Le président français achevait samedi en RDC une tournée dans quatre pays d’Afrique centrale placée sous le signe du « nouveau partenariat » qu’il entend construire avec le continent.
Les deux dirigeants ont disserté sans ménagement samedi devant la presse, à Kinshasa, sur la fin de la « Françafrique » et le nouveau « logiciel » de la France avec le continent.
« Je l’ai encouragé à ce sujet parce que j’estime que la Françafrique est dépassée », a d’abord esquissé le président de la République démocratique du Congo dans un amphithéâtre chargé d’histoire du « Palais de la Nation ».
C’est là que Patrice Lumumba, héros de l’indépendance, prononça son réquisitoire violent contre la colonisation belge, en présence du roi Baudouin, et que l’indépendance fut proclamée le 30 juin 1960.
« Regardez-nous autrement, sans regard paternaliste! », assène le président congolais Félix Tshisekedi. « On part d’un nouveau pas! », assure Emmanuel Macron.
« Si la France veut être aujourd’hui en compétition avec tous les autres partenaires de l’Afrique, elle doit se mettre au diapason de la politique africaine et de la manière dont les peuples africains regardent désormais les partenaires de coopération », a averti Félix Tshisekedi.
Emmanuel Macron a été rattrapé par la « Françafrique » lors d’une brève escale vendredi à Brazzaville – trop courte selon ses hôtes – où le président Denis Sassou Nguesso, au pouvoir depuis près de 40 ans, incarne plus que jamais l’héritage du passé.
Le chef de l’Etat a concédé s’être arrêté au Congo « parce qu’il ne faut humilier personne quand on fait une tournée », même si ses interlocuteurs ne sont pas toujours élus au « meilleur standard démocratique ».
« On n’est pas là pour lui servir la soupe », a-t-il toutefois martelé. « On fait avec les dirigeants qui sont là avec respect (…) en constatant nos accords et nos désaccords et en disant ce qui ne va pas quand ca ne va pas, ce que j’ai fait hier », a-t-il dit.
« compromis à l’africaine »
Le président français était aussi attendu à Kinshasa sur des propos de son ancien ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui avait qualifié l’élection controversée de Félix Tshisekedi de « compromis à l’africaine » en janvier 2019.
Si Emmanuel Macron a tenté d’attribuer l’erreur diplomatique de Jean-Yves Le Drian, à la presse française, Félix Tshisékédi a lui exprimer pleinement son désaccord.
La RDC accuse le Rwanda de soutenir la rébellion du M23, qui s’est emparée depuis 2022 de vastes pans de territoire de la province du Nord-Kivu, région riche en minerais. Emmanuel Macron n’a pas clairement condamné le Rwanda, comme le lui demandaient les Congolais, mais il a appelé chacun à « prendre ses responsabilités, y compris le Rwanda ».
« Je reste dubitatif quant à la bonne fois de ceux qui nous ont agressés. Il n’y avait aucune raison, je le rappelle, qui justifiait cette agression. Si ce n’est des raisons économiques propres au Rwanda, instigateur de cette agression. Maintenant, la question est de savoir : Est-ce que le Rwanda peut se passer de ce pillage systématique de la RDC, qui date maintenant d’une vingtaine d’année ? Et si c’est le cas, ça se vérifiera, à travers ce processus. Et si ce n’est pas le cas, c’est là que je vérifierai les propos et les engagements du président Macron, par rapport aux sanctions à prendre contre le Rwanda » a déclaré le président congolais.
« Depuis 1994, et ce n’est pas la faute de la France, pardon de le dire dans des termes aussi crus, vous n’avez pas été capables de restaurer la souveraineté, ni militaire, ni sécuritaire, ni administrative, de votre pays. C’est aussi une réalité. Il ne faut pas chercher des coupables à l’extérieur de cette affaire » a renchéri Emmanuel Macron, au risque de passer pour un donneur de leçon auprès de son hôte.
Tout au long de son voyage, le président français a livré un seul et même message : la France, ancienne puissance coloniale de plus en plus contestée sur le continent, veut développer une nouvelle relation avec l’Afrique, faite d' »humilité » et de partenariats « responsables et équilibrés ».
Durant sa visite à Kinshasa, il a notamment rencontré le professeur Jean-Jacques Muyembe, à l’origine de la découverte du virus Ebola.
Un partenariat a par ailleurs été conclu pour la cartographie et la gestion durable des ressources minières dont regorge le sous-sol congolais.
Des accords ont aussi été conclus pour l’ouverture d’une Ecole 42, enseigne française de référence pour la formation de développeurs informatiques, l’installation de la fibre optique dans des zones reculées de l’est de la RDC et l’électrification d’une ville du centre du pays. (Africanews)