Le chroniqueur et figure de la société civile, de son vrai nom Mohamed Youssouf Bathily, a été interpellé jeudi soir à son domicile. Il a été entendu au commissariat du Ve arrondissement de Bamako suite à la plainte pour outrage de deux syndicats de magistrats maliens. Ils lui reprochent les critiques formulées à l’encontre de certains magistrats dans son émission de radio.
C’est le 21 avril dernier que Ras Bath offusque les syndicats. Deux jours plus tôt, il sortait de trois mois d’emprisonnement dans l’affaire dite de la « déstabilisation » des institutions, dans laquelle il avait été poursuivi avec quatre autres personnalités, dont l’ex-premier ministre Boubou Cissé.
Toutes les charges abandonnées, Ras Bath s’en prend aux magistrats qui viennent de conduire cette instruction. Sur l’antenne, il accuse le procureur et le juge d’avoir complètement méconnu la procédure, d’avoir « tordu la loi ».
Une sortie « outrageante, injurieuse, attentatoire à l’honneur », selon le Syndicat autonome de la magistrature (SAM) et le Syndicat Libre de la magistrature (SYLIMA), qui déposent plusieurs plaintes début mai. Ils visent aussi le père de Ras Bath, l’avocat et ancien ministre Mohamed Aly Bathily, et son défenseur, Me Kassoum Tapo.
Ceux-ci n’ont jusque-là pas été inquiétés, au contraire de Ras Bath, arrêté jeudi soir à son domicile, gardé toute la nuit pour interrogatoire au commissariat, tandis qu’à l’extérieur du bâtiment, les policiers dispersaient des dizaines de jeunes venus protester. Entendu longuement vendredi au tribunal de la commune 4, il est placé sous mandat de dépôt, direction la Maison centrale d’arrêt.PUBLICITÉ
L’avocat de Ras Bath, maître Kassoum Tapo, regrette cette décision, mais il estime que la forte mobilisation des jeunes militants de Ras Bath a contraint le procureur à placer son client en détention. Il assure qu’une demande de remise en liberté sera déposée dès que possible.
« Je demande à tout le monde de calmer le jeu, notamment aux partisans du CDR, l’organisation politique de Ras Bath, qu’ils sachent raison garder, qu’on nous fasse confiance et qu’on suive les procédures. Ce n’est pas par la rue qu’on peut imposer quoi que ce soit à la justice ».
Maître Kassoum Tapo, avocat de Ras Bath
François Mazet
Le CDR dénonce un acharnement
Son mouvement, le Collectif pour le développement de la République dénonce un acharnement et un recul de la liberté d’expression au Mali, tout en appelant ses sympathisants au calme. « Nous venons juste de finir une procédure judiciaire le 19 avril passé et tout le monde a su, en réalité, ce qui était caché derrière, avanceBoubacar Yalcoué, du CDR. C’était une manière de museler Ras Bath. Et quand il est sorti, il a continué avec ses émissions. Nous pensons et nous estimons que nous sommes dans un État de droit et le citoyen a le plein droit de donner son avis par rapport à une décision de justice. Je ne sais pas en quoi donner son avis par rapport à une procédure judiciaire devient un crime, un outrage à magistrat. C’est ce que je n’arrive pas du tout à comprendre. Et vraiment, c’est indigne ! On passe le prendre chez lui, comme si c’était vraiment un malpropre, un bon à rien. Nous pensons vraiment que c’est arbitraire. Nous voyons que la liberté d’expression commence vraiment à subir des menaces réelles dans notre pays et cela nous fait reculer de trente ans. »
Deux autres personnes sont visées par les mêmes plaintes. Il s’agit des avocats maître Kassoum Tapo à maître Mohamed Aly Bathily, le père de Ras Bath.
Les syndicats à l’origine de la plainte n’ont pas souhaité s’exprimer. (Rfi)