Vendredi 21 janvier, les funérailles d’Ibrahim Boubacar Keïta ont été organisées par le pouvoir civilo-militaire qui a provoqué sa chute, en août 2020.
La cérémonie était en soi un symbole, le condensé des événements qui ont bouleversé le Mali au cours des dix-huit derniers mois. Ce vendredi 21 janvier, des centaines de militaires, en rang le long de la place d’armes du 34e bataillon du génie militaire de Bamako, ont regardé passer, immobiles, le cercueil de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), recouvert du drapeau national et porté par six hommes en uniforme de parade.
Au bout du tapis noir sur lequel le corps est déposé, Choguel Maïga, l’actuel premier ministre de la transition, préside la cérémonie, sans dire un mot. Au printemps 2020, il était l’un des instigateurs des grandes manifestations populaires réclamant le départ d’IBK, lesquelles finiront par entraîner la chute de ce dernier lors du coup d’Etat militaire du 18 août. C’est encore lui qui fut choisi pour diriger le gouvernement mis en place au lendemain du second putsch de mai 2021.
Mort le 16 janvier des suites d’une longue maladie, Ibrahim Boubacar Keïta, qui dirigea le Mali de 2013 à 2020, s’est ainsi vu rendre les derniers hommages par ceux-là mêmes qui le forcèrent à quitter le pouvoir.
Recueillement et consensus
Mais ce vendredi de deuil national, il s’agissait de faire table rase des batailles politiques du passé. L’heure est au recueillement et au consensus affiché pour dire au revoir à « ce grand baobab qui vient de s’incliner », « démocrate pragmatique », « républicain dans l’âme » et « amoureux de culture » à la « générosité légendaire », qui avait coutume de dire qu’il avait le Mali « chevillé au corps ».
« Il n’avait aucune amertume et n’en voulait à personne », a relevé, au pupitre, Boubacar Keïta, son troisième fils, retraçant brièvement les dernières semaines de ce père président qui, depuis son retrait forcé de la vie politique, « suppliait presque ses interlocuteurs de venir en aide à ceux qui ont la lourde charge du Mali aujourd’hui ».
A ceux qui l’avaient renversé, IBK avait, selon son entourage, pardonné leur geste. S’abstenant de tout commentaire public sur la situation politique nationale, et « malgré son vœu ardent de se plonger dans sa riche bibliothèque, il n’arrivait pas à se désintéresser des problèmes du Mali. Cela le rongeait plus que tout », a souligné Aminata Jeanne Keïta, une des petites-filles de l’ancien président, face à une assemblée constituée principalement d’invités maliens.
De nombreuses absences
Signe de l’isolement croissant du pays, les funérailles de l’ancien dirigeant ont été marquées par de nombreuses absences.
D’abord celle des délégations de chefs d’Etat membres de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). La junte ayant, malgré les pressions internationales, décidé de ne pas rendre le pouvoir comme promis à l’issue d’élections, le 27 février, le Mali a été placé sous embargo par ses voisins. En janvier, après l’annonce par les putschistes d’une transition qui durerait six ans et demi, l’organe sous-régional a prononcé de lourdes sanctions, notamment économiques et financières, contre le pays et la fermeture des frontières. Ce 21 janvier, seule une délégation venue de Guinée était présente. A l’instar de Bamako, Conakry est dirigé par un jeune colonel, Mamadi Doumbouya, lui-même ayant renversé le président Alpha Condé en septembre 2021.
Sur le plan international, la France, l’Union européenne, la Belgique, les Pays-Bas, les Etats-Unis, le Japon, ou encore les Emirats Arabes Unis et la Chine étaient représentés. « Nous retiendrons un grand homme d’Etat et une personne très attachée à la France. IBK était un Parisien, comme moi », a témoigné Joël Meyer, l’ambassadeur de France au Mali.
Autre absent de la cérémonie : Karim Keïta, fils aîné de l’ancien président. Celui qui fut président de la commission défense de l’Assemblée nationale se trouve, depuis l’été 2021, sous le coup d’un mandat d’arrêt pour sa présumée implication dans l’assassinat du journaliste malien Birama Touré, disparu en 2016. Karim Keïta s’est réfugié en Côte d’Ivoire. (lemonde.fr)