samedi, avril 20, 2024
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Le pape : son histoire, son rôle, son pouvoir

Pape, évêque de Rome, Saint-Père, souverain pontife, vicaire de Jésus-Christ… Nombreux sont les substantifs donnés au chef de l’État du Vatican, le plus petit pays indépendant du monde, également chef de l’Église catholique romaine aux quelque 1,350 milliards de fidèles à travers le monde. Depuis près de 2000 ans, de l’apôtre Pierre à François, le pape a joué un rôle conséquent tant dans l’histoire de l’Église que dans l’Histoire tout court. En 2016, il était classé à la cinquième place des personnalités les plus puissantes du monde. Quelle est son origine ? Comment est-il élu ? Quel est son rôle au sein de l’Église comme sur la scène internationale ? Christophe Dickès, docteur en histoire contemporaine des relations internationales, spécialiste du catholicisme et de la papauté, répond aux questions de RFI.

D’où vient le mot « pape » ?

Le mot « pape » vient du grec pappa qui a une connotation affective, celle du père, et qui donnera plus tard l’expression de « Saint-Père ». Le mot nous vient d’Orient et apparaît au IVe siècle. Au début, il était réservé aux évêques. Ce n’est que bien plus tard, au XIe siècle, que l’expression sera exclusivement réservée au souverain pontife, avec le pontificat de Grégoire VII qui dira que seul le chef de l’Église peut être appelé pape. Cela ne signifie pas que jusqu’au XIe siècle, il y avait plusieurs chefs de l’Église catholique. Seul l’évêque de Rome pouvait prétendre à ce titre.

Pouvez-vous nous expliquer la notion d’évêque ?

Les évêques apparaissent au IIe siècle, quelque 30 à 40 ans après la mort de saint Pierre en 64 apr. J.-C. L’épiskopoi en grec est le surveillant. Il exerce un triple pouvoir : celui de gouverner, d’enseigner et de sanctifier les fidèles. À Rome, l’expression est utilisée dans la deuxième moitié du IIe siècle. L’évêque de Rome est considéré comme le chef de l’Église : il garantit l’unité de l’Église et tient son pouvoir des mots du Christ lui-même qui dit à saint Pierre : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église. »

Dans les cinq premiers siècles de l’Église, Rome s’affirme ainsi comme ce lieu d’unité. Elle acquiert une sorte de préséance sur l’ensemble des grands lieux du christianisme comme Antioche, Alexandrie ou Jérusalem, parce que c’est la ville où saint Pierre et saint Paul sont suppliciés. La ville est en quelque sorte marquée du sceau de leur martyre. C’est aussi à cet endroit que s’est transmis par tradition le pouvoir de Pierre : Lin, Clet, Clément, etc., ont succédé à Pierre. Ces successeurs vont d’ailleurs être appelés « vicaire de Pierre », c’est-à-dire « celui qui représente » Pierre. L’expression vicaire du Christ sera, elle, utilisée bien plus tardivement, au Moyen Âge.

Comment le pape est-il élu ?

Les premières codifications de l’élection de l’évêque de Rome datent du IIIe siècle. Mais l’élection telle qu’on la connaît aujourd’hui remonte au XIIIe siècle à la suite du conclave le plus long de l’histoire : 1 006 jours ! À Viterbe, au nord de Rome, les cardinaux n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur un nom pour succéder au pape Clément IV. Si bien qu’on les a enfermés dans l’église. Ce procédé ne relevait absolument pas d’une volonté de dissimulation. Mais comme ils n’arrivaient toujours pas à s’entendre, ils ont été mis au pain sec et à l’eau. Or, toutes ces mesures ne suffisant pas, on a enlevé le toit du lieu de l’église où ils étaient réunis, les exposant à toutes les intempéries. Finalement, ils ont fini par se mettre d’accord, deux ans et huit mois plus tard. C’est à la suite de cette expérience malheureuse que le pape Grégoire X posa les premières règles du conclave. Il faut aussi attendre le milieu du XVe siècle pour que le conclave se tienne dans la chapelle Sixtine au Vatican. Au fil des siècles, les règles ont assez peu évolué. La dernière modification date de 2007 quand Benoît XVI a changé une des dispositions qu’avait prises le pape Jean-Paul II en cas de blocage du scrutin.

Sachez que tout le monde peut être élu pape, à condition d’être baptisé et bien évidemment catholique. Les cardinaux n’ont pas toujours choisi des personnes au sein même du conclave. Au moment de la renonciation de Benoît XVI, on a beaucoup parlé du pape Célestin V, le dernier à avoir renoncé à la fin du XIIIe siècle. Célestin V n’était pas un cardinal, mais un moine qui jouissait d’une réputation de sainteté et qu’on est allé chercher dans sa grotte où il vivait en ermite. Finalement, il s’est avéré que ce personnage n’avait absolument aucune compétence pour remplir les obligations de sa charge. Il a donc renoncé au bout de six mois. Aujourd’hui, on a du mal à imaginer que les cardinaux n’élisent pas l’un d’entre eux.

