D’après des révélations du «New York Times», López Obrador aurait confié à Joe Biden sa tristesse de voir partir un homme qui avait la qualité de respecter la souveraineté mexicaine. L’occasion d’une piqûre de rappel pour le nouveau venu.
Trump lui manque déjà, à Andrés Manuel López Obrador. C’est le New York Times qui l’écrit : «Le président mexicain est un grand admirateur.» Et il entretenait une «très bonne relation» avec Trump. C’est lui-même qui le dit… Et pas à n’importe qui, pas durant sa conférence de presse fleuve quotidienne. Il l’a exprimé directement à Joe Biden.
D’abord le 15 décembre, lorsque Amlo s’est résolu à prendre sa plume pour féliciter le démocrate six semaines après les élections. Une fois expédiée la formule de congratulation, López Obrador décrivait à son futur homologue ce qui fait le succès des bonnes relations bilatérales : le respect de la souveraineté, le principe de non-intervention et d’autodétermination des peuples. Autant pour la «lettre de félicitation». Un petit sermon ne fait de tort à personne, d’autant que l’outrecuidance interventionniste fait partie de l’idiosyncrasie du poste de président des Etats-Unis.
Encore fallait-il s’assurer que Biden avait compris. Amlo avait jusqu’alors refusé ses propositions d’appels. Le 19 décembre, il accepte une conversation dont le New York Times a révélé la teneur. López Obrador, un brin goujat, se serait répandu en louanges sur Trump et son respect de l’autonomie du Mexique.
On l’aura compris : la marotte, l’alpha et l’oméga, le parangon du sacré et de l’inviolable, pour Amlo, c’est la souveraineté. Certes, les murs sont déplaisants dans le paysage, et le président mexicain a célébré la décision de Biden d’en interrompre la construction. Mais les Etats-Unis font ce qu’ils veulent sur leur territoire. Et puis le mur, c’était la seule solution offerte par Trump aux problèmes d’immigration, de narcotrafic, de sécurité…
Biden, lui, voudra de la coopération, de la coordination, tous ces concepts qui virent facilement, dans l’esprit de López Obrador, à l’interventionnisme, aux envois d’agents infiltrés et de drones. Il a d’ailleurs expliqué à quel point il avait apprécié que Donald Trump, après avoir offert à deux reprises son assistance au Mexique lors d’incidents sécuritaires majeurs, accepte sans broncher les refus reçus en réponse.
Joignant le geste à la parole, dès l’élection du démocrate, le gouvernement mexicain a mené deux attaques éclair ciblées contre les tendances interventionnistes des Etats-Unis. Il a promu une loi limitant la marge de manœuvre des agents américains sur le territoire mexicain. Et Amlo a accusé la DEA, l’agence antidrogue américaine, d’avoir fabriqué les accusations pour narcotrafic et blanchiment d’argent contre l’ancien ministre de la Défense, le général Salvador Cienfuegos. Ce dernier avait été arrêté aux Etats-Unis en octobre et renvoyé au Mexique à condition que la justice de ce pays reprenne l’enquête. Très vite, il a été exonéré. Gringos, retenez la leçon : on ne touche pas à un général mexicain.
Biden ne doit pas entendre beaucoup d’éloges sur Trump ces jours-ci. Mais du Sud lui parvient une petite voix divergente : «Trump et nous, ça collait… Avec vous, on ne sait pas.» L’hostilité préventive parée de bonhomie souriante… Du grand Amlo. (liberation)