Le chef de l’État ivoirien Alassane Ouattara a été investi samedi candidat de son parti à la présidentielle d’octobre, qui s’annonce très tendue. Aux dizaines de milliers de ses partisans réunis au stade d’Abidjan, il a promis une victoire par « KO ».
Le président ivoirien Alassane Ouattara a été officiellement investi samedi 22 août à Abidjan candidat de son parti à la présidentielle d’octobre, où il briguera un troisième mandat jugé inconstitutionnel par ses opposants.
« Je vous investis ce 22 août comme candidat du RHDP [Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix] à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 », a déclaré Henriette Diabaté, première vice-présidente du parti au pouvoir, devant des dizaines de milliers de partisans rassemblés au stade Houphouët-Boigny. Debout à ses côtés, le président Ouattara lui a ensuite donné des accolades.
« Nous allons gagner », a assuré le président sortant lors de son discours, promettant « un coup KO » avec une victoire dès le premier tour, comme en 2015. Il avait alors recueilli 83,7 % des suffrages.
Alassane Ouattara a scandé à plusieurs reprises ce slogan et même brandi un panneau, pris dans la foule de ses partisans, sur lequel il était inscrit.
Le chef de l’État ivoirien a insisté sur son bilan économique, assurant avoir « changé le visage de nos villes et villages ».
Manifestations et violences depuis le 6 août
Malgré l’interdiction des manifestations par les autorités, de nouveaux affrontements ont eu lieu samedi entre jeunes de l’opposition et ceux du parti au pouvoir, à Divo, à 200 kilomètres au nord-ouest d’Abidjan. « La ville est paralysée. La gare routière, le collège moderne et une boulangerie ont été incendiés », a témoigné Bernadette Kouassi, une habitante de la localité. Gagnoa, ville natale de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, a aussi été le théâtre de violences samedi.
Des heurts ont également eu lieu vendredi dans le pays, notamment à Bonoua, ville située à 50 kilomètres d’Abidjan et fief de l’ancienne première dame Simone Gbagbo. Des boutiques de commerçants dioulas, originaires du nord du pays et qui soutiennent traditionnellement Alassane Ouattara, ont notamment été prises pour cibles par des jeunes de la région, selon des témoignages d’habitants.
En prenant la parole au stade Houphouët-Boigny, le président Ouattara a commencé par condamner les « violences » : « Nous voulons la paix (…). Arrêtons de brûler (…), de mettre des troncs d’arbre sur la route. Faites des meetings ! La violence ne passera pas », a-t-il lancé.
L’annonce le 6 août de sa candidature avait provoqué des manifestations qui avaient déjà dégénéré en violences pendant trois jours, faisant six morts, une centaine de blessés et 1 500 déplacés. En outre, 69 personnes avaient été interpellées, selon un bilan officiel.
Âgé de 78 ans, le chef de l’État, élu en 2010 puis réélu en 2015, avait initialement annoncé en mars son intention de ne pas se représenter et de passer le relais à son Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. Mais celui-ci est décédé brutalement le 8 juillet d’un infarctus, contraignant Alassane Ouattara à revoir ses plans et à briguer un troisième mandat.
Comme la précédente Constitution, celle révisée en 2016 limite à deux les mandats présidentiels. Les partisans d’Alassane Ouattara affirment que la révision a remis le compteur des mandats à zéro tandis que ses adversaires jugent anticonstitutionnelle une troisième candidature.
« Il n’y a pas de rétroactivité, rien ne m’empêche d’être candidat », a assuré samedi Alassane Ouattara au stade Houphouët-Boigny, soulignant par ailleurs que la nouvelle Constitution était également favorable à son principal adversaire. « Sans cette Constitution, personne n’aurait pu être candidat », a-t-il ironisé.
« Il ne peut pas être candidat et il le sait »
« Constitutionnellement, le président Alassane Ouattara ne peut pas avoir un troisième mandat. Il ne peut pas être candidat et il le sait », s’insurge Maurice Kakou Guikahué, numéro deux du principal mouvement d’opposition, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI).
« C’est une candidature dangereuse qui arrive dans un contexte volatile », fustige de son côté l’opposant et candidat à la présidentielle Pascal Affi N’Guessan, 67 ans, ancien Premier ministre du président Gbagbo, chassé du pouvoir en 2011 à l’issue de plusieurs mois de crise postélectorale meurtrière.
Pascal Affi, patron d’une faction du Front populaire ivoirien (FPI) fondé par Laurent Gbagbo, a appelé Alassane Ouattara à « renoncer à ce troisième mandat afin de sortir dignement de l’arène politique », disant craindre dans le cas contraire « que l’avenir ne soit sombre, aussi bien pour lui que pour la Côte d’Ivoire ».
Le scrutin du 31 octobre s’annonce tendu. Henri Konan Bédié, ancien président pendant les années 1990 qui avait soutenu Ouattara en 2010 et 2015 et attendait que ce dernier lui rende la pareille en 2020, a été investi par le PDCI et sera son principal adversaire.
Quant à l’ancien président Laurent Gbagbo et l’ex-chef rebelle Guillaume Soro, la Commission électorale indépendante a rejeté ces dernières heures leurs recours. Ils contestaient leur radiation des listes électorales.
L’entourage de Guillaume Soro, qui se dit candidat même s’il vit en exil, a annoncé sa volonté de faire appel devant les tribunaux. L’ancien chef rebelle, qui a aidé Alassane Ouattara à accéder au pouvoir, vit en France après sa condamnation par la justice ivoirienne à 20 ans de prison pour « recel de détournement de deniers publics ».
Acquitté en première instance par la Cour pénale internationale, où il était accusé de crimes contre l’humanité, Laurent Gbagbo attend de son côté à Bruxelles un éventuel appel. Ses partisans espèrent une candidature. (France24)