Selon un média d’État éthiopien, le Premier ministre Abiy Ahmed a pris mardi, sur le champ de bataille, la tête de la « contre-offensive » contre les rebelles du Tigré qui menacent la capitale. De son côté, le patron de l’ONU a appelé mercredi à un cessez-le-feu immédiat.
Le Premier ministre d’Éthiopie Abiy Ahmed est au front où il dirige la « contre-offensive » des forces gouvernementales contre les rebelles venus de la région du Tigré et qui menacent de prendre la capitale Addis Abeba, a affirmé mercredi 24 novembre un média officiel.
Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix 2019, « mène maintenant la contre-offensive » et « dirige le champ de bataille depuis hier », a rapporté Fana Broadcasting Corporate, affirmant qu’à Addis Abeba le vice-Premier ministre Demeke Mekonnen gère désormais les « affaires courantes ». Il n’était pas possible de savoir exactement où se trouvait Abiy Ahmed, un ancien opérateur radio de l’armée devenu lieutenant-colonel. Fana n’a pas diffusé d’images de lui sur le terrain.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, en visite en Colombie, a lancé mercredi soir un « appel urgent » à un « cessez-le-feu immédiat et inconditionnel afin de sauver » le pays, après plus d’un an d’un conflit marqué par le spectre de la famine.
La guerre a démarré au Tigré en novembre 2020 lorsque Abiy Ahmed y a envoyé l’armée fédérale afin d’en destituer les autorités, issues du Front de libération du Tigré (TPLF), qui défiaient son autorité et qu’il accusait d’avoir attaqué des bases militaires.
Abiy Ahmed avait proclamé la victoire trois semaines plus tard, après la prise de la capitale régionale Mekele. Mais, en juin, le TPLF a repris l’essentiel du Tigré et poursuivi son offensive dans les régions voisines de l’Amhara et de l’Afar. Cette semaine, le TPLF a affirmé contrôler Shewa Robit, à 220 km au nord-est d’Addis Abeba.
Un médaillé olympique comme recrue
Mercredi, des centaines de nouvelles recrues de l’armée, incitées par Abiy Ahmed à « rejoindre la campagne de survie » selon Fana, ont participé à une cérémonie à Addis Abeba. « J’ai été ébahi quand j’ai entendu » que le Premier ministre voulait rejoindre les soldats sur le terrain, a dit à l’AFP Tesfaye Sherefa, un chauffeur de 42 ans qui faisait partie des conscrits. « Quand un dirigeant quitte (…) son trône c’est pour sauver son pays. Son objectif n’est pas de vivre mais de sauver son pays, et j’ai pleuré quand il a dit +suivez-moi+ et est allé sur la ligne de front. »
Parmi ceux qui ont promis de se battre figure le marathonien et médaillé olympique Feyisa Lilesa, qui a déclaré que l’avancée des rebelles représentait une « grande opportunité » de défendre le pays. « Quand un pays est profané, c’est impossible pour moi de ne pas bouger et de juste regarder », a-t-il dit à un autre média officiel, Ethiopian BC.
Aux Jeux de Rio en 2016, Feyisa Lilesa avait fait la une en franchissant la ligne d’arrivée du marathon les bras levés et en croix – un geste de solidarité avec son peuple oromo, dont les manifestations contre le pouvoir, alors de longue date aux mains du TPLF, subissaient une forte répression.
Exodes
Le gouvernement continue d’affirmer que la progression du TPLF est exagérée, dénonçant une couverture médiatique sensationnaliste et des recommandations sécuritaires d’ambassades jugées alarmistes.
L’ONU a exprimé mercredi son inquiétude après des informations faisant état de déplacements de populations de grande ampleur dans l’ouest du Tigré, où Washington a déjà mis en garde contre un nettoyage ethnique.
Londres a appelé mercredi ses ressortissants à quitter « immédiatement » l’Éthiopie, faisant état d’une « détérioration » rapide de la situation. La France, l’Italie, l’Allemagne, l’Irlande et les États-Unis ont émis des appels similaires. Washington, Londres et l’Union européenne ont également retiré leur personnel non-essentiel tandis que l’ONU va évacuer d’ici à ce jeudi les familles de ses employés internationaux.
Par ailleurs, l’Irlande a annoncé mercredi que l’Éthiopie avait demandé à quatre de ses diplomates de quitter le pays d’ici la semaine prochaine. Le ministère des Affaires étrangères a déclaré que cette décision découlait « des positions que l’Irlande a exprimé à l’international (…) sur le conflit et la crise humanitaire en cours en Éthiopie ».
De son côté, Paris a appelé mercredi à l’instauration d’un cessez-le-feu et d’un « dialogue politique » entre belligérants dans le pays. (France24)