Cette visite, qui s’inscrit dans un dialogue de haut niveau entre l’administration américaine et ces cinq pays africains, se déroule dans un contexte particulier dans les relations bilatérales entre Dakar et Washington. Le Sénégal figure, en effet, sur la liste des 24 pays soumis à des restrictions de visas consécutives au durcissement de la politique migratoire américaine.
À la Maison Blanche, Bassirou Diomaye Faye a donc vanté les atouts de son pays en termes d’attractivité pour des investissements américains. Et à Dakar, l’on s’interroge sur l’enjeu d’une telle rencontre sur fond de négociations économiques et de la nouvelle politique migratoire de l’administration Trump.
La visite de travail de Diomaye Faye à Washington est un événement majeur pour le Sénégal visé par des restrictions de voyage vers les États-Unis. C’est donc une occasion pour le président Bassirou Diomaye Faye de négocier avec l’administration américaine sur cette question et de présenter les atouts économiques du Sénégal à une Amérique à la recherche de partenaires fiables et face à un accroissement de la présence russe et chinoise en Afrique.
La migration au centre des discussions
Alioune Fall, acteur de la société civile et spécialiste des questions migratoires, estime que, face à Donald Trump, le président Diomaye Faye doit insister sur les aspects positifs de la migration.
« Pour le sol américain, c’est de la main-d’œuvre qualifiée. C’est une main-d’œuvre juvénile qui participe au rajeunissement de la population américaine,, mais également pour leur pays d’origine, les Sénégalais représentent une manne financière parce que, non seulement, ils font entrer des devises, mais ils contribuent aussi à l’amélioration des conditions de vie de leurs parents restés au pays. Ce sera l’occasion pour le président Diomaye de voir comment régler ce problème des sans-papiers, des gens pacifiques, travailleurs et très connus aux États-Unis », explique M. Fall.
Pour Isaac Diouf, enseignant-chercheur diplômé de relations internationales, la position géostratégique du Sénégal, plateforme logistique naturelle vers l’Afrique de l’ouest avec le port de Dakar doté d’infrastructures des plus modernes de la côte atlantique, est un point d’appui maritime pour l’axe transatlantique, qui permet aux États-Unis de sécuriser les corridors économiques face à la Chine.
Pour lui, « C’est une opportunité pour les Etats-Unis, mais également pour les pays africains,, particulièrement pour le Sénégal,, même si ce dernier part un peu désavantagé parce qu’on a constaté qu’il y a beaucoup de ressortissants sénégalais qui sont en situation irrégulière aux Etats-Unis. Le président Trump pourrait jouer sur ça pour conclure un deal en sa faveur,, mais le président du Sénégal a des cartes à jouer pour négocier, par exemple,, une ouverture à des bases logistiques américaines ou à des investissements dans les infrastructures portuaires en échange de coopération migratoire équilibrée. »
Avantages comparatifs
Contrairement à d’autres pays africains, le Sénégal est un allié démocratique fiable, insiste, pour sa part, l’économiste Seydina Oumar Seye. Il explique : « On a des leviers de négociation face à Trump parce que nous avons des atouts en termes de stabilité politique, la coopération sécuritaire et notamment les ressources stratégiques. Les enjeux pour le Sénégal, il faut juste négocier, par exemple, les accords de migration légale. Le Sénégal pourrait demander des quotas de travailleurs temporaires pour des secteurs comme l’agriculture et le BTP où la main-d’œuvre sénégalaise est compétitive. »
En 2024, plus de 20 000 Sénégalais ont été interceptés à la frontière mexico-américaine, selon U.S. Customs and Border Protection.