Le pape est élu à vie, sauf en cas de renonciation comme on l’a vu avec Benoît XVI. La vraie question, est de savoir si une telle décision va faire jurisprudence au regard des progrès de la médecine. Est-ce que le pape François, pour des raisons physiques, va vouloir renoncer ? Que va-t-il se passer quand un pape ne voudra pas renoncer en dépit de ses faiblesses ? Le pape François, lui-même, a dit que s’il n’avait plus la force de gouverner, il renoncerait.

Comment le pape choisit il son nom ?

Là aussi, la tradition de choisir un autre nom que le sien est tardive. Le choix du nom d’un nouveau pape traduit une volonté politique. Il dit la nouveauté ou au contraire la continuité, la rupture ou la filiation. En 955, le pape Octavien précisément, afin d’exprimer sa volonté de continuer l’œuvre de son prédécesseur, décide de changer de nom et de s’appeler Jean XII. Il y avait déjà eu des papes du nom de Jean, mais c’était leur vrai nom. Autre exemple : Benoît XVI a choisi le nom de Benoît à la fois pour se situer dans la tradition de Benoît XV qui avait œuvré pour la paix pendant la Première Guerre mondiale, mais également en référence à Benoît de Nursie qui fut à l’origine de l’ordre des Bénédictins. Le nom de François a été une nouveauté, car c’est la première fois dans l’histoire qu’un pape s’appelait François, en référence à Saint-François d’Assise. Je pense que pour François, le choix de ce nom traduit à la fois une rupture et une sensibilité très personnelle, une volonté d’innover et de ne pas faire comme les autres…

Quel est le rôle du pape ?

La première mission de l’Église et donc du pape, des évêques et des prêtres, est de prêcher l’évangile et d’amener au salut les âmes : Salus animarum suprema lex, c’est-à-dire « la loi suprême est le salut des âmes », comme le dit le code de droit canonique qui régit l’Église. La résurrection du Christ dit qu’il y a une vie après la mort. Or, l’Église est là pour aider les fidèles à préparer cette vie éternelle. C’est pour cela que dans les scandales de pédocriminalité, on observe une totale inversion du rôle de l’institution. Le scandale des prêtres pédophiles ou des abus sexuels est à la fois juridique mais aussi théologique : il constitue une offense grave à Dieu.

Le pape a par ailleurs la fonction de gouverner l’Église en préservant son unité. Cette charge est définie dans l’Évangile de saint Matthieu où le Christ s’adresse à saint Pierre et lui dit : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église. Tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le Ciel. Tout ce que tu délieras sur terre sera délié dans le Ciel ». Cela signifie que toutes les décisions qui seront prises par le pape ici-bas entraîneront des conséquences dans l’au-delà, dans la vie après la mort. La deuxième phrase sur le gouvernement est dans l’évangile de Jean. Le Christ s’adresse à Pierre en lui disant : « Pais mes brebis », pais du verbe paître. Il s’agit là d’un ordre du Christ l’appelant à gouverner l’institution. Il y a une troisième phrase issue de l’évangile de Luc : « Affermis tes frères dans la foi. » Il s’agit d’un rôle visant à conforter les fidèles dans leur foi, à évangéliser ou encore à arbitrer les conflits qui pourraient naître en son sein. Tout cela relève de l’ecclésiologie, c’est-à-dire l’étude des structures de pouvoir dans l’Église.

Si on se transporte au XXIe siècle, on constate que le pape a naturellement tous ces rôles que je vous ai décrits. Mais au fil du temps, l’homme en blanc a acquis une force politique : depuis la fin du XIXe, il est même devenu une sorte de puissance morale. On le voit bien avec le pape François : il s’investit sur des sujets aussi divers que le conflit au Moyen-Orient, les relations entre Cuba et les États-Unis, la guerre en Ukraine, etc. Si le Saint-Siège possède aujourd’hui un rôle politique très important, c’est parce que son premier objectif sur le plan international est de protéger et d’assurer la liberté des chrétiens là où ils se trouvent. Dans le cas de la Chine, par exemple, il existe une église du silence qui n’est pas reconnue par les autorités communistes chinoises et qui est même persécutée. Le rôle du pape est de faire en sorte que cette église puisse vivre sa foi librement, ceci en lien avec Rome. Le problème est que les autorités chinoises communistes n’acceptent pas le fait que les évêques soient attachés à Rome.

Comment s’est construit le Vatican ?

