Absence d’observateurs, trop grande distance, comptage des voix, machine forcée, trop plein d’électeurs… Le président sortant et ses juristes tentent d’invalider des élections dans plusieurs Etats et jeter le discrédit sur l’élection de Biden.
«Si j’ai perdu Walter Cronkite, j’ai perdu l’Amérique moyenne», soupirait Lyndon Johnson après avoir entendu le célèbre présentateur de télévision critiquer la guerre du Vietnam. Donald Trump, lui, a perdu Fox News. La chaîne conservatrice a été la première à annoncer sa défaite en Arizona, provoquant une explosion de colère à la Maison Blanche. Et ses présentateurs, lentement mais sûrement, ont distillé l’inéluctable avec des airs fatalistes durant les séquences d’info.
Même Laura Ingraham, d’ordinaire l’une des animatrices de talk-show les plus virulentes des nocturnes, a pris un ton maternel, jeudi soir, pour préparer les supporters du président à la défaite. Mais Donald Trump ? Ses volées de tweets n’annoncent aucune reddition. L’employée de la Maison Blanche chargée d’aménager les relations avec la campagne de Joe Biden pour ménager la traditionnelle transition du pouvoir à Washington n’a toujours pas pris contact avec l’autre camp.
Aux dernières nouvelles, seul son gendre Jared Kushner, l’ordonnateur de facto de la Maison Blanche en l’absence d’un chief of staff confiné chez lui pour cause de Covid, a passé la tête dans le bureau ovale pour tenter de convaincre Donald Trump, sinon de concéder sa défaite, au moins de discuter des options possibles dans les semaines à venir.
Une démarche immédiatement court-circuitée par la garde rapprochée du Président. Ses fils Eric et Donald Jr et son avocat furibond Rudy Giuliani. Dimanche, le staff du siège de la campagne Trump 2020, passablement désabusé, a trouvé un mur de ses locaux entièrement tapissé d’agrandissements des Tweets du candidat, y compris le célèbre «Les médias ne décident pas des élections». Selon le site Politico, l’ordre de galvaniser les troupes «venait de très haut».
Contre le coup du sort, et le «complot» dont il serait victime, Donald Trump, secondé par son avocat Rudy Giuliani, a entrepris des recours en justice. Au moins sept procès ont déjà été intentés par l’équipe de juristes de la campagne. Le Président lui-même a annoncé samedi part tweet que des « procédures sont lancées pour sauvegarder les lois électorales et nous assurer le gagnant légitime est désigné». Des confidences anonymes venues de la Maison Blanche évoquent la possibilité que Trump cherche à sauver la face en jetant le doute sur la régularité des élections et parte ainsi en victime d’un «système trafiqué».
En Pennsylvanie, le président mise sur la controverse sur la régularité du comptage des voix par courriers expédiés avant le 3 novembre, mais dépouillée manuellement pendant une période maximale de trois jours après le scrutin. La Cour suprême des Etats-Unis, divisée sur la question, avait déjà de facto approuvé en octobre ce délai supplémentaire de comptage et renvoyé l’affaire aux tribunaux de l’Etat. Le camp Trump a exigé et obtenu d’une cour locale l’isolement de ces bulletins au cas où ils seraient invalidés par la suite, mais les juges ont refusé la demande principale, l’arrêt du dépouillement. (Libération)