Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) s’est inquiété, vendredi, du rôle qu’aurait joué une unité d’élite antiterroriste pour réprimer la contestation civile au Mali. « Nous sommes particulièrement préoccupés par les événements survenus dans la capitale Bamako vendredi dernier et pendant le week-end où des forces spéciales (Force spéciale antiterroriste – FORSAT) auraient tiré des munitions létales lors d’affrontements avec des manifestants », a déclaré Liz Throssell, porte-parole du HCDH, au cours d’une conférence de presse virtuelle depuis son siège à Genève.
Dans un contexte des tensions persistantes au Mali, où il y a eu une série de manifestations antigouvernementales ces dernières semaines, les services de la Haut-Commissaire, Michelle Bachelet, exhortent les autorités maliennes à veiller à ce que les forces de sécurité « s’abstiennent de recourir de façon injustifiée ou excessive à la force dans le maintien de l’ordre lors des manifestations ou (pour toute autre raison) dans leur interaction avec les manifestants ».
Les leaders du mouvement de protestation ont accusé les autorités de Bamako d’usage excessif de la force. Et de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer la présence sur le terrain de membres de la FORSAT lors des manifestations. C’est dans ce contexte que les représentants des organisations africaines, de l’ONU et de l’Union européenne (UE) au Mali ont condamné en début de semaine « l’usage de la force létale dans le cadre du maintien de l’ordre ».
Au moins 14 manifestants tués, 154 autres blessés et plus de 200 arrestations
La Division des droits de l’homme et de la protection de la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA) a confirmé qu’au moins 14 manifestants – dont une femme et deux garçons – ont été tués et 154 autres blessés.
Pour l’ONU, il est essentiel que toutes les allégations des violations des droits de l’homme et d’actes de violence commis au cours des manifestations fassent l’objet d’enquêtes rapides, approfondies, transparentes et indépendantes et que les responsables aient à répondre de leurs actes.
Conformément à son mandat, la Division des droits de l’homme et de la protection de la MINUSMA a lancé une mission d’enquête pour examiner les allégations de violations graves des droits de l’homme perpétrées dans le cadre des manifestations. Dans ces conditions, « l’annonce par le président Ibrahim Boubacar Keïta de l’ouverture d’enquêtes sur les violences est la bienvenue ».
A noter qu’«au cours des manifestations, au moins 200 personnes ont été arrêtées et toutes ont été relâchées par la suite dans la soirée du 13 juillet, dans l’attente de leur procès », a ajouté Mme Throssell. Parmi eux se trouvaient trois dirigeants du Mouvement du 5 juin, le Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP).
Le premier rassemblement, qui donnera son nom au mouvement le 5 juin, fédère une coalition de partis politiques, de chefs religieux et d’organisations de la société civile. « Au cours de ce rassemblement, des manifestants ont demandé la démission du président, ainsi que la dissolution du Parlement et de la Cour constitutionnelle », a précisé la porte-parole du HCDH.
Selon les médias, le Mouvement du 5-Juin canalise des mécontentements multiples et profonds, contre la dégradation sécuritaire et l’incapacité à y faire face, le marasme économique et social.
Par ailleurs, si de nombreuses manifestations, ayant eu lieu à travers le pays ont été pacifiques, le HCDH s’est également inquiété des incidents au cours desquels des manifestants ont détruit et pillé des biens privés et publics. C’est le cas du saccage d’une partie du bâtiment de l’Assemblée nationale. « Un groupe a occupé les locaux de la station de radio et de télévision nationales, les mettant hors service », a détaillé Mme Throssell.
« Prolifération de fausses nouvelles et de messages en ligne incitant à la violence »
Face à cette préoccupante situation, les services de Mme Bachelet appellent les institutions publiques du pays ainsi que les acteurs politiques à respecter les principes démocratiques et à protéger les droits de l’homme et l’état de droit. Ils invitent également toutes les parties « à faire preuve de la plus grande retenue et à utiliser des moyens pacifiques pour traiter leurs griefs, qui ont été déclenchés par divers facteurs, notamment le résultat des élections législatives retardées, les allégations de corruption endémique et de mauvaise gouvernance, l’insécurité accrue et l’extrémisme violent dans différentes parties du pays ». Le HCDH s’est également dit préoccupé du fait que, depuis les manifestations du 10 juillet, il y a eu une « prolifération de fausses nouvelles et de messages en ligne incitant à la violence, qui risquent d’aggraver davantage les tensions ».
La Commission nationale des droits de l’homme du Mali a noté le 13 juillet que l’accès aux manifestants en détention lui avait été refusé. Dans de cette situation volatile, le HCDH rappelle aux autorités leur obligation de soutenir, et non d’entraver, le travail de l’institution nationale des droits de l’homme et des organisations de la société civile qui jouent un rôle important en matière de promotion et de protection des droits de l’homme de tous au Mali.
Selon les médias, le Mouvement du 5-Juin a décidé de reporter le rassemblement prévu vendredi. (maliactu.net)