lundi, avril 29, 2024
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Le procès de l’ex-président du Kosovo Hashim Thaçi s’ouvre à La Haye

Accusés par le procureur du Tribunal spécial, l’ex-chef politique de l’Armée de libération du Kosovo et ses trois coaccusés doivent répondre de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis lors de la guerre de 1998 et 1999, opposant la guérilla séparatiste à l’armée de Belgrade. Leur procès s’ouvre ce lundi 3 avril.

Les quatre hommes attendus dans le box des accusés du Tribunal spécial pour le Kosovo étaient membres de l’état-major de l’UCK, la guérilla séparatiste en lutte contre le pouvoir de Belgrade dans les années 1990. Hashim Thaçi, « le serpent » de son nom de guerre, était le chef politique de l’UCK. Ses coaccusés appartenaient comme lui à l’état-major de l’organisation. À la tête des renseignements figurait Kadri Veseli, devenu plus tard député. Rexhep Selimi dirigeait les opérations et Jakup Krasniqi était le porte-parole.

Les quatre hommes sont accusés d’avoir participé à « une entreprise criminelle » dans le but de prendre « le contrôle sur le Kosovo », lit-on dans l’acte d’accusation. Cette formule a choqué à Pristina, où le Tribunal spécial n’a pas bonne presse. Adopté à reculons par le Parlement kosovar en août 2015, ce tribunal financé par l’Union européenne et créé à l’instigation de l’UE et des États-Unis, est accusé de vouloir faire le procès de la guérilla kosovare et s’en défend. Dans ce procès, « l’entreprise criminelle », un terme juridique qui permet de démontrer le caractère collectif et planifié des crimes de masse, rassemble de très nombreux responsables, jusqu’au chef de zones. Mais seuls les plus hauts responsables, contre lesquels il a été possible de récolter suffisamment de preuves, sont poursuivis.  

La traque de l’opposition

L’acte d’accusation de 70 pages est une plongée dans l’histoire sombre de la guérilla. Il raconte que parallèlement aux combats de l’UCK contre les forces yougoslaves de Slobodan Milosevic (à l’époque, la Yougoslavie n’était plus formée que du Monténégro et de la Serbie, y compris la province du Kosovo), des centaines d’hommes, serbes, roms ou kosovars albanais, ont été arrêtés, emprisonnés dans des écoles, des stations de police, des bâtiments désaffectés, et jusque dans la salle de bain ou le garage d’appartements privés. Détenus, ils ont subi des persécutions, des tortures, des traitements cruels, détaille l’acte d’accusation.

Selon le procureur général du Tribunal spécial, Alex Whiting, les « soldats » de l’Armée de libération du Kosovo ciblaient les civils serbes, ennemis désignés. Mais l’armée séparatiste menait aussi une guerre dans la guerre. Des civils albanais kosovars étaient aussi soumis au pire, accusés d’être des traîtres à la cause indépendantiste, soupçonnés d’être des espions à la solde des Serbes, des collabos. Les partisans d’Ibrahim Rugova, qui contrairement aux chefs de l’UCK prônait la non-violence contre l’ennemi serbe, étaient aussi visés.

L’acte d’accusation raconte que tous ces hommes, victimes de « détention arbitraire », ont dû vivre parfois sans soins, avec peu de nourriture, sans hygiène et parfois sans espace, comme à l’usine de métal de Kukës, en Albanie. Ces prisonniers ont été battus à coup de matraques, de barres de fer, de crosses de fusil… coupés au rasoir, menacés de mort et parfois tués. Ainsi, à Vrban/Vërban, « un détenu a eu ses ongles retirés avec des pinces », peut-on lire dans le document détaillant les charges. Là, « les détenus étaient frappés sur tout le corps avec des chaînes, des bâtons, des crosses de fusils, des planches, frappés à coups de pieds, soumis à des simulacres d’exécutions, et menacés d’autres violences et de mort. » À Rahovec/Orahovac, une famille de résidents serbes a été contrainte de quitter le Kosovo après plusieurs visites de « soldats » de l’UCK dans leur appartement.

Hashim Thaçi aurait lui-même participé à l’arrestation de membres du Parlement fantôme du Kosovo, affiliés à la LDK d’Ibrahim Rugova. Ils auraient été battus et incarcérés avant d’être relâchés. Ce que raconte encore cet acte d’accusation, ce sont les familles à la recherche de leurs proches. À Likoc/Likovac, au quartier général de l’UCK, alors qu’ils avaient vu l’un des leurs emmené pour un interrogatoire, les membres de sa famille se sont vus plus tard « dénier toute information sur son sort, ont reçu des informations contradictoires ou trompeuses et ont été menacés ». Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), 1 621 personnes sont toujours disparues.

Pas d’accusations de trafics d’organe

Le Tribunal spécial avait été créé au terme d’un long processus et suite à l’enquête réalisée à la demande du Conseil de l’Europe par Dick Marty. Dans ce rapport de décembre 2010, le sénateur suisse faisait état de crimes de guerre, mais aussi de trafics d’organes, passant par un village d’Albanie, comme l’avait suspecté l’ancienne procureure du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), Carla del Ponte. À la suite de ce rapport, une enquête avait été diligentée, conduisant ensuite à la création du Tribunal. Mais aucun des six accusés jusqu’ici poursuivis ne doit répondre de tels faits. Les quatre anciens chefs de l’UCK, devenus des personnalités politiques de premier plan dans le Kosovo indépendant, se sont tous rendus volontairement à La Haye, en novembre 2020, suite à leur mise en accusation pour y défendre leur guerre.

En annexe de son acte d’accusation, le procureur a dressé la liste de près de 500 victimes. Certains survivants viendront déposer devant le Tribunal spécial. Le procureur entend appeler à la barre plus de 300 témoins dans ce procès-fleuve qui pourrait durer cinq à six ans. (rfi.fr)

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