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La justice dissout la Ligue algérienne des droits de l’homme… à son insu

L’ONG, qui n’avait pas été informée de la procédure lancée contre elle, a appris sa dissolution sur les réseaux sociaux. Les juges justifient leur décision par certaines de ses prises de position, mais aussi par la coexistence de plusieurs associations revendiquant le même nom.

C’est un incroyable processus de dissolution que vient de subir la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADDH), qui a appris la cessation de son activité légale via les réseaux sociaux. Après vérification, cette ONG a confirmé le dimanche 22 janvier l’authenticité de l’arrêt du tribunal administratif d’Alger rendu, à son insu, le 29 septembre 2022. Ce jour-là, la justice avait statué en faveur d’une requête introduite le 4 mai par le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales. Ce document circulait depuis le 20 janvier sur internet.

La LADDH qualifie d’« intrigante » et « illégale » la manière dont elle a été informée de cette nouvelle, et s’étonne du fait que le jugement soit rendu public alors que seules les parties en conflit, à savoir le ministère de l’Intérieur et la LADDH, ont le droit de retirer une copie. L’ONG précise qu’elle n’a été avertie « ni de la plainte ni du procès, ni même du jugement qui ne lui a pas été notifié » par un huissier de justice.

« La ligue n’a pas eu l’occasion de se défendre et de répondre aux accusations du ministère de l’Intérieur. C’est un procès à charge », commente son vice-président Saïd Salhi depuis sa nouvelle résidence en Belgique. Le deuxième vice-président, Aïssa Rahmoune, et lui redoutant des représailles en rapport avec leurs positions politiques contre le système en place, ont dû prendre il y a quelques mois et en toute discrétion, le chemin de l’exil.

Cinq entités différentes

Sur le plan juridique, il est reproché à l’ONG de ne pas être conforme à la loi de 2012 sur les associations, à cause des dissensions apparues depuis le début des années 2000 entre ses différents leaders. Ces dissensions ont abouti à son éclatement en cinq entités différentes qui portent le même nom, dont l’une présidée par Hocine Zehouane, homme politique et militant des droits de l’homme, une deuxième par l’avocat Mustapha Bouchachi et une troisième revendiquée par l’avocat Salah Dabouz, en fuite à l’étranger suite à des « poursuites judiciaires » engagées contre lui, précise le document.

Ce texte de loi encadrant le travail du mouvement associatif soumet la création d’une association à la délivrance préalable d’un agrément par les autorités. Il a été approuvé dans le cadre de réformes politiques entreprises par l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, décédé en septembre 2021, pour couper court à toute contagion du printemps arabe de 2011.

Une loi instrumentalisée ?

Dans un communiqué rendu public sur son site le 22 janvier, la Ligue algérienne des droits de l’homme évoque cette loi sur les associations qui, selon elle, « a toujours fait l’objet de blocage et d’instrumentalisation de la part des pouvoirs publics. » L’ONG regrette « un acharnement qui prend, avec cette dernière décision, une proportion d’une extrême gravité » et cite parmi les griefs retenus contre elle « son travail de plaidoyer en faveur des droits de migrants et des familles de Harragas afin qu’ils puissent connaître le sort de leurs proches » et ses « rapports envoyés aux organisations internationales », ainsi que le fait que certains de ses membres expriment leurs opinions sur leurs pages Facebook.

De son côté, l’arrêt du tribunal administratif évoque « des activités hostiles au pays sous l’instigation du lobby maroco-sioniste ainsi que des députés de la gauche française au sein du parlement européen » et reproche à la LADDH d’avoir rejeté l’organisation du scrutin présidentiel de décembre 2019 et « tenté d’encadrer le mouvement Hirak en publiant des communiqués sur les détenus d’opinion ».

La Ligue algérienne des droits de l’homme, fondée en 1985 et autorisée quatre ans plus tard à exercer, prévoit de faire appel de ce jugement. Certains de ses partisans rappellent aussi qu’en octobre 2021, déjà,  le Rassemblement actions jeunesse (RAJ), une importante organisation de la société civile, s’est vu sanctionné par le tribunal administratif en vertu de la même loi sur les associations de 2012. Le RAJ a introduit un recours qui sera justement examiné par le Conseil d’État ce jeudi 28 janvier. (Jeune Afrique)

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