Il y a eu les réactions passionnées à chaud, juste après les discours des présidents Macron et Kagame le 27 mai dernier. Il y a aussi eu des réactions puisées à la source de l’analyse du sens révélé ou caché des mots prononcés ce jour-là dans un contexte qu’avaient apaisé les deux rapports, Duclert pour la France et Muse pour le Rwanda, convergents à bien des égards quant à leurs conclusions. Ce sont les mots qui ont accompagné ces dernières que nous avons choisi de partager dans les textes ci-dessous.
Yolanda Mukagasana : « Nous attendons de voir… »
« La visite du président Emmanuel Macron est un acte de courage, d’humanité et de détermination. C’est un pas de géant. C’est une très bonne chose aussi bien pour le Rwanda que pour la France, mais aussi pour toute l’Afrique francophone. Grâce à cette visite, le peuple français va enfin connaître la vérité sur la responsabilité de ses autorités au temps de l’ancien président français François Mitterrand, mais aussi l’Afrique francophone qui a subi la désinformation continue et avérée de la cellule africaine de l’Élysée par rapport à l’histoire tragique africaine. Ne croyez surtout pas que la décision du président Emmanuel Macron de venir au Rwanda a été chose aisée pour lui. Ne croyez pas que les coupables du génocide contre les Tutsis, aussi bien les Rwandais que les Français, ont aimé son acte de courage. Ne croyez pas que les génocidaires et leurs amis en France vont le laisser tranquille. Mais il a fait un choix courageux et honorable quoique difficile, le choix d’un homme humble et très intelligent. Le président Emmanuel Macron a écrit une page de l’histoire franco-africaine. C’est aux Africains de continuer.
Désormais, la France et l’Afrique ont un rendez-vous pour les relations de respect mutuel. Ce n’est plus cette France arrogante qui impose et s’impose. On dit que la promesse est une dette. Le président Emmanuel Macron a fait des promesses à nos morts, aux survivants et au peuple rwandais. Il a fait des promesses à l’histoire. Maintenant que nous avons constaté sa grande humilité, nous attendons de voir s’il est intègre. Nous attendons de le voir honorer les promesses qu’il a faites, à nous les vivants, devant et pour nos morts. Il a fait des promesses à mon mari et tous mes enfants qui reposent dans ce mémorial de Kigali, à Gisozi, et à plus d’un million de victimes du génocide contre les Tutsis. Moi, je reste convaincue qu’il va les honorer, notamment celles concernant le fait que les coupables soient traduits devant la justice. Et moi j’y crois. Ma lutte date du 7 avril 1995. Vingt-sept ans après, je me sens un peu comprise et reposée. Ceux qui disent que le président Macron n’a pas présenté des excuses pour la France n’ont rien compris à la profondeur de ses mots. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. »
Fulgence Niyonagize : « Des gestes parlent plus que les mots »
Ce journaliste à Pax Press, une ONG de média pour la paix, a scruté tous les détails de ce 27 mai. « Est-ce par hasard que le président Macron portait un costume gris cendre, couleur de deuil utilisée lors des commémorations au Rwanda ? Il est un des rares à avoir visité le site du mémorial du génocide et a passé plus de 40 minutes à l’intérieur, sans doute pour s’imprégner de toute l’histoire du génocide. Comment le Rwanda qui a pardonné tant de tueurs directement impliqués sur les collines ne peut-il pas pardonner à leur partenaire d’hier, aujourd’hui pieux et qui reconnaît ses responsabilités ?
Macron a surpris tout le monde quand, au lieu de déposer directement les gerbes de fleurs sur la tombe où reposent plus de 250 000 victimes tutsies tuées à Kigali, il est passé outre le protocole pour aller embrasser deux veuves du génocide avec des mots sans doute de réconfort. Ces gestes parlent plus que les mots. »
Éric Ndushabandi : « Le Rwanda peut servir de partenaire »
Pour ce professeur de sciences politiques et de relations internationales à l’université du Rwanda, également directeur de l’institut de recherche et de dialogue pour la paix-IRDP, « Macron risque d’être réélu l’année prochaine parce qu’il ne se positionne ni à droite, ni à gauche, évitant l’approche qui pourrait déplaire aux uns et aux autres ». Et d’ajouter : « Le fait qu’il ait demandé pardon plutôt que de présenter des excuses officielles a plus à voir avec la politique intérieure qu’avec la relation de la France avec le Rwanda. Macron a fait le choix d’imposer sa légitimité en tournant l’attention de l’opinion française sur une question extérieure. Car l’agenda électoral français est un facteur moteur de la démarche de l’actuel président français.
Macron veut stratégiquement diviser les deux anciens systèmes de partis politiques, modifier de manière importante la cartographie électorale des socialistes et gagner en popularité de cette manière. Du point de vue géopolitique, le Rwanda est un partenaire stratégique positionné à la jonction d’un bloc oriental anglais et au cœur des pays francophones d’Afrique. Il peut servir de partenaire pour stopper les échecs de la France en Afrique dans un contexte d’expansion du terrorisme jusqu’au Mozambique ». Pour Éric Ndushabandi, « nous sommes à la rencontre de la réparation symbolique presque assurée et d’une ouverture au droit à la réparation économique ».
Hugo Jombwe : « Nous espérons la tenue prochaine des procès »
Chef de mission RCN-Justice & Démocratie, une ONG belge implantée au Rwanda dans la foulée du génocide et œuvrant dans le domaine de la justice, Hugo Moudiki Jombwe a initié « Justice et Mémoire ». Il s’agit d’un projet qui suit de près les procès de suspects de génocide tenus hors du Rwanda, notamment en France.
spects se trouvant sur son sol est fort intéressant ». « Ceci est pour nous une nouvelle importante puisqu’à ce jour seules 3 personnes ont été jugées en France. Nous espérons la tenue prochaine des procès et la prise de mesures permettant aux Rwandais de les suivre et d’y participer. » (lepoint.fr)