Les militaires Birmans, à l’origine du coup d’État du 1er février, organisent ce samedi un gigantesque défilé de soldats à l’occasion de la « journée des forces armées », qui commémore le début de la résistance de l’armée birmane à l’occupation japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale.
L’armée birmane se livre ce samedi 26 mars à une démonstration de force à l’occasion de la « journée des forces armées », faisant défiler un impressionnant arsenal dans la capitale Naypyidaw, alors que dans plusieurs villes du pays, de nouvelles manifestations pro-démocratie étaient durement réprimées.
La Birmanie est traversée par une grave crise depuis que la cheffe du gouvernement civil Aung San Suu Kyi a été évincée du pouvoir par un coup d’État militaire le 1er février.
Les militants pro-démocratie avaient appelé à une nouvelle série de manifestations samedi, jour où l’armée organise tous les ans un gigantesque défilé militaire dans la capitale Naypyidaw, devant le chef de l’armée désormais chef de la junte au pouvoir, le général Min Aung Hlaing.
Aux premières heures du jour, des milliers de soldats, des chars, des missiles et des hélicoptères se sont succédé sur une immense esplanade où étaient réunis un parterre de généraux et leurs invités, parmi lesquels des délégations russe et chinoise.
« Balles réelles sans aucun avertissement »
Le général Min Aung Hlaing a de nouveau défendu l’organisation du coup d’État en raison de la fraude électorale présumée lors des élections de novembre, remportées par le parti d’Aung San Suu Kyi, et a juré qu’un « transfert de responsabilité de l’État » se produirait après des élections.
« Le Tatmadaw (l’armée birmane, N.D.L.R.) recherche l’engagement de toute la nation », a-t-il déclaré dans un discours, ajoutant que les actes de « terrorisme qui peuvent nuire à la tranquillité et à la sécurité de l’État » sont inacceptables. « La démocratie que nous souhaitons serait une démocratie indisciplinée si la loi était violée et n’était pas respectée ».
Beaucoup craignent que la date, qui commémore le début de la résistance de l’armée birmane à l’occupation japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale, s’accompagne de troubles.
Avant l’aube, les forces de sécurité avaient déjà réprimé les manifestants à Rangoun, la capitale économique du pays, tandis qu’un rassemblement d’étudiants à Lashio, dans l’État de Shan (nord-est), a vu la police et les soldats ouvrir le feu sur la foule.
« Les gens n’avaient pas commencé à manifester, aucun slogan n’avait été prononcé. L’armée et la police sont arrivées et leur ont tiré dessus à balles réelles sans lancer aucun avertissement », a raconté Mai Kaung Saing, un journaliste local.
Ei Thinzar Maung, l’une des figures des manifestations anti-coup d’État, a exhorté la population à sortir dans la rue ce samedi. « Le moment est venu de lutter contre l’oppression militaire », a-t-elle insisté.
« Ne mourez pas en vain »
Les forces de sécurité ont réprimé avec une force de plus en plus meurtrière les manifestations contre le coup d’État ces dernières semaines, utilisant des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc et des balles réelles pour interrompre les rassemblements.
Vendredi soir, la télévision d’État a diffusé un message appelant les jeunes à cesser de participer à un « mouvement violent ». « Apprenez la leçon de ceux qui sont morts après avoir été touchés à la tête et dans le dos… ne mourez pas en vain », disait le message.
Selon un groupe de défense de prisonniers politiques, 320 personnes ont trouvé la mort dans les troubles depuis le putsch, et plus de 3 000 ont été arrêtées.
Vendredi, la tristement célèbre prison d’Insein à Rangoun a libéré 322 personnes détenues à la suite de manifestations, ce qui s’ajoute aux plus de 600 libérées plus tôt dans la semaine.
Le mouvement de protestation a également inclus des grèves générales et un mouvement de désobéissance civile de la part de fonctionnaires, qui ont entravé le bon fonctionnement de l’État.
Cela a exaspéré les autorités, qui ont procédé à des arrestations nocturnes de personnes soupçonnées de soutenir le mouvement.
Nomination au Nobel de la paix
La brutalité de la répression a entraîné sur la scène internationale une série de condamnations et de sanctions touchant les avoirs de nombreux militaires puissants, dont leur chef.
Jeudi, les États-Unis et la Grande-Bretagne – l’ancienne puissance coloniale – ont imposé des sanctions à un conglomérat appartenant à l’armée birmane.
Jusqu’à présent, la pression diplomatique a eu peu d’impact et Washington et Londres espèrent que toucher les intérêts financiers de l’armée finira par payer.
Les forces armées dominent de nombreux secteurs clés de l’économie birmane, notamment le commerce, les ressources naturelles, l’alcool, les cigarettes et les biens de consommation.
L’armée a défendu sa prise de pouvoir par des allégations de fraude électorale lors des élections générales de novembre remportées haut la main par la Ligue nationale pour la démocratie (NLD) d’Aung San Suu Kyi.
Le mouvement de désobéissance civile a reçu un soutien inattendu vendredi venu d’un groupe d’universitaires norvégiens qui l’a nominé pour le prix Nobel de la paix. (Ouest France)