Géant d’Afrique très instable, la République démocratique du Congo vit dans l’attente d’une prise de parole du président Félix Tshisekedi sur l’avenir de la coalition qu’il forme avec la majorité parlementaire fidèle à son prédécesseur Joseph Kabila, sous le regard des forces de sécurité.
Jeudi soir? Ce week-end? Mi-décembre? Personne ne peut parier sur le moment où le chef de l’État annoncera les décisions qu’il doit prendre à l’issue des « consultations politiques ».
Cela fait une semaine que M. Tshisekedi a refermé le chapitre de ces « consultations », qu’il avait lancées le 2 novembre pour sortir des tensions et des blocages avec ses « partenaires » pro-Kabila.
Le président affirmait rechercher « l’union sacrée de la Nation ». Le scénario de la rupture est tout aussi possible.
Mercredi sur la page Facebook de la présidence, sa direction de la communication a estimé que le FCC pro-Kabila représentait « un sérieux obstacle », « à travers ses membres au gouvernement et dans les deux Chambres du Parlement ».
Les « consultations » tendent « courageusement vers une requalification de cette majorité +factice+ », avec « une recomposition des alliances », pour offrir au président « une marge de manœuvre suffisante devant lui permettre d’appliquer totalement ses prérogatives présidentielles », conclut le message.
Dans la commune de la Gombe à Kinshasa, la capitale qui n’a jamais été acquise à l’ex-président Kabila, des voix s’élèvent aussi pour la rupture.
« Nous attendons la séparation de la coalition. Tout est bloqué », glisse un fonctionnaire.
« Nous attendons qu’il y ait déblocage de la situation sur tous les plans et que le président de la République soit en mesure de donner le meilleur de lui-même, surtout pour respecter son programme du gouvernement: +le peuple d’abord+ », ajoute un avocat.
Dissoudre l’Assemblée? Demander la démission du gouvernement? Chercher une nouvelle majorité à l’Assemblée?
Rien n’est simple pour le chef de l’État. Il a certes été proclamé vainqueur de la présidentielle fin 2018, un résultat contesté par l’opposant Martin Fayulu. Mais il a été investi après avoir approuvé l’accord secret de coalition qui le lie à son prédécesseur.
– « Situation tendue » –
Les amis de M. Kabila ont encore revendiqué lundi une solide majorité de 305 des 500 députés à l’Assemblée. « Rien ne se fera légalement sans elle ni contre elle », ont prévenu les députés FCC.
Ils ont dénoncé des « manœuvres de bas étage (…) pour tenter de changer la majorité parlementaire » par des débauchages et des tentatives de corruption de leurs élus.
Au Sénat, le FCC dispose plus de 90 sièges sur 109, dont un mandat au nom de Joseph Kabila Kabange, sénateur à vie.
Les trois autres principaux personnages de l’État (Premier ministre et présidents des deux chambres) sont des fidèles de Joseph Kabila.
Le FCC détient la quasi-totalité des 26 postes de gouverneur de province. Le gouverneur du Tanganyika s’appelle Zoé Kabila, frère de Joseph.
Zoé Kabila et les autres gouverneurs ont d’ailleurs suggéré à M. Tshisekedi, lorsqu’ils ont été reçus mi-novembre dans le cadre des « consultations », de « renforcer la coalition », s’en remettant à la « sagesse du chef de l’État ».
Muet sur ses intentions, le président Tshisekedi a reçu pendant quatre heures mardi soir les hauts gradés de l’armée et de la police.
« Aucune campagne de sédition (…) ne viendra ébranler notre engagement citoyen et notre détermination à demeurer apolitiques (…) et républicains », a déclaré en sa présence le porte-parole de l’armée, le général Léon-Richard Kasonga.
Lundi, c’est le patron de la Garde présidentielle qui a enjoint ses troupes, chargées de la sécurité rapprochée du chef de l’État, de ne pas « comploter » contre lui.
« On est dans une situation extrêmement tendue », analyse un diplomate. « Le président Félix Tshisekedi veut absolument s’assurer que la fidélité de l’armée est acquise. A travers ces rappels, Tshisekedi prend des mesures de prudence ».
« Je reste préoccupé par les tensions politiques au sein de la coalition au pouvoir », a écrit le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres dans un rapport remis lundi au Conseil de sécurité, appelant « toutes les parties prenantes à résoudre leurs différends par le dialogue, conformément à la Constitution ».
La communauté internationale avait salué en janvier 2019 la première transition pacifique d’un président à l’autre dans l’histoire du pays, au prix de ce fameux accord secret de coalition qu’une poignée de personnes connaissent en détail en RDC. (Afp)