Il s’agit d’une longue histoire. Au VIIIe siècle, la donation de Constantin – qui était en fait un faux – a permis au pape Étienne II d’obtenir des terres sur une partie de l’Italie. Ces terres – les États pontificaux – ont fait du pape un prince temporel comparable aux rois, aux ducs ou comtes qui bénéficiaient d’un domaine. Cette domination territoriale dure jusqu’en 1870, année pendant laquelle le pape perd ses États au profit de l’unité italienne. Dès lors, le pape se considère comme « prisonnier au Vatican ». La « question romaine », comme on l’appelait à l’époque, n’a été résolue qu’en 1929 par les accords du Latran. Ce sont ces accords qui ont créé la Cité du Vatican, le plus petit État du monde (44 hectares) et qui constitue une garantie de son indépendance. Même Hitler n’a pas osé violer l’indépendance de la Cité !

Par ailleurs, il ne faut pas confondre l’État de la Cité du Vatican avec le Saint-Siège. Le Saint-Siège est cette institution millénaire qui se situe à la tête des catholiques du monde entier, soit à peu près 1,350 milliard de fidèles. Alors qu’à la tête du Vatican, il y a le pape ; à la tête du Saint-Siège, les catholiques placent le Christ au-dessus naturellement de son vicaire. Et ce vicaire, c’est le pape lui-même. Quand un chef d’État visite le Vatican, il ne va pas voir le roi élu de la Cité du Vatican, mais le chef de l’Église catholique au rayonnement universel. Il n’y a absolument aucun équivalent de la structure institutionnelle du Saint-Siège dans les autres religions. Ni dans l’islam, ni dans le bouddhisme, ni ailleurs.

Quel est le fonctionnement entre le Saint-Siège, qui est une entité spirituelle, et l’État du Vatican qui est une entité temporelle ?

Il existe deux structures administratives différentes, avec leur budget propre. On glose beaucoup sur la richesse du Saint-Siège, mais le budget du Vatican et du Saint-Siège ne dépasse pas les 500 millions d’euros. Certes, l’Église romaine possède des biens immobiliers, mais elle n’a pas le budget pour les entretenir. Beaucoup de ces bâtiments servent d’ailleurs aux œuvres caritatives. Mais revenons à l’organisation du Vatican. La tête de l’Église est composée d’un ensemble de congrégations et de dicastères qui sont comme des ministères au rayonnement mondial. Il y a, par exemple, la Congrégation pour le clergé, la Congrégation pour la doctrine de la foi ou encore l’importante Secrétairerie d’État qui gère à la fois les problèmes internes de l’Église, mais aussi les relations avec les États. Ce réseau diplomatique est aujourd’hui dirigé par Mgr Gallagher qui est en quelque sorte le ministre des Affaires étrangères du Saint-Siège.

À côté de cela, il existe une administration qui gère la vie quotidienne du petit État de la Cité du Vatican, avec sa gendarmerie, ses gardes suisses, ses ouvriers – les sanpietrini –, qui s’occupent des services généraux comme la mise en place du nécessaire pour les grandes cérémonies comme les obsèques de Benoît XVI. Ils entretiennent ou restaurent les bâtiments, les statues, les tableaux et autres œuvres d’art. Il faut aussi mentionner les organes de communication rassemblés au sein d’un seul et même dicastère. En 2015, le pape François a souhaité rationnaliser l’ensemble des médias du Vatican en les rassemblant sous une seule et même marque : Vatican News. Au Vatican, on trouve aussi un supermarché et une pharmacie. Il y avait même une gare au début du XXe siècle. À noter que le pape Pie XI voulait faire construire un aéroport dans la Cité du Vatican, mais on lui a dit que ce n’était pas possible… En revanche, il y a un héliport.

La curie romaine réunit l’ensemble des administrations qui assistent le pape dans sa gouvernance de l’Église. Comment fonctionne-t-elle sur le plan juridique ?

Le pape François a totalement révisé l’ensemble de l’organisation de la Curie en 2022 afin de mettre fin à l’inflation des différents bureaux dont les responsabilités se chevauchaient. Il a surtout renforcé le pouvoir du pape contre la Secrétairerie d’État qui, depuis plusieurs décennies, avait pris une importance démesurée. Il a ainsi créé une sorte de ministère de l’Économie, indépendant du secrétaire d’État et qui reporte exclusivement au souverain pontife. La réforme de la Curie a aussi été marquée par la relégation au second plan de la fameuse Congrégation de la doctrine de la foi qui était pourtant essentielle puisqu’elle joue le rôle, pour schématiser, de notre Conseil constitutionnel. Toutes ces structures ont leur propre règles internes définies par la Constitution Praedicate Evangelium. Il existe, enfin, au sein de la Curie des tribunaux qui, chacun, ont un rôle et une compétence là aussi définie. Ces tribunaux peuvent agir notamment en cas d’appels à Rome de la part de catholiques qui ne se satisfont pas des décisions prises par les juridictions locales de l’Église.

