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CESAR. Jean-Pascal Zadi et les masques noirs

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Serait-ce le retour du vieil humanisme et de sa « bonne conscience », tant décriés ? Dans son discours de récipiendaire, devant un parterre de masques noirs, Jean-Pascal Zadi, Meilleur espoir masculin et lecteur de Frantz Fanon, a employé une demi-douzaine de fois le mot humanité :

« “Tout simplement noir est un film qui parle avant tout d’humanité… »

Ce discours vintage avait de quoi mécontenter tout le monde.

D’abord, les racistes qui dénient toute humanité aux Noirs par des mots ou par des actes.

Par des mots : quand je l’ai interviewé, Zadi, ce Normand d’origine ivoirienne, m’a parlé de son lugubre passage au cours Simon : « Comme on préparait une pièce, j’ai dit que je voulais jouer Louis XIV. Le prof m’a regardé dans les yeux et m’a dit que ce ne serait pas crédible. Je ne suis plus jamais revenu. »

Par des actes : dans son discours, Zadi a ainsi rendu hommage à Adama Traoré et au producteur Michel Zecler, victimes de violences policières.

Mais le discours de Zadi avait aussi de quoi incommoder un autre camp, le campde ceux qui, parmi les antiracistes, ont fait une croix sur le mot d’humanité qu’ils considèrent comme un gros mot colonialiste. Comme un instrument de domination qui sent le fouet et le napalm. Comme le masque du privilège blanc et le produit d’une oppression millénaire.Politique, offensif, mordant, 10 choses à savoir sur Jean-Pascal Zadi, César du meilleur espoir

Complexité

Tout ceci, Zadi le dit avec une supérieure éloquence dans son film aussi riant que subtil. On y voit ainsi le héros, un acteur raté, passer deux castings. Un casting raciste, où le réalisateur blanc lui demande de jouer un dealer violeur terroriste, manière pour le moins grossière et discriminatoire de nier son « humanité » et sa « complexité », comme dit Zadi. Ou comme dit Fanon dans « Peau noire, Masques Blancs » : « Déjà, les regards blancs me dissèquent (…) Impossible d’aller au cinéma sans me rencontrer ». C’est-à-dire sans rencontrer l’image caricaturale du Noir vue à travers le prisme blanc.

A ce casting raciste répond, dans « Tout simplement noir », le casting antiraciste d’un film sur la colonisation, où Mathieu Kassovitz, dans son propre rôle, demande au héros de jouer à brûle-pourpoint « la souffrance de l’Afrique », une autre forme d’essentialisation. « On me demandait de me confiner, de me rétrécir », comme dit encore Fanon. Car, pour ce personnage antiraciste de « Tout Simplement noir », le Français noir ne saurait être autre chose qu’une victime (« la souffrance de l’Afrique »), et non, par exemple, un artiste, un médecin, une professeure d’histoire-géographie, un lecteur de Proust et un amateur de Kanye West, que sais-je ?« Tout simplement noir », la comédie des identités

Universalistes malgré eux

Zadi rappelait ainsi à ceux qui dénoncent l’universalisme sans nuance tout ce qu’ils ont d’universaliste malgré eux. Qui niera le fait que le viol et l’inceste, par exemple, sont des actes universellement répréhensibles, passibles d’une condamnation universaliste ? Ces antiracistes, qui s’estiment plus intelligents que Zadi, s’empresseront de répliquer que le réalisateur, en invoquant l’antique et spécieuse notion d’humanité, fait le jeu de ses maîtres et les délices de ses oppresseurs, que ce mot rétrograde sonne dans sa bouche comme un reste d’aliénation impensée, refoulée, qu’aveugle à sa propre histoire et à sa propre oppression, il reste prisonnier d’une grille coloniale, etc.

Bref, ils voudront parler à sa place, et diront que non seulement il ne sait pas ce qu’il dit, mais qu’ils savent mieux que lui ce qu’il a voulu dire. Et pourtant, il l’a dit, il l’a dit, Zadi, devant un parterre de masques noirs, et dans une belle tension dialectique entre le particulier et l’universel : « « Tout simplement noir » est un film qui parle avant tout d’humanité… ». Une façon de se réapproprier le mot déshonoré d’humanité, mais enrichi et raffiné par les luttes de la négritude Césaire et, comme dit Fanon, par « l’expérience vécue du Noir »  ? (L’Obs)

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