Face à l’inquiétante dépréciation du cédi, la monnaie nationale, les autorités ghanéennes avancent l’hypothèse de payer en or jaune… l’or noir.
Nana Akufo-Addo ne semble plus savoir à quel saint économique se vouer. Comme d’autres, son pays est empêtré dans une spirale inflationniste – l’inflation annuelle au Ghana est de 40 %, selon Bloomberg. De façon plus spécifique, son régime est sans cesse ramené à sa promesse trahie de remettre à flot les finances publiques sans aide internationale. De manière encore plus isolée, le Ghana surendetté est confronté à une irrépressible dégradation du cours de sa monnaie nationale sur le marché monétaire, toute chose qui perturbe notamment les échanges internationaux. En 2022, le cédi a ainsi perdu 58 % de sa valeur face au dollar…
Que faire quand une monnaie s’effondre au point d’inciter certains des citoyens à s’en détourner –une communauté de la région de l’Upper West a déjà adopté le franc CFA ? La dévaluer, au risque de provoquer un électrochoc social ? En changer, illusion chronophage en pleine crise ? Faire tourner la planche à billets, ce qui aurait un effet délétère en période d’inflation ? Adopter une monnaie étrangère –comme le fit le Zimbabwe – ou une cryptomonnaie – comme tenta de le faire la République centrafricaine ? Zapper la formule monétaire actuelle pour revenir à l’étalon-or d’une époque que l’on croyait révolue ? Le Ghana opte pour un chemin de crête entre le troc et ce que les économistes appellent une « économie métal »…
Geler la dépréciation
Mahamudu Bawumia, le vice-président ghanéen, vient d’annoncer que son pays envisage de payer en lingots d’or ses achats de carburants, dans le but de geler la dépréciation du cédi, tout en préservant les réserves de change du pays. Évaluées à 6,6 milliards de dollars aujourd’hui, contre 9,7 milliards l’année dernière, ces dernières ne cessent de diminuer. Or, c’est justement l’évolution du secteur des hydrocarbures qui explique ce phénomène, en particulier la fermeture de la raffinerie de Tema, en 2017. Producteur de pétrole brut depuis plus de dix ans, le Ghana importe pourtant la totalité des produits pétroliers raffinés dont il a besoin.
Si la date du premier trimestre 2023 est annoncée, Mahamudu Bawumia n’a pas détaillé les modalités de mise en place du règlement des achats de carburants en lingots d’or. Mais les sociétés minières opérant au Ghana auraient déjà reçu l’ordre de vendre 20 % de leur stock d’or à la Banque centrale, à partir du 1er janvier prochain. Seront-elles payées en cédi ?
La monnaie ghanéenne est actuellement classée parmi les devises les moins performantes au monde, en compagnie de la roupie sri-lankaise. Et les Ghanéens sont récemment sortis dans les rues pour protester contre la vie chère et la flambée – justement – des prix du carburant. La crise économique prend de plus en plus l’allure d’une crise politique… (Jeune Afrique)