Le militant panafricaniste franco-béninois Kemi Seba avait promis de répondre ce 2 avril 2023 à l’enquête publiée dans Jeune Afrique sur le financement de ses activités politiques par le groupe russe Wagner, notamment des campagnes contre la politique de l’État français. Dans une vidéo de dix-huit minutes, un entretien au média Limit diffusé ce dimanche sur son compte Twitter, Kemi Seba dénigre ce qu’il nomme « la françafrique médiatique » et défend sa stratégie de partenariats.
Dans cette vidéo, Kemi Seba se moque d’une campagne « de prétendues salissures médiatiques » et cite l’ancien président sud-africain Nelson Mandela : « Les ennemis des Occidentaux ne sont pas nos ennemis. »
Dans son enquête, Jeune Afrique – sur la base de documents consultés avec le quotidien allemand Die Welt, la chaîne Arte et des organisations comme « All Eyes on Wagner » – s’est penché sur le financement des activités de Kemi Seba par les équipes d’Evgueni Prigojine. Avec notamment un montant : 440 000 dollars versés entre octobre 2018 et juillet 2019. Interrogé sur ce point, Kemi Seba remonte à sa campagne contre le franc CFA, en 2016 et 2017. Une campagne qui, dit-il, a attiré ceux qu’il nomme des « alliés géopolitiques » : « On a demandé que ce soit aux Iraniens, aux Cubains ou aux Russes [il évoque aussi le Hezbollah du Liban, NDLR]. On leur a dit : on a besoin de ça pour des actions de mobilisation, on a besoin de ça pour les déplacements. On a une délégation de dix à quinze personnes qui se déplacent partout dans le monde, le bureau central de notre ONG [Urgences panafricanistes, NDLR]. On a besoin de tel, tel, tel moyen. Les 400 000 dollars qu’ils disent, c’est insultant pour nous, car en réalité, on a besoin de beaucoup plus. »
Au-delà des financements et moyens matériels, Jeune Afrique affirme, dans son enquête, que Kemi Seba a été au cœur de la stratégie d’influence du patron de Wagner, avec des éléments de langage et des orientations pour guider certaines actions du leader de l’ONG « Urgences panafricanistes ».
« Ce qui est du domaine de la manipulation, c’est s’il y a des partenaires qui viennent et qui nous disent de dire autre chose que ce que l’on dit. Est-ce que dans un seul discours, est-ce que dans une seule allocution, vous nous avez entendu dire autre chose que ce que j’écris dans mes livres depuis des années ou ce que je dis de manière politique, de manière générale, contre le globalisme libéral ? Jamais ! »
Selon Kemi Seba, la fin du partenariat avec Prigojine arrive quand ce dernier lui demande de passer aux actions violentes. Il explique avoir repris langue avec Moscou depuis, via, cette fois, Mikhaïl Bogdanov, vice-ministre russe des Affaires étrangères chargé des affaires africaines.
« Nous sommes souverains », poursuit-il. « Nos alliances sont temporaires, géostratégiques », dit Kemi Seba. « Elles nous permettent de faire reculer nos ennemis et nous sommes en train de réussir. » Pour conclure, il cite Sékou Touré, premier président de la Guinée : « Être diabolisé par ses ennemis, c’est quelque part une médaille que l’on vous offre. » (rfi.fr)