Cependant, le système juridique du Vatican a ses propres limites. On le voit avec l’exemple brûlant de la pédocriminalité. Avec ses quelques dizaines de salariés gérant ces questions, il lui est impossible d’absorber la totalité des crimes et délits. En outre, son action se limite à son droit propre, puisque chaque prêtre relève de la juridiction civile nationale. C’est cette complexité dont on doit rendre compte et qui montre que le Vatican, finalement, a peu de pouvoir.

Quelle est la place du Vatican sur la scène internationale ? 

Comme je l’expliquais tout à l’heure, la papauté perd son pouvoir temporel à la fin du XIXe siècle, en 1870. Il s’en est suivi un mouvement théologique qui a souhaité redonner à la papauté un rôle moral sur la scène internationale. Ce qu’elle a perdu sur un plan temporel, elle a souhaité le gagner sur le plan diplomatique en voulant se transformer en puissance morale. Ainsi, un réseau diplomatique s’est développé à partir de la fin du XIXe et tout au long du XXe siècle.

Aujourd’hui, le Saint-Siège possède – avec les États-Unis et la France – un des plus grands réseaux diplomatiques au monde. Les ambassadeurs du Vatican, que l’on appelle les nonces, sont là précisément pour suivre ce qu’il se passe dans les pays et faire en sorte que les libertés de l’Église soient respectées. Un autre rôle des nonces est de voir quels seraient les candidats potentiels à l’épiscopat. Le nonce a donc aussi la tâche de transmettre régulièrement à Rome une liste de prêtres qui pourraient remplir la charge d’évêque.

Le Saint-Siège peut aussi jouer le rôle de médiateur à la demande des États. En 2014, le pape François l’a fait dans le processus de réconciliation de Cuba et des États-Unis. En 1978, Jean-Paul II a joué un rôle identique entre le Chili et l’Argentine dans le conflit qui les opposait à propos du canal de Beagle. Nous savons par ailleurs que les services diplomatiques du Saint-Siège ont beaucoup agi en Syrie face à la menace de l’État islamique. Pour ce faire, il s’est appuyé sur la Russie. C’est pour cela qu’aujourd’hui le Vatican est absolument désolé par ce qui se passe en Ukraine, puisque Moscou constituait un élément essentiel de la protection des chrétiens d’Orient depuis plus d’un siècle. Face au rouleau compresseur meurtrier qu’a été Daech, la diplomatie du Vatican a joué à plein.

D’un point de vue général, la diplomatie pontificale est une diplomatie du silence et une diplomatie du signal faible, à l’écoute des moindres possibilités. Il s’agit d’une diplomatie qui travaille dans l’ombre. Elle est désintéressée, parce qu’elle n’a pas d’armée ni d’intérêts économiques. Cependant, elle peut avoir des intérêts qui correspondent à ses propres conceptions du monde et peut, par exemple, intervenir dans des congrès internationaux pour faire valoir ses idées. Elle est un acteur désintéressé par rapport aux conflits qu’il peut y avoir entre les États, mais intéressée sur le plan des idées, notamment sur les questions sociétales.

Il faut ensuite signaler que le Saint-Siège possède un rôle dans la politique intérieure des États où l’Église est beaucoup plus reconnue qu’elle ne peut l’être en France où il existe une séparation claire des Églises et de l’État. Or, ce n’est pas le cas de certains pays d’Amérique du Sud ou d’Afrique ou même d’Asie. En Colombie, par exemple, l’Église a joué un rôle tout comme en Centrafrique afin d’œuvrer à la paix intérieure.

On dit que le Vatican possède une importante force de renseignement. Qu’en pensez-vous ?

Il y a un mythe et en même temps une réalité. L’Église est effectivement en lien avec le monde entier. Elle garde plus qu’un œil sur l’ensemble de la vie des États comme toute structure diplomatique. Mais elle n’est pas un nid d’espions (rire). Dans les faits, sa priorité est de défendre la liberté religieuse des chrétiens là où ils se trouvent. Son « réseau de renseignements » a pour vocation de gérer les questions relatives à la dignité des personnes, aux droits de l’homme, etc. Elle est ainsi attentive aux conflits interétatiques mais aussi aux conflits intérieurs qui peuvent dégénérer en guerre civile. À la différence des grandes puissances, le Saint-Siège ne possède pas de machines analysant des millions de data. Elle est simplement un réseau où seule la parole est au centre de son action. La parole est, pour ainsi dire, sa seule arme. C’est peu et beaucoup à la fois. (rfi.fr)

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