la capitale, les habitants se disent attachés à cette unité nationale et regrettent les tensions que connaît le pays.
Devant la boutique d’un voisin, Eddie boit la bière de fin de journée avec des amis. Les nouvelles du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun le désolent : « Je ne suis pas content de voir nos frères mourir chaque jour. Vraiment, il faut qu’on s’arrange à mettre fin à cette guerre. Mettre autour de la table beaucoup de Camerounais pour sortir de cette crise. »
À côté de lui, Senghor s’est lancé dans la vente de groupes électrogènes face aux coupures de courant. Lui aussi se dit très attaché à l’idée d’unité nationale. Il vit à Yaoundé sans problème avec ses voisins venus de tout le pays et déplore les discours haineux qui circulent sur les réseaux sociaux : « J’aimerais que, quand je vais à l’extrême Nord, je me sente là-bas chez moi. Parce que, moi je suis Bamiléké. Que je revienne ici, au Centre, au Sud, je suis partout chez moi. J’y tiens, ce n’est pas du 100 % mais j’y tiens. Je veux que ce soit vraiment l’unité nationale. »
« On est ensemble »
Une génération en dessous, Rose, Sandy, Aïcha et Myriam étudient ensemble la physique à l’Université. Pour elles, les divisions ne devraient même plus exister. « Notre souhait, c’est que les conflits, les guerres cessent, qu’on soit vraiment en symbiose », explique l’une d’elle. Une autre ajoute : « Ça nous inquiète, je vois que des ethnies se querellent, c’est mauvais. Il faut vraiment essayer de revoir cela, parce que le Cameroun ne fait qu’un. »
Les quatre jeunes femmes se félicitent d’être « la preuve vivante de l’unité nationale ». Dans leur petit groupe, l’une est musulmane, l’autre Eton, une autre Bamileke… « Et on est ensemble », clament-elles. Aïcha défilera vendredi sur le boulevard du 20-Mai. Les autres regarderont le défilé à la télévision.
Sur le programme officiel, il est indiqué que Paul Biya se présentera pour le défilé sur le boulevard à midi. Son arrivée sera très observée après le retour au pays du président jeudi 19 mai : âgé de 89 ans, le chef de l’État vient de passer « un bref séjour privé » en Europe, selon les termes du cabinet civil de la présidence.
Une journée pour l’unité malgré les crises
Devant la tribune officielle, doivent défiler militaires et civils pendant une heure et demie. Le format de la cérémonie est réduit, officiellement, pour raisons sanitaires. Ailleurs dans le pays, d’autres célébrations sont prévues. Mais dans les deux régions de l’ancien Cameroun occidental, les actuels Nord-Ouest et Sud-Ouest, des groupes armés imposent dans certaines zones un confinement aux habitants.
Du côté des partis d’opposition représentés à l’Assemblée nationale, Josuah Osih, du Social democratic front (SDF), « regrette qu’en dehors du 20 mai, l’unité nationale soit le reste de l’année un concept vide pour le gouvernement ». Cabral Libii, du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN), parle lui d’« une unité nationale en crise » et d’« un climat politique délétère ».
Du côté du parti majoritaire, il y a trois jours, le secrétaire général du comité central du Rassemblement démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), Jean Nkuete, a appelé les militants à faire vendredi « un défilé de réponse, de persuasion et de dissuasion ». De source gouvernementale, la crise en cours est « certes une épreuve, mais aussi l’opportunité d’une réinvention de l’État unitaire, hier centralisé, aujourd’hui décentralisé, avec l’apparition des régions sur la scène institutionnelle et la reconnaissance du statut spécial des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ». (rfi.fr)